La journée effaçait ses dernières clartés, endormait ses ultimes instants de vie. La nuit s'illuminait alors, de toutes ses astres, et accordait à la terre cette douceur de par un firmament lacté. Je m'étais faite belle ce soir là, mes yeux s'allumaient de hâte. J'étais vêtue d'une longue robe pourpre, accordée à mes joues, ma chevelure lisse et foncée luisait. J'attendais.
Des gouttelettes découlaient de lourds nuages pour venir suinter le long des carreaux. Une atmosphère voluptueuse émanait, au rythme de soudains éclairs mirifiques.
Le manoir adoptait une allure spectrale à mesure que le temps déchoyait. C'était une demeure vétuste mais fort bien conservée, vaste et chaleureuse. Éclairée par de nombreux flambeaux, faisant surgir des ombres sur les murs, ce logis renfermait dans son coeur quelque chose de mystérieux. On s'y croirait comme dans un manoir du temps passé, romantique mais effrayant. Dans cette chambre chaude, illuminée par l'orage et par de rares chandeliers, se tenait un lit à baldaquin. Il semblait moelleux, bordeaux de sa couleur, des rideaux lourds chutaient au sol depuis le sommet. Un lit vide.
Alentour, une bibliothèque nantie de manuscrits calligraphiés et de denses mémoires, poussiéreux. En face, une commode surplombée d'un ancien miroir en lambeaux. C'est là où je me tenais, patiente. Des parfums, des lettres et des roses ornementaient le bois de toute la pièce. Du jaune, du rouge grenat, ces couleurs chaudes agrémentaient le caractère sensible de la chambre toutefois le secret qui dominait m'intriguait.
A travers une des fenêtres élancées aux voilages fins, je distinguais une ample vallée bordée de rigoles. Les saules pleureurs aux couleurs de l'automne, égaraient leurs feuilles, virevoltant abruptement au gré du zéphyr. Cette scène, aux allures enchantées et cabalistiques, éveillait un sourire d'espoir en moi, c'était une source de satisfaction, de puissance et de sagesse.
J'avais les prunelles mielleuses au regard d'une nature si rétive. Dans ce bien-être et ces rêveries auxquelles je m'allouais, survinrent des mains lestes et délicates, exquisément, dans les arrondis de mes épaules...