La dryade au corps de liane,
Au regard vert millénaire,
Dont nos raisons s'enfuient,
Chassées par les élans du siècle,
Son rire au bruit de vent se perdant dans les branches,
S'insinue dans les rêves des vivants et des ombres,
Enracine ses bras dans le corps de Gaïa ,
Sur la peau de laquelle, s'échangent les semences d'un coït en couleurs.

Une légion de femmes, au corps vétu d'espace,
Acheminent en riant leur noire nudité,
Vers les pierres angulaires d'un tertre immémorial.
Dans leurs gourdes en terre cuite, le venin et le sang.
Elles en boivent et en versent sur la terre asséchée,
Se frappant le visage, la poitrine et le sexe.
Alors le tambourin et les flûtes impies,
Les entraînent hurlantes, chancelantes et joyeuses.
Leurs voix devenues rauques, éraillées par la transe,
Psalmodient en saccades la gloire des anciens dieux.

Les vapeurs de pollen, que les fées invisibles,
Soufflent sur les bacchantes , pour mieux les ennivrer,
Forment d'âcres bouffées, des nuages en spirales.
Alors aux sons étranges de ce curieux orgasme,
La pierre se met à vivre.
Et le tertre immobile, mais vibrant d'un éclat,
Accouche d'une silhouette anonyme et drapée,
Gracile et terrifiante, c'est l'ombre couronnée.
Et le choeur des sorcières; tordues par la voyance;
Entonne un autre chant dédié à l'homme en noir.

Sur le front du fantôme scintille de mille rires,
L'incroyable joyau du porteur de lumière.
Dans la pierre et le chant, revivent les anciens rois,
Et le ciel sur le tertre s'illumine et s'anime,
D'une aurore boréale de lapis-lazuli.
Alors en une seule note,
Pure comme l'argent, suraigüe comme une pique,
La voix des prêtresse; dont les corps allongés,
S'entremêlent épiléptiques; les voix s'unissent.

Un seul choeur,un seul corps, une seule note,
Voici la grande prière et l'impensable oracle.
Et les dieux aériens , de la terre et du feu,
Ecoutent en écho l'évocation saline de ceux de l'océan,
Dont les vagues émeraude, à quelques lieues de là,
Façonnent depuis toujours la falaise de granit.