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Discussion: République et démocratie et la thèse de Kant

  1. #1
    Nikkau Guest

    Par défaut République et démocratie et la thèse de Kant

    1° réflexion :

    J'ai du mal à être d'accord avec la thèse de Kant en ce qui concerne la démocratie ( directe comme on dirait à notre époque ).

    Pour en donner la définition telle que je l'ai comprise, la démocratie ( directe ) est un régime où le peuple entier décide au jour le jour des affaires concrètes et les fait appliquer, c'est à dire un régime où le souverain et le gouvernement sont confondus.

    Or, je ne suis pas d'accord pour dire qu'il y a ici despotisme... N'y a t-il pas despotisme lorsque c'est le gouvernement ( le prince ) qui s'approprie la souveraineté ? Or, en démocratie, il s'agit au contraire du souverain qui s'occupe d'éxécuter ce qu'il a lui même décider... Je ne vois pas en quoi ce rassemblement des deux pouvoirs seraient illégitimes dans le sens où le souverain a bien le droit de décider qu'il gouvernera ( quand il s'agit du peuple... )

    Bien sûr, ce système est en pratique quasiment impossible à mettre en place si ce n'est dans de tous petits états... et à des conditions bien particulières.

    Je sais bien que dans un régime démocratique, on peut considérer qu'il s'agit de la domination d'une majorité sur une minorité, mais n'est-il pas utopique de penser qu'il puisse en être autrement ? Je veux dire par là j'ai du mal à concevoir (au contraire de kant ) que toutes les lois puissent être basés objectivement sur la volonté universelle ( si ce n'est les articles fondamentaux de la constitution sur la liberté, l'égalité.... ). En effet, lorsqu'une loi est votée en france par exemple ( je ne parle pas des décrets ), étant donné qu'il s'agit d'un vote ( comme je viens de le dire ), il s'agit bel et bien de la volonté du plus grand nombre...

    N'est-il pas utopique de penser que dans les grands états, la totalité des lois votés aient pour fin le bien de tous ? ( surtout dans des états où la diversité des peuples est importante )

    2° réflexion :

    On sait que pour kant, le souverain idéal est le peuple ( sous la forme d'un système représentatif... ), quand est-il du gouvernement idéal ? ( j'ai du mal à cerner la relation entre gouvernement et souverain chez kant... )


    Ce n'est peut être que moi qui me suis embrouillé en lisant cette oeuvre... et j'aimerais m'y retrouver avant la rentrée...

    Merci.
    Dernière modification par Nikkau 26/08/2002 à 13h34

  2. #2
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    Par défaut République et démocratie dans Le projet de paix perpétuelle de Kant

    République et démocratie dans LE PROJET DE PAIX PERPETUELLE DE KANT

    ==Premier article définitif (GF Flammarion, pages 86 - 87 - 88)

    C'est volontiers que je reviens sur cette question car elle plonge dans l'embarras le lecteur contemporain à qui on a tellement dit que la démocratie était le meilleur garant de la liberté qu'il bondit à la lecture de Kant. Il y a bien entendu une différence de sens entre celui que Kant donne à démocratie et celui que nous lui donnons. Kant s'appuie davantage sur les critiques de Platon (la démocratie voit le règne des appétits, elle est le dernier terme d'une décadence, c'est la tyrannie des désirs ...) et la pensée contemporaine qui se réfère à la loi, pour tous et par tous. C'est à dire à cet être de raison si bien déterminé par Rousseau (L'obéissance à la loi qu'on s'est
    prescrite est liberté). La seule chose qui sépare Rousseau et Kant c'est que la représentation est possible pour Kant, impossible pour Rousseau. Mais dans les deux cas, le souverain, en dernier ressort, c'est le peuple , c'est à dire, non pas la majorité, mais l'ensemble des citoyens. Un État libre n'est libre
    que par les lois: le propre d'un gouvernement c'est de gouverner par des lois et non pas par des décrets qui ne seraient que l'expression de volontés particulières plus ou moins regroupées.

    Ceci dit (et compris?) essayons de nous rapprocher du texte.

    Pour Kant dans un État républicain , le souverain -(une ou plusieurs personnes)- gouverne par la loi: il représente le peuple en gouvernant par la loi issue, non pas de lui, mais du pouvoir législatif, de la souveraineté du peuple. La loi est un être de raison, par sa double universalité (par tous et par tous) elle assure la  liberté et l'égalité: la loi vient du peuple (pouvoir législatif) et s'applique au peuple (pouvoir exécutif). Mais comme être de raison, idéalité, la loi ne peut s'appliquer d'elle même. Le propre d'un gouvernement c'est d'appliquer la loi à tous (pouvoir exécutif).

    Or seul un système républicain impose au souverain de représenter le peuple au moyen de la loi, en suivant donc la volonté générale qui, rationnellement, pose comme fin, l'intérêt commun TOUJOURS  (impératif catégorique absolu ) avant les intérêts particuliers.

