République et démocratie dans LE PROJET DE PAIX PERPETUELLE DE KANT
==Premier article définitif (GF Flammarion, pages 86 - 87 - 88)
C'est volontiers que je reviens sur cette question car elle plonge dans l'embarras le lecteur contemporain à qui on a tellement dit que la démocratie était le meilleur garant de la liberté qu'il bondit à la lecture de Kant. Il y a bien entendu une différence de sens entre celui que Kant donne à démocratie et celui que nous lui donnons. Kant s'appuie davantage sur les critiques de Platon (la démocratie voit le règne des appétits, elle est le dernier terme d'une décadence, c'est la tyrannie des désirs ...) et la pensée contemporaine qui se réfère à la loi, pour tous et par tous. C'est à dire à cet être de raison si bien déterminé par Rousseau (L'obéissance à la loi qu'on s'est
prescrite est liberté). La seule chose qui sépare Rousseau et Kant c'est que la représentation est possible pour Kant, impossible pour Rousseau. Mais dans les deux cas, le souverain, en dernier ressort, c'est le peuple , c'est à dire, non pas la majorité, mais l'ensemble des citoyens. Un État libre n'est libre
que par les lois: le propre d'un gouvernement c'est de gouverner par des lois et non pas par des décrets qui ne seraient que l'expression de volontés particulières plus ou moins regroupées.
Ceci dit (et compris?) essayons de nous rapprocher du texte.
Pour Kant dans un État républicain , le souverain -(une ou plusieurs personnes)- gouverne par la loi: il représente le peuple en gouvernant par la loi issue, non pas de lui, mais du pouvoir législatif, de la souveraineté du peuple. La loi est un être de raison, par sa double universalité (par tous et par tous) elle assure la liberté et l'égalité: la loi vient du peuple (pouvoir législatif) et s'applique au peuple (pouvoir exécutif). Mais comme être de raison, idéalité, la loi ne peut s'appliquer d'elle même. Le propre d'un gouvernement c'est d'appliquer la loi à tous (pouvoir exécutif).
Or seul un système républicain impose au souverain de représenter le peuple au moyen de la loi, en suivant donc la volonté générale qui, rationnellement, pose comme fin, l'intérêt commun TOUJOURS (impératif catégorique absolu ) avant les intérêts particuliers.
Nous avons donc à distinguer:
=> Le pouvoir législatif qui appartient au peuple
=> Le pouvoir exécutif qui gouverne par des lois.
Cela vous amène à découvrir que lorsque Rousseau dit, le souverain c'est le peuple, il parle de la souveraineté du pouvoir législatif et que lorsque Kant nous parle du souverain, il parle du gouvernement. (Vu, clair ?)
En conséquence, la forme de gouvernement importe peu: qu'il y ait un gouvernant, deux ... c'est indifférent. Mais, gouverner en représentant la volonté générale sera de plus en plus difficile. Imaginez qu'on donne le gouvernement, le pouvoir de gouverner à
l'Assemblée Nationale ! (quelle pagaille)
Par contre, la forme de souveraineté, ou ce qui fonde la loi, sa provenance est un point essentiel.
Si Kant affirme fermement qu'il faut distinguer le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif c'est que, ne pas les distinguer fait tomber dans le despotisme: si on les identifie, c'est le même qui fait la loi et qui l'applique, cela revient à ce que ceux qui feront la loi (pouvoir exécutif) se l'appliquent (gouvernement) et ce serait donner le pouvoir -à ceux qui font la loi - de s'en excepter ...
Dans tout cela la volonté générale ne pourrait pas apparaître, il n'y aurait que des volontés particulières de groupes de pression.
La volonté générale implique la représentation , pour Kant. En effet:
Une Idée (le souverain représentant tout le peuple) ne peut par elle même gouverner: elle a besoin d'un signe vivant, un représentant, un souverain incarné, un homme (ou plusieurs) qui gouverne par des lois, par la raison, pour l'intérêt commun.
Or, seul un système républicain impose au souverain ... (voir plus haut)
===Test de compréhension de ce que vous venez de lire:
Relisons ensemble la traduction de Françoise Proust.
"Le républicanisme est le principe de la séparation du pouvoir exécutif (le gouvernement) et du pouvoir législatif; le despotisme est le principe selon lequel l'État met à exécution de son propre chef les lois qu'il a lui même faites, par suite c'est la volonté publique maniée par le chef d'État comme si c'était sa volonté privée." Kant pose deux définitions, et oppose républicanisme et despotisme.
Maintenant, Kant va déduire de la définition du despotisme que la démocratie égale le despotisme. Pour comprendre vous devez mémoriser la définition donnée du despotisme. "Des trois formes d'État, celle de la démocratie est, au sens propre du mot, nécessairement un despotisme, parce qu'elle fonde un pouvoir exécutif où tous décident ... , par suite une forme
d'état où tous, qui ne sont pourtant pas tous (comprendre que la majorité qui décide directement n'est pas : tous -tous = majorité + minorité!-), décident -ce qui met la volonté universelle en contradiction avec elle même et avec la liberté"
Précisons que, contrairement à ce qu'affirme l'opinion, dans un État républicain démocratique actuel, c'est la loi qui commande et non pas la majorité. La différence c'est que la loi s'applique à tous, à la majorité comme à la minorité. Dans un État où la loi commande, il ne peut y avoir ni maître ni esclave. Voilà pourquoi Rousseau affirme que la liberté suit le sort des lois. Ce qui revient à dire avec Kant que si le gouvernant ne représente pas le peuple en gouvernant par des lois, le despotisme apparaît.
Avez-vous mieux compris?
En tout cas, vous vous préparez à réussir.
Cordialement
Joseph Llapasset![]()
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