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Discussion: Nature et histoire

  1. #1
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    April 2001
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    Sur un entretien aves Monsieur Besnier , dans la prestigieuse revue, Sciences et Avenir

  2. #2
    lucie1 Guest

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    Sens et "fin de l'histoire" Nature insociable sociabilité .... etc

    Introduction
    Le fait que l?on puisse donner du sens à l?histoire suppose qu?il n?y ait un sens de l?histoire clairement établi, visible par tous. Comme l?écrit Etienne Borne dans son article de Commentaire : " il faut être plus qu?historien, et peut être, plus que philosophe ". Nous pouvons donner du sens à l?histoire par une réinterprétation du passé mais pouvons nous pour autant conférer un sens à l?histoire future ? Est-il possible de donner une fin à l?histoire et donc de définir le sens dans lequel l?histoire évoluera dans le futur ?

    Kant : Idée d?une histoire universelle du point de vue cosmospolitique
    " Les actions humaines sont déterminées par les lois de la nature, exactement au même titre que tout autre événement de la nature " (introduction). Kant veut montrer que l?ensemble des actions des individus ou des Etats constitue un tout intelligible : l?histoire universelle. Cette histoire connaît selon lui une progression linéaire. Bien que les individus pris isolément pensent et agissent selon leur volonté libre, ils servent en fait le dessein de la nature.


    Kant veut montrer qu?il y a, malgré l?apparence d?incohérence totale, un sens de l?histoire de l?espèce humaine. En effet, selon les lois de la nature tout être vivant est destiné à atteindre son but, ce pourquoi il existe. La loi naturelle est une loi " téléologique ". (première proposition)


    Une des dispositions naturelles de l?homme est la raison définie comme " un pouvoir permettant d?étendre bien au-delà de l?instinct naturel les règles et les desseins qui président à l?usage de toutes ses forces " (deuxième proposition). Mais, selon Kant, cette raison ne se réalise pas à l?échelle d?un individu mais à l?échelle de l?espèce. La raison progresse d?une génération à l?autre, se transmet.


    La nature a disposé l?homme de telle sorte qu?il soit contraint de dépasser son instinct animal pour survivre, qu?il doive développer sa raison. Ainsi, la nature a voulu que l?homme ne soit pas" guidé par l?instinct ni non plus être instruit et pris en charge par une connaissance innée " (troisième proposition). La nature n?a donc pas donné le développement accompli de la raison à l?homme. L?espèce humaine doit donc la développer tout au long de son histoire : telle est la signification de l?histoire de l?humanité et telle est sa fin.


    Le moteur de l?histoire est " l?insociable sociabilité de l?homme "(quatrième proposition). Cette nature " duelle " de l?homme le pousse à s?opposer à la société et à la vouloir en même temps. Guidé par l?insociabilité, la cupidité, l?ambition l?homme utilise ses capacités et cherchent à les développer. Ses défauts sont certes " peu sympathiques " mais ils sont un facteur de progrès de la raison. Pour Kant cette progression est linéaire " par une progression croissante des lumières, commence même à fonder une façon de penser qui peut avec le temps transformer le grossière disposition naturelle au discernement du mal en principes pratiqués déterminés ".(quatrième proposition). Ainsi, paradoxalement les aspects négatifs de la nature humaine conduisent au développement de la raison et aussi au développement de la morale, objet de la raison.


    Afin de parvenir au développement de la raison, une première condition doit être réalisée. Il s?agit pour l?espèce humaine " d?atteindre une société civile administrant universellement le droit " (cinquième proposition). L?histoire évolue donc vers cette société où la liberté est seulement limitée par celle des autres, où les lois sont justes. Le moteur de cette recherche est l?insociable sociabilité de l?homme puisque cette société a pour objectif d?assurer une parfaite conciliation entre ses deux penchants opposés de l?homme.


    Condition essentielle au développement le plus achevé des dispositions de l?homme, cette constitution civile parfaite est le dernier problème que l?humanité résoudra. Etant donné que les hommes sont des êtres insociables, il leur faut " un maître ". Mais, ce maître sera nécessairement un homme. " Le chef suprême doit être juste par lui-même, et cependant être un homme "(sixième proposition). Cette Idée de société civile parfaite doit être approchée le plus possible par les hommes malgré leur nature, le sens de l?histoire est la recherche de la réalisation de cette Idée.


