La Boétie s'oppose à la tyrannie et non à un état de droit ., même si une loi est injuste. (j'y reviendrai) Il n'a rien contre l'ordre.Il n'y a point de liberté sans lois , la pire des lois est préférable à l'absence de lois.
La tyrannie est une idolâtrie.
J'y reviens avec Rousseau:


Sur gouvernement et rôle pédagogique des lois:
ROUSSEAU, Émile - Livre V

Avant tes voyages, je savais quel en serait l'effet; je savais que en regardant de près nos institutions, tu serais bien éloigné d'y prendre la confiance qu'elles ne méritent pas. C'est en vain qu'on aspire à la liberté sous la sauvegarde des lois. Des lois! où est-ce qu'il y en a, et où est-ce qu'elles sont respectées? Partout tu n'as vu régner sous ce nom que l'intérêt particulier et les passions des hommes. Mais les lois éternelles de la nature et de l'ordre existent. Elles tiennent lieu de loi positive au sage; elles sont écrites au fond de son coeur par la conscience et par la raison; c'est à celles-là qu'il doit s'asservir pour être libre; car il n'y a d'esclave que celui qui fait mal, car il le fait toujours malgré lui. La liberté n'est dans aucune forme de gouvernement, elle est dans le coeur de l'homme libre; il la porte partout avec lui. L'homme vil porte partout la servitude. L'un serait esclave à Genève, et l'autre libre à Paris.

"Si je te parlais des devoirs du Citoyen, tu me demanderais peut-être où est la patrie, et tu croirais m'avoir confondu. Tu te tromperais, pourtant, cher Émile, car qui n'a pas une patrie a du moins un pays. Il y a toujours un gouvernement et des simulacres de lois sous lesquels il a vécu tranquille. Que le contrat social n'ait point été observé, qu'importe, si intérêt particulier l'a protégé comme aurait fait la volonté générale, si la violence publique l'a garanti des violences particulières; si le mal qu'il a vu faire lui a fait aimer ce qui était bien, et si nos institutions mêmes lui ont fait connaître et haïr leurs propres iniquités? Ô Émile! où est l'homme de bien qui ne doit rien à son pays? Quel qu'il soit, il lui doit ce qu'il y a de plus précieux pour l'homme, la moralité de ses actions et l'amour de la vertu. Né dans le fond d'un bois il eut vécu plus heureux et plus libre; mais n'ayant rien à combattre pour suivre ses penchants il eut été bon sans mérite, il n'eut point été vertueux, et maintenant il sait l'être malgré ses passions. La seule apparence de l'ordre le porte à le connaître, à l'aimer. Le bien public, qui ne sert que de prétexte aux autres, est pour lui seul un motif réel. Il apprend à se combattre, à se vaincre, à sacrifier son intérêt à l'intérêt commun. Il n'est pas vrai qu'il ne tire aucun profit des lois; elles lui donnent le courage d'être juste, même parmi les méchants. Il n'est pas vrai qu'elles ne l'ont pas rendu libre, elles lui ont appris à régner sur lui."



ROUSSEAU, Emile- Livre V - PLéiade (pages 855, 858): fonction pédagogique des lois ,même injustes:
Dans le cours de son oeuvre, Rousseau distingue deux formes de contrat social:

Celui du deuxième discours a pour origine l'invention d'un riche: seul contre tous il a l'idée d'utiliser les forces des pauvres pour défendre sa possession: il invente la loi qui énonce des conduites.

Le contrat social a pour origine la raison, la production d'un être de raison: la loi avec sa double universalité (pour tous et par tous), source d'égalité et de liberté: l'auteur, c'est Rousseau qui se situe à l'autre bout de l'histoire.
Mais distinguer ne revient pas à opposer radicalement les deux contrats: ils naissent en effet d'une même situation, l'état de guerre, et ont pour origine l'art comme réflexion qui "prend la relève de la nature" (Goldschmidt, Anthropologie et politique, page 571). Dans les deux cas il s'agit bien d'unir et de diriger les forces, dans le premier contrat en faveur du riche et dans le second en faveur du bien commun.

Ce qui les distingue apparaît clairement dans ce texte d'Émile: dans son voyage, Émile n'a pas vu, n'a pas rencontré ce qui doit être et le visible le fait désespérer de l'intelligible: ce qui doit être n'existe pas et ce qui existe n'est pas conforme à ce qui doit être. Or Rousseau sait que l'existence se joue toujours dans une société au point que le besoin d'autrui est facteur de moralité en tant que révélateur des virtualités humaines. C'est sous le premier contrat social, Émile l'a constaté, que l'existence se déploie. Si le discours du riche et sa conséquence sont préférables à l'état de guerre c'est que dans le premier contrat social, celui du riche, en lui même il y a une positivité par laquelle il participe au "vrai" contrat social.

C'est la positivité, l'ordre: toute loi porte une marque qui la fait être loi, quel que soit son contenu: une marque de participation à l'essence de la loi: si elle énonce des conduites, elle participe au vrai contrat social.

La distinction ne doit donc pas aller jusqu'à opposer radicalement les deux contrats et le débat sur le vrai et sur le faux contrat social perd de son intérêt puisque c'est le fait de vivre dans une société civile qui importe.


Cela nous aide à comprendre la pensée de La Boétie et son évolution => Il faut obéir aux lois de son pays, même si elles sont relatives et parfois injustes.