    Nous avons donc à distinguer:

    => Le pouvoir législatif qui appartient au peuple

    => Le pouvoir exécutif qui gouverne par des lois.


    Cela vous amène à découvrir que lorsque Rousseau dit, le souverain c'est le peuple, il parle de la souveraineté du pouvoir législatif et que lorsque Kant nous parle du souverain, il parle du gouvernement. (Vu, clair ?)


    En conséquence, la forme de gouvernement importe peu: qu'il y ait un gouvernant, deux ... c'est indifférent. Mais, gouverner en représentant la volonté générale sera de plus en plus difficile. Imaginez qu'on donne le gouvernement, le pouvoir de gouverner à
    l'Assemblée Nationale ! (quelle pagaille)

    Par contre, la forme de souveraineté, ou ce qui fonde la loi, sa provenance est un point essentiel.

    Si Kant affirme fermement qu'il faut distinguer le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif c'est que, ne pas les distinguer fait tomber dans le despotisme: si on les identifie, c'est le même qui fait la loi et qui l'applique, cela revient à ce que ceux qui feront la loi (pouvoir exécutif) se l'appliquent (gouvernement) et ce serait donner le pouvoir -à ceux qui font la loi - de s'en excepter ...

    Dans tout cela la volonté générale ne pourrait pas apparaître, il n'y aurait que des volontés particulières de groupes de pression.

    La volonté générale implique la représentation , pour Kant. En effet: 

    Une Idée (le souverain représentant tout le peuple) ne peut par elle même gouverner: elle a besoin d'un signe vivant, un représentant, un souverain incarné, un homme (ou plusieurs) qui gouverne par des lois, par la raison, pour l'intérêt commun.

    Or, seul un système républicain  impose au souverain ... (voir plus haut)


    ===Test de compréhension de ce que vous venez de lire:

    Relisons ensemble la traduction de Françoise Proust.

    "Le républicanisme est le principe de la séparation du pouvoir exécutif (le gouvernement) et du pouvoir législatif; le despotisme est le principe selon lequel l'État met à exécution de son propre chef les lois qu'il a lui même faites, par suite c'est la volonté publique maniée par le chef d'État comme si c'était sa volonté privée." Kant pose deux définitions, et oppose républicanisme et despotisme.

    Maintenant, Kant va déduire de la définition du despotisme que la démocratie égale le despotisme. Pour comprendre vous devez mémoriser la définition donnée du despotisme. "Des trois formes d'État, celle de la démocratie est, au sens propre du mot, nécessairement un despotisme, parce qu'elle fonde un pouvoir exécutif où tous décident ... , par suite une forme
    d'état où tous, qui ne sont pourtant pas tous 
    (comprendre que la majorité qui décide directement n'est pas : tous -tous = majorité + minorité!-), décident -ce qui met la volonté universelle en contradiction avec elle même et avec la liberté"

    Précisons que, contrairement à ce qu'affirme l'opinion, dans un État républicain démocratique actuel, c'est la loi qui commande et non pas la majorité. La différence c'est que la loi s'applique à tous, à la majorité comme à la minorité. Dans un État où la loi commande, il ne peut y avoir ni maître ni esclave. Voilà pourquoi Rousseau affirme que la liberté suit le sort des lois. Ce qui revient à dire avec Kant que si le gouvernant ne représente pas le peuple en gouvernant par des lois, le despotisme apparaît.


    Avez-vous mieux compris?

    En tout cas, vous vous préparez à réussir. 

    Cordialement

    Joseph Llapasset
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    Sur un entretien aves Monsieur Besnier , dans la prestigieuse revue, Sciences et Avenir

  3. #3
    Nikkau Guest

    Par défaut Merci

    Merci pour toutes ces informations, je vais essayer de faire un petit récapitulatif pour voir si j'ai bien compris.

    Pour Kant, le système républicain repose donc sur :
    1) le pouvoir législatif ---> le peuple ou plutôt les représentants du peuple ( rousseau le nomme souverain, kant leur donne t-il un nom précis ? )
    2) le pouvoir éxécutif ---> régents, prince, gouvernants... ( ce que kant appelle souverain ( et rousseau gouvernement si j'ai bien compris... ))

    Dès lors que ces deux pouvoirs ne font plus qu'un ( comme en démocratie directe ), alors ce système devient despotique parce que celui qui fait les lois est aussi celui qui les fait éxécuter...

    Pour Kant, le système représentatif est donc celui qui serait le plus fonctionnel et c'est sur ce point que Rousseau n'est pas d'accord, voyant dans ce système la trahison du peuple... ( que prône alors Rousseau puisqu'il était lui aussi si mes souvenirs sont bons un défenseur de la république ? )

    Il en résulte donc que le pouvoir législatif se situe au dessus du pouvoir éxécutif et que même si c'est ce dernier qui dirige, c'est le premier qui est à la tête d'un état.