    Mais le développement complet de la Raison ne peut exister si les guerres entre Etats continuent. En effet, les guerres sont destructrices. Le progrès de la raison doit donc non seulement permettre d?élaborer une constitution civile qui assure la paix civile dans les Etats mais aussi une communauté d?Etat au niveau international : " une Société des Nations dans laquelle chaque Etat, même le plus petit pourra attendre sa sécurité et ses droits ". (septième proposition) Le sens de l?histoire est donc bien le règne du droit et de la raison dans le monde tant au niveau interne qu?au niveau international.


    Cependant, il peut sembler que l?histoire des hommes n?est en fait pas de sens, qu?on ne puisse en dégager aucune logique. En effet, les guerres entre Etats sont toujours coûteuses en vie humaine. Mais Kant veut montrer que l?on peut donner un sens à ces guerres en fonction de la finalité de l?histoire de l?espèce humaine. En effet, " les maux qui en résultent forcent notre espèce à trouver une loi d?équilibre ". Ces guerres permettent donc à l?humanité de progresser vers la Société des Nations. La constitution d?un tel ordre international sera, selon Kant, le " dernier pas " vers la dernière étape de l?histoire. Il constate que nous sommes " cultivés ... civilisés...Mais il s?en faut de beaucoup pour que nous puissions déjà nous tenir pour moralisés " (septième proposition). La moralité ne doit en effet pas être que apparence. Elle ne pourra devenir réalité que lorsque l?histoire des hommes aura atteint la Société des Nations.


    La fin de la nature suppose donc " l?accomplissement de ce plan caché de la nature ". Kant constate qu?à son époque les Etats sont de plus en plus liés entre eux par des liens économiques et que la liberté progresse partout. Cette transformations des constitutions internes et des relations internationales préfigurent selon Kant " ce que la nature a pour dessein suprême d?établir, à savoir une situation cosmopolitique universelle comme foyer au sein duquel se développeraient toutes les dispositions originelles de l?espèce humaine " (huitième proposition).


    Le philosophe ne doit donc pas se comporter comme un historien, il doit chercher à découvrir " un fil conducteur " (neuvième proposition) dans l?histoire de l?humanité et de donner un sens, une rationalité aux événements qui ne sont pas en apparence reliés entre eux.


    Kant : Le conflit des facultés (Appendice I, Deuxième section)
    L?espèce humaine est-elle en constant progrès vers le mieux ? Kant se propose ici de faire une histoire " prospective " conduite par les lois de la nature. Il n?est pas possible de prévoir l?histoire d?une autre façon.


    Ainsi, lorsque les hommes politiques prévoient l?histoire en fonction de ce qu?ils disent être " les hommes tels qu?ils sont " (section II-1), ils ne se fondent pas sur les lois de la nature. En effet, ils se fondent sur une nature humaine imparfaite de laquelle ils sont responsables.


    Il y a plusieurs conceptions de l?évolution de l?histoire de l?humanité: " la régression vers le pire, ou bien en progrès constant, ou bien en éternelle stagnation " (section II-3). Si envisager une décadence continuelle n?est pas possible car cela aboutirait à la fin de l?humanité, il est également impossible de définir l?histoire comme un progrès perpétuel sans erreur. Dès lors, il semble que la troisième solution soit celle qui donne la meilleure image de l?histoire. La faiblesse de l?homme expliquerait qu?il ne persiste jamais ni dans la voie du bien ni dans la voie du mal. Mais cette représentation de l?histoire n?est fondée que sur l?observation des faits et non pas sur une lecture de l?histoire sur la recherche d?un " fil conducteur ". De plus ces visions de l?histoire oublient que les hommes sont des êtres de liberté.


