La mer en bouteille


Regarde-moi vivant regarde-moi longtemps
Regarde-moi craquant, et cette mer abjecte
On dirait un bateau sans voile, qui se bat
Regarde-moi là-bas, les os déjà rongés
De souvenirs à vendre
Regarde-moi vieilli... Et de peur ...Et d’ennui

D’une mer en bouteille à ses phrases d’errance
J’en ai fait la chimie d’authentiques Espagnes
Aux entames du jour en baisers de voyance
Une amorce d’aimer sous un mât de cocagne

Des fragrances d'éthers où le ciel se penche
J'en ai pris mille mots à la rime jolie
D’une usure à mon trait où le temps se déhanche
Quelques traces d'un autre à la page jaunie

Tout, de ces moments-là quand je parle à la nuit.
Seul à seul et la tête, un peu dans les étoiles
Avec mes yeux tout creux et ce chien dans mon lit
Qui me gueule le vent d’une mer sans les voiles

Aux paroles nouées, à mon verbe trahi
Mille hontes d’aimer et le sexe des armes
Aux caresses volées et les haines remplies
Aux matins ignorés sans secours et sans larmes

Tant de plâtres ont vieilli jusqu’au seuil du silence
Tant de temps aux langueurs où la lune se plie
Que tout s’endort complice en un lit de faïence
L’inconscience d’aimer en échange d’oubli