Bonjour mademoiselle "autodidacte et débutante", tu étudies la philo en fac?
Bref, les sens ne sont-ils pas suffisants pour nous fournir toutes nos connaissances?
Attention à mon avis il y a un petit piège dans la formulation de la question, notamment dans le simple mot "suffisants".
Ce mot présuppose que seuls les sens sont la condition pour que nous puissions connaître (cf la définition de "condition suffisante").
Avec ce sujet, il y a un moment où tu vas devoir parler d'empirisme et de sensualisme. Locke (aaaarrhhhg! désolé j'arrive pas à faire sans, il est dans tous mes posts, je le vois sur le visage de tous les gens que je rencontre, il est dans mes rêves et mes cauchemards; mon sujet de mémoire aliène ma capacité à penser par moi même! mais voilà que je perds le fil...).
Reprenons: Locke (!), qui, dans sa démarche newtonienne, ne "feint point d'hypothèses", définit l'esprit (Mind) comme une table rase, et toutes les idées qui vont y "passer" (c'est le mot même de Locke!) proviennent des impressions sensibles. Jusque là, on est dans un sensualisme banal, un peu à la Condillac, on ne fait que confirmer le présuppposé de ton sujet.
Mais Locke va un peu (même beaucoup) plus loin. Si les idées proviennent des sens, pour qu'on puisse en faire des connaissances, il faut que le sujet qui les perçoit puisse en avoir lui-même une idée (idée de l'idée). On ne se place plus ici dans le registre d'une origine extérieure des idées, mais dans l'interiorité subjective du traitement (actif) des idées par le Mind: ce que Locke appelle Consciousness. Ainsi l'origine de nos connaissance n'est pas uniquement passive (sensible), mais nécessite une dynamique, un pouvoir (power) de l'entendement à avoir conscience de ses propres idées et à les interpréter pour en faire des jugements, et des connaissances. Une lecture simple de Locke amène à ces considérations. Mais une lecture approfondie, notamment du chapitre II,xxvii de l'Essay concerning human understanding, place l'activité du sujet en amont du traitement interne de l'idée. Locke parle de visée d'intentions (to intent) de la conscience (déjà, au XVIIè!), ce qui fait que le Mind est déjà actif au moment de la réceptivité sensible (la conscience vise les unités sensibles qu'elle forme pour les percevoir comme des objets => ça préfigure déjà la relation noético-noématique introduite par Husserl au XXè siècle!).
Bref, si on suit cette phénoménologie Lockienne, il est évident que les simple sens sont, bien entendu, une condition nécessaire à la possibilité de la connaissance, mais n'en sont certainement pas la condition suffisante. Il y a d'autres conditions parallèles à celle-ci: les objets connus, le traitement des idées par l'entendement, l'intentionnalité de la conscience dans l'acte (je dis bien "l'acte"!) de percevoir.
Bien entendu on n'en est pas encore à la phénoménologie génétique de Husserl, mais on est quand même pas loin de la période statique de la phénoménologie (dont tu peux peut-être faire le stade suivant de ta démonstration...).
En tout cas, pour résumer, chez Locke, TOUTES nos connaissances viennent des sens, mais les sens ne sont absolument pas suffisants pour que nous ayons des connaissances.
Tu pourrais peut-être utiliser cela contre l'innéisme cartésien, ou au contraire pour annoncer l'évolution de cette idée jusqu'aux connaissances a priori et transcendantales kantiennes.
PS: quand je parle de démarche newtonienne, c'est un peu ironique parce que Locke, dont l'empirisme est très proche de Newton, n'avait pas lu ce même Newton au moment d'écrire L'Essay. Mais bon, Locke était un ami de Boyle, dont les théories sont intimement liées avec celles de Newton, donc...