    Pour être en mesure de prévoir l?histoire, il faut donc prendre un autre point de vue : celui des lois naturelles. Ces lois naturelles doivent permettre de montrer que l?espèce humaine a " la capacité à être cause de son avancée vers le mieux ". Il faut trouver un événement qui soit " un signe historique " de la progression de l?homme vers le mieux (II-5). Kant prend comme événement la révolution française. Il considère que cet événement a une portée universelle car il ne pourra être oublié même si les institutions échouent. En effet, durant la révolution des valeurs ont été affirmées publiquement. Ainsi, cet événement " laisse non seulement espérer le progrès vers le mieux mais il est progrès ".


    Selon Kant, la révolution trouve sa cause dans " une disposition morale de l?espèce humaine " qui était double. La révolution a été " une prise de position " en faveur du " droit " des peuples à disposer d?eux-mêmes mais elle a également été l?affirmation du " but (ou devoir) selon lequel est en soi juridiquement et moralement bonne la constitution d?un peuple qui, par sa nature, est telle qu?elle peut écarter par principe une guerre offensive, ce qui ne peut être que la constitution républicaine, du moins son Idée".(II-6) La révolution française est donc la marque du progrès de l?histoire car elle affirme les deux conditions essentielles de la réalisation de la raison : la constitution civile parfaite et, en partie, la Société des Nations. Le progrès est donc garanti à l?humanité même si la révolution ne parvient pas à mettre ne place la République puisque l?Idée de République a été affirmée.


    Prévoir l?histoire suppose que l?on définisse des valeurs universelles. L?idée de constitution républicaine est cette valeur universelle. Kant la définit ainsi : " peut être telle soit par la forme de l?Etat soit même simplement par les modalités de gouvernement, en faisant administrer l?Etat par l?unité du souverain d?une façon analogue aux lois qu?un peuple se donnerait lui même conformément aux principes universels de droits " (II-7). Cette constitution républicaine est celle qui permettra de trouver un maître qui soit bon en lui même. La révolution française a révélé cette Idée au reste de l?humanité. Elle ne pourra plus être oubliée parce qu?elle constitue une valeur universelle, condition du développement total des facultés naturelles de l?homme.


    Un échec de la République française ne peut contredire la prédiction de Kant car l?Idée de république restera malgré tout. Elle restera l?idéal à atteindre et les hommes tenteront d?y parvenir. Ainsi, " le genre humaine a toujours été vers le mieux et continuera à progresser ainsi dans l?avenir ".


    " Faire pénétrer les lumières dans le peuple, c?est enseigner publiquement au peuple ses devoirs et ses droits à l?égard de l?Etat auquel il appartient " (II-8). Les philosophes doivent transmettre ce message au peuple car ils sont des " professeurs de droit libres ", ils ne sont pas soumis à un Etat. Pour cela, il faut que la liberté de parole et la publicité soit assurée. Sans publicité, il est difficile de communiquer les sens de l?histoire au peuple, de l?éduquer. Il faut que la vérité apparaisse et qu?il soit possible de la dire, de transmettre au peuple l?Idée de République.


    l?Idée de République " n?est pas une chimère vide mais la norme éternelle pour toute constitution politique en général, et écarte toute guerre " (II- 8). Dès lors, cette constitution est un devoir pour les hommes qui sont au pouvoir. Ils doivent s?efforcer de tendre vers cet Idéal éternel même s?ils sont des monarques.


    Si ce devoir est respecté, quelles seront les conséquences pour l?humanité ? " Non pas un quantum toujours croissant dans la moralité mais une multiplication des produits de sa légalité dans des actions conformes au devoir " (II- 9). Cela signifie que les bénéfices de ce progrès ne seront pas abstraits mais relèveront des actions humaines. Kant prédit l?instauration progressive d?un Etat de droit et de la meilleure société civiles possible qui permettra d?atteindre finalement les deux conditions essentielles de la réalisation de la raison humaine : la République et la Société des Nations.


