BRAVO
Echanger sur "l'échange"
QUESTION: -Qui va recevoir plus que ce qu'il n'aura donné?
PROBLEMATIQUE:
- voilà donc ce que nous avons de plus précieux pour le moment, sur l'échange comme relation, d'un ami fidèle de Philagora, professeur de prépas (J-L Blaquier) - en attendant notre page de bibliographie sur l'échange.
F.Chirpaz évoque à plusieurs reprises la question de la relation dans 'L'homme précaire', PUF, 2001; par exemple p.33 sur l'émergence du sujet:
"De ce fait, parler de dépendance consentie dans l'aménagement de la relation en vue de faire place à la subjectivité qui se revendique elle-même est mettre en évidence ce double mouvement de la proximité et de la distance, condition préalable à l'émergence de l'existence à elle-même."
ou encore, p.68 sur la relation à l'autre homme: " Au centre de l'expérience qu'un être humain fait de sa propre vie, la relation à l'autre homme est de loin la plus déterminante car si exister est avoir rapport au monde à l'entour, l'espace qu'il habite est tissé de présences humaines avant de pouvoir être rapport à des choses. Le monde que l'homme organise pour y vivre est, certes, fait de toutes les choses qu'il agence en vue de s'en servir mais toute relation avec l'extérieur commence avec des êtres humains
et non avec des choses";
l'auteur analyse ensuite la relation particulière qu'est la filiation.
On trouve dans Le personnalisme d'Emmanuel Mounier un chapitre consacré à la communication interpersonnelle, où Mounier défend la thèse que l'expérience fondamentale de la personne humaine est la communication avec l'autre :
"La personne n'existe que vers autrui, elle ne se connaît que par autrui, elle ne se trouve qu'en autrui. L'expérience primitive de la personne est l'expérience de la seconde personne. Le *tu* et en lui le *nous*, précède le *je*, ou au moins l'accompagne" (p. 33)
"On pourrait presque dire que je n'existe que dans la mesure où j'existe pour autrui, et, à la limite : être, c'est aimer" (p. 34)
La distinction individu/personne pourraît correspondre à une réponse à cette problématique de l'homme comme être de relation, comme "Mitsein".
François Chirpaz a écrit une analyse du Que sais-je de Mounier _Le personnalisme_
"Je cherche à constituer une bibliographie sur le
sujet suivant : L'homme est-il un être de relation?"
Il faudrait aller voir du côté de *tous* les anthropologues ... :-)
Quelques exemples :
1a) « Entretien avec François Jullien à propos des conceptions éthiques dans la Chine traditionnelle », in Vivre l'Ethique émission radiophonique hebdomadaire d'Emmanuel Hirsch sur France Culture (Février 1997).
E.H. : « Comment caractériser le sentiment d'humanité dans la pensée chinoise ? »
F. Jullien : « L'homme est symbolisé par le caractère 2. Au fond, ce
sentiment d'humanité apparaît lorsque je découvre un lien qui me relie à tout le reste de l'existence. Lorsque Mencius dit que tout homme qui voit tomber un enfant dans un puits, fera le geste pour le retenir, sans se demander : est-ce que j'ai intérêt, est-ce que ses parents m'en seront reconnaissants, etc. Il y a donc une sorte de réaction immédiate qui atteste dans les cas extrêmes, qu'au fond, mon existence n'est pas isolée mais qu'elle se relie à l'existence dans son ensemble. Je me rends compte que je suis, partie prenante d'une totalité, et qu'à la racine de la Vie, il y a ce lien qui me relie au grand procès des choses, dont je viens.
La moralité n'est autre chose que la reconnaissance d'un lien fondamental d'existence à existence, et cela s'intègre bien dans la pensée chinoise qui est d'abord une pensée de relation, qui n'a pas commencé à penser l'individualité, mais qui a pensé le réel en termes de relation. »
1b) « Le détour d'un grec par la chine » Entretien avec François Jullien.
Entretien recueilli par Richard Piorunski et Bill Gater à l'hôtel Tôkyô
Daiichi, Shimbashi, le 25 janvier 1998.
« (...) Quand vous dites par exemple :
« Qu'est-ce que c'est que cette chose ? », ''shi shenme dongxi'', vous dites : « Qu'est-ce que c'est que cet est-ouest ? ».
Et ça, je trouve, philosophiquement, c'est fantastique.
Puisque, pour nous, « chose », c'est un terme individualisant. « Chose », « cause », c'est un terme isolant.
Alors que pour dire la même chose, si je puis dire, en chinois, et dans le chinois d'aujourd'hui, pas le chinois classique des philosophes, vous dites :
« Qu'est-ce que c'est cet est-ouest? ».
Vous dites une relation.
La pensée chinoise est une pensée essentiellement relationnelle. Pour dire paysage, on dit « montagne et eau », ''shanshui'' ou ''shanchuan''. »
« On a pensé l'être, on a pensé l'atome, on a pensé Dieu, donc des instances isolées, alors que la pensée chinoise, elle, pense par relations, c'est à dire par polarités : chaud et froid, haut et bas, ciel et terre, yin et yang, etc. Et donc toujours par un couplage.
Qu'est-ce que c'est qu'une polarité ? C'est quand on a à la fois des termes opposés et complémentaires, donc une interaction. Et c'est pour ça que la pensée chinoise pense en termes de processus. Processus par interaction, entre deux pôles (...). »
2a) Marc Augé, *Le Sens des autres*, Actualité de l'anthropologie, Ed. Fayard, 1994.
« Pour en rester à l'Afrique, ce que met d'abord en scène l'appareil rituel lignager, c'est, en plusieurs sens, un moi pluriel, relationnel, et par là même relatif. » [ p.31]
« L'individu n'existe au contraire que par sa position dans un système de relations (.). » [p. 32]
2b) Marc Augé, « D'un rite à l'autre » (Entretien avec Daniel Fabre), Terrain, n ° 8, Avril 1987.
« Le pensable commence avec la relation, on ne peut pas opposer pensée du même et pensée de l'autre. » [p. 76]
3) Maurice Leenhardt, *Do Kamo* La personne et le mythe dans le monde mélanésien, Ed. Gallimard, 1985.
"Cet être que l'on pressent au travers de la Parole, le Mélanésien ne le connaît qu'en sa forme d'humanité et il l'appelle *kamo*, le qui vivant.(...) Le kamo (...) ignore son corps qui n'est que son support. Il ne se connaît que par la relation qu'il entretient avec les autres. Il n'existe que dans la mesure où il exerce son rôle dans le je de ses relations." (p. 248)
4) Alban Bensa, "Individu, structure, immanence : G. Bateson et l'Ecole française de sociologie" in *Bateson : Premier état d'un héritage*, (sous la dir. de Yves Winkin), Ed. Seuil, 1988.
"Pour Bateson, l'individu n'est ni une instance résiduelle, le succédané de la société conçue comme autonome et toute-puissante (Durkheim), ni le noyau dur à partir duquel se formerait l'édifice social (Mead, Benedict, Linton) mais un système complexe de relations. Aucune rupture entre individu et
société." (p. 167)
5) Toute l'oeuvre de Grégory Bateson...
== Que pouvez-vous nous céder, d'équivalent, en échange
Cordialement.
Sur un entretien aves Monsieur Besnier , dans la prestigieuse revue, Sciences et Avenir