salut!
si tu as vu Les amitiés maléfiques, tu pourras répondre à l'instar d'André qui cite Karl Kraus "...parce qu'ils n'ont pas le courage de ne pas écrire".
Ce serait une boutade.
Je crois que le neoud du problème, c'est Platon et les dialogues de Socrate. Tu sais que Socrate n'a rien écrit, que c'est Platon qui a couché ses dialogues sur le papier. Tu sais aussi que Platon critique toute image, toute représentation - surtout artistique -; l'idée perd en vérité à s'incarner dans un objet sensible, même un rouleau.Or ce même Platon qui critique les poètes, veut les chasser de la cité, n'écrit rien moins qu'une série de tragédies pour mettre en scène Socrate (Ménon, Phédon...) et sa mort. Il y a là un singulier paradoxe: celui-là même qui élève l'esprit vivant et critique la lettre morte, celui-là même qui veut chasser les poètes de la cité, se fait auteur dramatique et laisse des écrits à la postérité.
Il y a plusieurs façons de lever ce paradoxe. D'abord, on peut soupçonner Platon, à chasser les poètes de la cité, de vouloir supprimer la concurrence; car l'art - aussi bien que la philosophie - peut nous détacher du sensible et nous porter vers la contemplation de l'idée. Ensuite, Platon choisit tout de même de conserver la forme du dialogue, plus vivant, plus proche de la pensée en action. Au passage, Wittgenstein dans ses Recherches philosophiques reprend une forme de dialogue avec un interlocuteur difficilement identifiable.
Mais pourquoi donc écrit-il? Pour inscrire son oeuvre dans la durée. Une pensée universelle ne saurait se résigner à mourir avec l'individu qui l'a portée. Parce que le philosophe est pédagogue, veut éduquer toujours. Et il y a là un deuxième problème: c'est qu'en Platon, qui commence vraiment à écrire de la philosophie, Heidegger voit la perversion initiale de la philosophie. A être écrite, à s'enseigner (Platon fonde aussi la première école de philosophie pour laquelle il faut des manuels) à acquérir une méthode, la philosophie perd de sa radicalité, elle devient médiocre au sens de moyenne. Car pour Heidegger, la philosophie doit penser avant tout la question de l'être, celle de savoir ce qu'est l'être, penser la situation de l'homme qui esty comme jeté au monde; son extase. Et l'extase décidément ne s'écrit pas, mais se vit. D'où les premières leçons déroutantes de Heidegger, pas du tout dans la tradition scolaire. En même temps, le philosophe a peut-être envie de produire une oeuvre pour accéder à l'immortalité. Ce désir est légitime selon Hannah Arendt, c'est parce que l'homme est capable de produire des oeuvres dont le caractère est la durabilité par souci de durer dans le souvenir des hommes, que l'homme a un monde, des repères, un réseau de significations qui lui confèrent l'humanité. Lis un peu Condition de l'homme moderne. Et pour Heidegger, ce que dit Peter Sloterdijk dans La domestication de l'être, assez au début.
En résumé: ils écrivent pour l'immortalité, en retour ça fait monde; et parce que la philosophie a fini par être enseignée et il faut des manuels, des supports, avec les pervesions que çe implique.