    Ce progrès de l?humanité sera rendu possible grâce à l?éducation des citoyens dès le plus jeune âge. Ce processus d?éducation ira donc de " haut en bas ", c?est à dire des professeurs vers les élèves. Cela suppose que les professeurs soient eux-mêmes éduqués. Leur éducation ne relève pas de l?Etat mais de la " Providence ". L?éducation doit permettre au citoyen de se former au Bien. Mais cette éducation suppose des moyens qui sont très lourds et qui ne sont pas disponibles lorsque les Etats sont en guerre puisqu?ils consacrent tout leurs moyens à la poursuite de la guerre. Il faut donc que l?Etat " se réforme aussi lui-même ". Il faut que la guerre devienne de plus en plus rare pour que puisse s?établir une éducation qui permettra d?accélérer le mouvement du progrès.


    Hegel : La raison dans l?histoire. la fin ultime
    " L?Esprit ne peut trouver la paix, il ne peut s?occuper de rien avant de connaître ce qu?il est ". L?histoire des peuples est apparemment bien détachée de cette idée et semble avoir toujours suivi des intérêts particuliers sans s?être jamais occupée de la révélation de l?Esprit qui est pourtant la plus grande chose qui soit.


    Or, le but de l?Esprit " est de parvenir à sa conscience de lui-même ou, ce qui revient au même, de rendre le monde adéquat à lui même ". Telle est donc la fin de l?Histoire de l?humanité qui progresse vers la réalisation de l?Esprit bien que ce progrès ne s?accomplisse pas de façon apparente. L?Esprit est à la fois de fin de l?Histoire mais aussi son moteur son " processus ". Hegel décrit ce processus comme un processus graduel qui se fait par étapes historiques. Chaque peuple marque une étape de la révélation de l?Esprit. Il y a une forte connotation divine de l?Esprit chez Hegel.


    Hegel explique quelle est la différence entre un idéal et l?Esprit pour répondre à certaines critiques qui pourraient être soulevées à propos de cette idée. En effet, il arrive fréquemment que les idéaux " n?arrivent pas à s?incarner dans la réalité ". Ainsi, si l?Esprit était un idéal, sa révélation serait peut être impossible et l?analyse de Hegel ne serait donc plus fondée. Mais il existe une différence fondamentale entre l?Eprit et un idéal : le premier est " universel ", le second est " subjectif ". Les individus ne sont que les instruments de la révélation de l?Esprit. Il y a des valeurs inspirées par la Raison universelle qui ne concernent pas seulement les individus mais l?espèce humaine.


    Considérer la réalité des individus et des Etats particulier en montrant à quel point la réalité est loin des idées de la Raison universelle " est la marque de la plus grande superficialité ". En effet, l?Histoire a un sens malgré les défauts que l?on peut observer. Critiquer un état de fait ou un objet ne suffit pas à en connaître la nature. Hegel prend l?exemple de l?âge rend les hommes plus clément car ils connaissent mieux la nature de la vie. Ainsi, " s?il accepte mieux le mal, ce n?est pas par désintéressement, mais parce qu?il a été instruit par le sérieux de la vie et à appris à se diriger vers le fond substantiel et solide des choses ". Connaître le sens et la fin de l?Histoire devrait permettre de mieux accepter le mal et les défauts de la réalité. La philosophie se donne pour objectif de comprendre les plans de Dieu et de savoir interpréter l?Histoire par rapport à cette fin. Ainsi, " la philosophie veut connaître le contenu, la réalité de l?Idée divine et justifier la réalité méprisée ". Pour cela, la philosophie doit se pencher sur l?interprétation de l?Histoire pour la rendre intelligible. Comme Kant, Hegel montre que le mal que l?on voit dans l?Histoire humaine peut être justifié par le cours de l?Histoire, avoir un sens. Cependant, alors que Kant voit un progrès linéaire de l?humanité, Hegel pense que le progrès de l?Esprit peut connaître des régressions.


    Francis Fukuyama : La fin de l?histoire
    En 1989, dans la revue Commentaire, Francis Fukuyama dans un article intitulé : "la fin de l?histoire" explique que l?effondrement de l?URSS met fin à tout risque de guerre mondiale et consacre la victoire des démocraties libérales. La fin de la division Est-Ouest est donc interprétée comme la victoire d?un modèle politique sur un autre. Ce modèle est celui de la démocratie libérale. Selon Fukuyama, il est appelé à être développé dans tous les Etats du monde. Son analyse des événements de la fin de la guerre froide le conduit à penser qu?elle réalise la vision hégélienne de la fin de l?histoire : l?instauration de " l?Etat universel et homogène ".


