Bonjour! Je n'ai pas vraiment l'habitude d'avoir recours à un forum lorsque je rencontre des difficultés pour certains devoirs, mais là je tente!

Je suis actuellement en Terminale L et j'ai une explication d'un extrait de "Boddies that matter" de Judith Butler à réaliser. Notre prof de philo nous a d'abord donné ce texte en anglais que nous avons dû traduire. Déjà en le lisant en anglais j'ai eu du mal à comprendre de quoi parlait l'auteur. Ensuite nous avons fait une correction rapide à l'oral de cette traduction. Je l'ai tappé sur l'ordinateur pour que ce soit plus claire. Ca fait plusieurs jours que je lis et relis ce texte sans réellement en comprendre le sens... J'ai fait quelques recherches sur Judith Butler mais j'ai toujours du mal à dire quelque chose sur le texte en question. Je pense que la traduction n'est pas claire puisque certaines phrases ne semblent pas du tout dans le bon sens, ni spontannées + le texte a l'air compliqué....

Si jamais quelqu'un peut le lire et me dire ce qu'il en pense, s'il a des pistes pour moi afin de mieux cerner le sujet etc... Merci d'avance et bonne journée!

Voici le texte:

En considérant que l'usage du langage lui même a tout d'abord permis d'avoir été appelé par un nom, l'occupation du nom est celui par lequel chacun est , tout à fait sans choix, situé dans le discours. Ce "je", qui est produit à travers l'accumulation et la convergence de tels "appels", ne peut pas s'extraire lui-même de l'historicité d'une chaîne ou s'élever lui-même pour confronter cette chaîne comme si elle était un objet opposé à moi, qui n'est pas moi, mais seulement ce que les autres on fait de moi; pour cet éloignement ou cette division produite par le réseau des appels interpelant et le "je" pour qui son emplacement n'est pas seulement une effraction mais une capacité ce que Gayatri Spivak appelle «*une effraction facilitée*». Le "je" qui s'opposera à sa construction est toujours, en un sens, extrait de cette construction pour articuler son opposition. De plus le "je" tire ce qu'on appelle sa capacité d'agir en partie du fait d'être impliqué dans de véritables relations de pouvoir, celles-la même auxquelles il essaye de résister. Être impliqué dans des relations de pouvoir est facilité par des relations de pouvoir auxquelles le "je" s'oppose, n'est pas en conséquence réductible à leurs formes existantes.
[...] Ce n'est pas le même usage du "je" quand il est censuré ou prohibé que lorsqu'il est autobiographique, au contraire c'est une enquête au sein même des relations ambivalentes du pouvoir qui fait que cet usage est possible. Qu'est-ce que cela signifie que d'avoir de tels usages répétés dans son propre être intime, «*des messages laissés dans chaque être*», comme Patricia Williams proclame, seulement pour répéter ces usages de telle sorte que la subversion pourrait être dérivée précisément de ces conditions réelles d'effraction. En ce sens, l'argument que la catégorie du "sexe" est l'instrument ou l'effet du "sexisme" ou son moment remarquable, que la race est l'instrument ou l'effet du "racisme" ou son moment remarquable, que le "genre" existe uniquement au service de l'hétéro-sexisme, n'implique pas que nous ne devrions jamais utiliser de tels termes, comme si de tels termes pouvaient seulement et toujours reconsolider les régimes de pouvoir oppressifs par lesquels il sont engendrés. Au contraire, précisément parce que de tels termes ont été produits et contraints dans ces régimes, ils doivent être répétés dans des directions qui inversent et déplacent leurs buts d'origines. Quelqu'un ne se tient pas à une distance instrumentale des termes par lesquels l'autre expérimente l'effraction. Occupé par de tels termes et les occupant déjà, on risque une complicité, une répétition, une rechute dans la blessure, mais c'est aussi l'occasion de travailler la capacité mobilisatrice de la blessure, du pouvoir de l'interpellation jamais choisie. Là où certains pourraient comprendre l'effraction comme un traumatisme qui peut seulement provoquer une répétition de compulsions destructrices (et c'est sûrement une puissante conséquence de l'effraction) il semble également possible de reconnaître la force de répétition comme la condition même d'une réponse affirmative de l'effraction. La compulsion à répéter une blessure n'est pas nécessairement la compulsion à répéter la blessure de la même façon ou à rester pleinement dans l'orbite traumatique de cette blessure. La force de répétition au sein du langage peut être la condition paradoxale par laquelle une certaine capacité - non liée à une pulsion de l'égo, en tant que maître des circonstance dominant de la situation - est dérivée à partir de l'impossibilité d'un choix.
[...] La structure temporelle d'un tel sujet est chiasmique dans ce sens : dans la place du substantiel ou d'un sujet auto-déterminant ce moment de demandes discursives est quelque chose comme un "carrefour", [...] un carrefour de forces discursives culturelles et politiques, qui [...] ne peut pas être compris à travers la notion de "sujet". Il n'y a pas de sujet antérieur à ces constructions, et il n'est ni le sujet déterminé par ces constructions; c'est toujours la connexion, le non-espace d'une collision culturelle, dans lequel l'exigence de signifier ou de répéter les termes précis qui constituent le "nous" ne peut être sommairement refusés, mais ne peut pas non plus être suivis dans la plus stricte obéissance. Ceci est l'espace de cette ambivalence qui ouvre à la possibilité d'un remaniement des termes précis par lesquels la subjectivité procède ou manque de procéder.

Judith BUTLER: Ces corps qui comptent, Routledge, 1993.