    Réflexion à part :
    En france, par exemple, notre système n'est-il pas à mi-chemin entre république et démocratie ( suivant les termes kantiens ) en voyant que même si les pouvoirs législatif et exécutif sont séparés ( ce qui en fait une république ), c'est tout de même le président de la république qui nomme son premier ministre qui lui même forge son propre gouvernement ( ce qui rapproche les pouvoirs et par conséquent rapproche notre système de celui de démocratie ) ??

    Ou peut-être suis-je simplement en train de me tromper ?

    Merci encore pour votre aide qui m'a permis je l'espère de mieux comprendre la thèse de Kant sur la république et le despotisme.

  4. #4
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    Rousseau n'est pas d'accord...
    Pas exactement, il montre simplement que c'est impossible. Quand le peuple statue, sur tout le peuple, il doit être présent.
    Croyez-vous que le député représente vraiment les 300 000 personnes qui ont voté pour lui? - Est-ce possible? Le veut-il dans tous les cas?

    A strictement parler, pour représenter Pierre, il faut que je sois Pierre ou que je lise un texte qu'il a préparé et signé.

    "Que prône alors Rousseau ...
    Peut-être, vivre comme des indiens dans la ville, comme un bon sauvage dans la société ...

    Rousseau ne prône rien, il est assez conservateur. La Convention (1789) s'est trompée en pensant que c'était un révolutionnaire.
    Il propose d'élever les enfants selon la nature tout en les préparant à la société en leur donnant un métier qui leur permettra toujours de produire des objets qu'ils pourront échanger. C'est que, il est impossible de revenir en arrière: en choisissant la culture, l'humanité a choisi pour tous la culture. Pour ainsi dire, nous sommes tous embarqués.
    Rousseau produit des concepts qui permettent de juger le devenir des choses par comparaison.

    Ce que Rousseau prône c'est un régime avec des lois car, même si les lois sont mauvaises, elles imposent un ordre grâce auquel celui qui réfléchit peut vivre libre. C'est donc à chacun de se tirer d'affaire.

    ==Dans une note d' Emile, au livre III, Pléiade, tome IV, page 468 "Je tiens pour impossible que les grandes monarchies de l'Europe aient encore longtemps à durer"... "Nous approchons de l'Etat de crise et du siècle des révolutions" (1762, plus de 25 avant la Révolution française de 1789)

    Lisez dans L'Emile, Livre V, le dialogue entre Emile qui revient d'un voyage et son éducateur. Vous verrez qu'Emile revient dégoûté car il n'a rencontré que de mauvaises lois (des décrets) et le précepteur lui fait remarquer que malgré le fait que ces lois ne sont que des décrets de volontés particulières, elles apprennent au peuple un certain ordre, condition de toute libération. En quelque sorte, les lois même mauvaises ont un rôle pédagogiques.

    "c'est tout de même le Président de la république qui nomme son premier ministre, qui lui même forge son propre gouvernement"
    Pour Kant moins on est à représenter, plus c'est possible de représenter.
    En conséquence, la forme de gouvernement importe peu: qu'il y ait un gouvernant, deux ... c'est indifférent. Mais, gouverner en représentant la volonté générale sera de plus en plus difficile.
    Par ses représentants à l'assemblée nationale c'est le peuple qui en dernier ressort donne son accord ou pas.

    Le président, choisi par le peuple à la majorité devient l'élu de tous les français, gardien de la constitution (Loi fondamentale).
    Pour la lecture de Kant ne "débordez" pas trop le texte.

    Comprendre que pour Rousseau il faut distinguer ce qui est de l'ordre de la souveraineté (la loi) et ce qui est de l'ordre de l'application de la loi (le décret comme acte de magistrature). Par la loi, le peuple statue sur tout le peuple: il n'y a donc pas d'objet particulier. Mais, par contre, le gouvernement doit bien appliquer la loi générale à des cas particuliers.

    Autrement dit, le souverain ne peut agir que par le gouvernement mais le gouvernement étant formé de particuliers est habité de volontés particulières d'où la nécesité de lui imposer le respect d'une constitution qui devrait l'empêcher de devenir un usurpateur: celui qui s'arroge le droit auquel il n'a pas droit: usurpateur de la souveraineté.

    Le problème tient à ce que tous les organismes de surveillance peuvent dégénérer. Le vrai garant de la souveraineté, c'est la volonté générale à laquelle les citoyens tiendraient, ce qui nous renvoie à la conviction des citoyens, comme fondement de la vie du corps politique républicain (maintenant vous pouvez lire Rousseau, Du contrat social, Livre III, chapitre XV.)

    Votre professeur va passer du bon temps avec toutes vos questions

    Bonne lecture. Joseph
    Sur un entretien aves Monsieur Besnier , dans la prestigieuse revue, Sciences et Avenir

  5. #5
    Nikkau Guest

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    Merci pour cette leçon philosophique d'avant-rentrée

  6. #6
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    un petit up pour tous ceux qui le demandent


    Ne pas se prendre au sérieux mais prendre la culture au sérieux.

    Joëlle Llapasset - Internet culturel http://www.philagora.net/

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