    En effet, il considère que les concepts d?universalité et d?égalité organisent les relations internationales, la généralisation de la démocratie libérale suffit à instaurer un Etat universel et homogène puisque les mêmes valeurs sont appliquées dans chaque Etat et que les Etats ont les mêmes droits dans les relations interétatiques.


    Toutefois, en considérant une partie du raisonnement nietzschéen, Fukyama reconnaît que l?universalisation d?un modèle comme la démocratie libérale peut conduire à l?indifférenciation des Etats et amener certaines sociétés à rejeter cette uniformisation par la recherche de la domination et de la gloire en se servant de la violence. Pour lui, il y a donc un risque d?une violence nihiliste qui ne pourrait pas être contrôlée par les démocraties et qui dépasserait la guerre entre les Etats. L?économie libérale serait un des moyens d?expression de cette violence à travers les mécanismes de concurrence entre les hommes qui permettrait d?obtenir la reconnaissance de la force. En tant que catalyseur, l?économie serait donc un facteur de paix internationale.


    Fukuyama en conclu que l?histoire serait donc finie car elle aurait trouvé son aboutissement dans la démocratie et l?économie libérale. La progression de l?histoire trouverait donc sa fin dans la réalisation de la pensée hégélienne d?un Etat universel et homogène fondé sur ces deux éléments.


    A la suite de cet article, Francis Fukuyama a écrit La fin de l?histoire pour préciser sa pensée et répondre aux critiques que son article avait provoquées. Il explique que parler de la fin de l?histoire ne signifie pas " l?histoire comme succession d?événements " mais comme la fin de " l?Histoire, c?est à dire un processus simple et cohérent d?évolution qui prenait en compte l?expérience de tous les peuples en même temps ". Il se place donc dans la logique hégélienne. Il parle de l?histoire universelle. Il veut rendre un sens à l?histoire et dire que l?humanité est parvenue à la fin de l?Histoire car elle a trouvé le type de société qui permettrait de " satisfaire ses (de l?humanité) besoins les plus profonds et les plus fondamentaux ".


    L?objectif de son ouvrage est de démontrer que son raisonnement est justifié. Malgré les événements tragiques du vingtième siècle, le génocide et les totalitarismes, il est celui possible d?être optimistes et de croire à une fin de l?histoire. Il s?oppose en cela à Michel Serres qui critiquait la Thanatocratie. Il donne deux raisons : une raison économique et une raison plus philosophiques.


    Tout d?abord, il pense que son analyse tient car " la bonne nouvelle est arrivée ". Les événements de 1989 et la défaite de Hitler à la fin de la seconde guerre mondiale ont démontré que les dictatures étaient faibles et ne pouvaient pas tenir dans le temps. Il ne reste que " " la " démocratie libérale ".


    Il utilise la physique moderne comme moteur de l?histoire parce que " c?est la seule activité sociale importante qui, par l?effet d?un consensus générale, soit à la fois cumulative et orientée ". Cette vision de la science et donc totalement à l?opposé du texte de Michel Serres sur la Thanatocratie. Selon Fukuyama, la science assure le progrès. Tout d?abord, elle permet aux Etats qui la possèdent de rester indépendants. Mais cette vision est assez éloignée de celle de Kant à propos de la société des Nations où tous les Etats étaient égaux entre eux malgré leur taille ou leur richesse. Or, il est évident que la technologie n?est pas donnée à tous les Etats aujourd?hui et qu?elle est, la plupart du temps, monopolisée par les grandes puissances.


    De plus, et surtout, la physique permet la croissance économique. Or ,selon lui, " ce processus garantit une certaine homogénéisation croissante de toutes les sociétés humaines ". Ainsi, la mondialisation de l?économie serait un facteur d?unité de l?humanité et des cultures. Les sciences physiques seraient donc l?explication de la globalisation économique et serait à la source d?une convergence des différents peuples vers le capitalisme. Cependant, cela n?explique pas pourquoi l?humanité est conduite à la démocratie libérale pourquoi " nous sommes des " démocrates " ".


    Fukuyama reprend à son compte l?idée de Hegel selon laquelle l?homme veut " être reconnu comme être humain ". Fukuyama reprend la dialectique du maître et de l?esclave et montre en quoi tous les hommes ont besoin d?être reconnus par leurs égaux et non pas seulement par leurs esclaves. La Révolution française était pour Hegel une étape fondamentale dans le processus historique car elle a permis aux hommes de trouver des moyens d?être reconnus par leurs égaux. Ce désir de reconnaissance est selon lui le " maillon manquant entre l?économie et la politique libérales ".


    Il explique ainsi le processus historique qui a conduit à la fin de l?histoire : la croissance économique entraîne une croissance du niveau de vie, puis de l?éducation et finalement " les gens ont réclamé non pas simplement davantage de pouvoir mais aussi la reconnaissance de leur statut ".


    Fukuyama reconnaît que, dans les faits, ce désir de reconnaissance peut être irrationnel. Cependant, il permet de faire évoluer l?Histoire et de faire progresser la démocratie et transforme ce désir de reconnaissance qui pourrait être source de guerre civile en un moyen de pacification. Il reporte comme Kant l?interprétation de l?histoire interne à l?histoire internationale. La démocratie libérale est pour lui un facteur de paix internationale. En effet, comme les hommes, les nations ont besoin d?être reconnues par les autres ce qui entraîne les guerres. Mais, la dialectique du maître et de l?esclave fonctionne encore et les nations démocratiques recherchent la reconnaissance de leur égal. Elles sont donc facteur de pacification des relations internationales.


    Enfin, Fukuyama s?interroge sur le fait de la pérennité de la démocratie libérale. Il présente deux réponses : l?une de " gauche " qui consiste à démontrer que la reconnaissance organisée dans les démocraties libérales est nécessairement inégale car le système capitaliste provoque des inégalités. " la démocratie continue à reconnaître inégalement des gens qui sont égaux en principe ".


    La seconde critique de l?avenir de la démocratie libérales est une critique " de droite " et notamment nietzschéenne. La démocratie produit des " hommes sans courage " en leur conférant une reconnaissance égalitaire. Elle ne pousserait donc pas les hommes à s?élever au dessus de leurs désirs. Fukuyama répond à cette critique en montrant que par une question : " la crainte de devenir de méprisables " derniers hommes ne pourrait-elle pas conduire certains à s?affirmer de manière nouvelle et imprévue ? "


    Pierre Hassner : Fin de l?histoire ou phase d?un cycle ?
    En réponse à l?article de Fukuyama, Hassner reconnaît que il y a bien un déclin des conflits interétatiques dans le monde développé. Cependant, il critique les références de Fukuyama qui font appel à des philosophies de l?histoire du XIX ième car l?expérience des totalitarismes, du génocide ont souvent remis en question ces visions de l?histoire. En fait, il y a à la fois " les espoirs soulevés par le progrès technique (...) mais aussi la menace d?une guerre totale ".


    Hassner ne considère pas que l?avènement de la société de consommation et la victoire de la démocratie soient les seuls facteurs de paix et surtout qu?elles constituent les seuls expériences du XX ième siècle. Selon lui, Fukuyama n?a pas suffisamment mentionné la place de l?arme nucléaire dans le maintien de la paix après le seconde guerre mondiale. Or, ce facteur présente le danger de l?autodestruction du monde fondé sur une guerre irrationnelle. Pourtant, Hassner envisage la possibilité que la peur du nucléaire pourrait conduire les hommes à s?intéresser de nouveau aux guerres " classiques " pour éviter ce danger. Cependant, la montée des extrêmes aboutirait également à une guerre nucléaire.


    De plus, l?un des facteurs majeurs de paix pour Fukuyama est " l?individualisme possessif ". Mais Hassner montre que ce concept est fragile puisque le Tiers monde, même s?il reconnaît comme désirables les valeurs de l?individualisme, a de nombreuses difficultés pour les réaliser. Dans le même temps, le monde Occidental est incapable de répondre et d?intégrer ces migrants potentiels ou même de les aider à réaliser ces valeurs.


    Il y a des " signes de plus en plus nombreux du choc des cultures " qui montrent que l?on ne peut imaginer un monde Occidental qui sortirait de l?histoire sans tenir compte du reste du monde. Faut-il vraiment accepter l?idée que la fin de l?histoire pour certains hommes, c?est à dire la réalisation complète de l?individualisme possessif, s?accompagne inéluctablement d?exclusion non seulement contre ceux qui vivent en dehors de l?Occident mais aussi de ceux qui sont exclus dans chaque société occidentale?


    De plus, Hassner ne croît pas que l?on puisse considérer le totalitarisme comme une parenthèse et une aberration passagère. " Si, en dernière analyse, l?Histoire est bien le développement de l?Idée c?est à travers le travail et la guerre qu?elle progresse, et la conscience est essentiellement rétrospective ". Cette idée est quelque peu générale et unidimensionnelle, elle ne peut justifier les guerres et consiste à se retourner vers la passé pour lui donner du sens mas ne peut pas vraiment lui donner une fin. En effet, à long terme la partie obscure de l?homme peut réapparaître et faire reculer le " progrès " et la paix. Il faut donc veiller à ce que le réveil de ce coté noir de l?homme ne soit pas possible car les dangers sont encore plus grands en raison de la capacité technique de destruction.


    Etienne Borne. Fin de l?histoire ?
    Parler de fin de l?histoire peut être synonyme de " but, objectif ". Etienne Borne pose la question de savoir s?il est possible de donner à l?histoire totale des hommes un but. Cela signifierait que les violences les plus extrêmes, en entrant dans un processus général, ne seraient plus irrationnelles mais serait justifiées par leur intégration dans ce processus. La fin de l?histoire peut aussi être compris comme " le terme définitif ".


    Or, même si on considère que la démocratie est la fin de l?histoire, cette démocratie n?est pas une fin définitive, elle doit sans cesse rester en lutte contre l?oppression et la misère. La paix est toujours précaire. Etienne Borne rejoint là le raisonnement de Hassner qui met en garde contre la partie obscure de l?homme et contre les tensions qui se développent entre le Tiers Monde et l?Occident. Donner à la démocratie libérale une fin précise qui évacue le tragique est refuser de prendre en compte cette caractéristique de l?histoire : elle est tragique. La démocratie ne doit pas être présentée comme quelque chose d?acquis et de terne. " Prose non prosaïque. Comme la vrai démocratie ".En effet, la démocratie ne doit pas crée une apathie des citoyens mais une lutte constante contre la pauvreté, la misère et la violence.


    L?histoire des hommes est inscrite dans le temps dont l?essence est encore discutée aujourd?hui. Cela provoque une angoisse de l?homme face au temps. la recherche d?une fin et d?un sens de l?histoire exprime cette angoisse face à l?histoire. Or, pour donner un sens à l?histoire, il faut trouver un avant et un après, un centre autour duquel s?oriente l?histoire. Mais, il existe une pluralité de centre, d?avant et d?après. " le centre est partout et la circonférence nulle part ". Cette difficulté de trouver un sens serait donc signe du non-sens de l?histoire. Mais il est impossible et impensable de soutenir ce pessimisme car les hommes recherchent un sens de l?histoire. Il ne peut penser le temps qu?en le dépassant, en lui donnant un sens.


    Il est vrai que " l?humanité est une ". Cette unité reconnue de l?humanité suppose donc que l?on trouve un sens à l?histoire . Mais, la définition de ce sens est difficile car l?histoire peut être analysée et comprise de plusieurs façons, ne serait-ce qu?en fonction du centre choisi. En fait, rechercher un sens à l?histoire, c?est lutter contre l?angoissante question du temps et contre l?absurde. Mais, les difficultés pour définir un sens unique et total constituent " le mystère de l?histoire ". " La fin de l?histoire est le mystère de l?histoire ". Il est donc impossible d?affirmer un fin unique et totale mais il est besoin pour les hommes de rechercher un sens et une fin pour éviter l?absurde

  3. #3
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