Ariettes oubliées

Le piano que baise une main frêle
Luit dans le soir rose et gris vaguement,
Tandis qu'avec un très léger bruit d'aile
Un air bien vieux, bien faible et bien charmant
Rôde discret, épeuré quasiment,
Par le boudoir longtemps parfumé d'Elle.
Cf Mallarmé: "A quoi bon la merveille de transposer un fait de nature
en sa presque disparition vibratoire selon le jeu de la parole,
cependant, si ce n'est pour qu'en émane, sans la gêne d'un proche
ou concret rappel, la notion pure?" ...

Le sensible -la fleur au calice "sus" (= bien connus), parce que vue et revue, reflète son modèle antérieur parce que éternel dans son impuissance même à réaliser l'Idée, son archétype.

C'est donc ce rapport que la parole (le Dire) doit mettre en lumière.

Le sensible par sa pauvreté, et sa proximité qui offusque l'esprit ne mérite, aux yeux de la foule, que le concept qui prend ensemble le sensible par le même mot, le même sens source d'un universel reportage. Aux yeux du poète, c'est un tremplin, une occasion de se souvenir, un "faire signe" vers la plénitude de l'idée à laquelle, par sa pauvreté même, il renvoie comme ce à quoi il aspire: ainsi la terre craquelée fait rêver à l'eau vive qui l'a jadis fécondée et dont elle témoigne.

"Je dis: une fleur! et, hors de l'oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quelque chose d'autre que les calice sus, musicalement se lève, idée même et suave, l'absente de tous bouquets."

Si le sensible n'est que le reflet, la copie, mieux vaut le modèle que la copie, l'Idée, absente de tous bouquets visibles en ce monde, parce que située dans un ciel antérieur.
Notez toutes les réserves de Verlaine à ce platonisme
Qu'est-ce que c'est que ce berceau soudain
Qui lentement dorlote mon pauvre être?
Que voudrais-tu de moi, doux Chant badin?
Qu'as-tu voulu, fin refrain incertain
Qui vas tantôt mourir vers la fenêtre
Ouverte un peu sur le petit jardin?

Notez l'apparition du moi
Qu'il n'y ait pas de réponse à la question
est-ce pour que le lecteur la fasse sienne?
est ce une invitation à la prise de paroles?
est-ce pour marquer la solitude du poète?
est-ce pour marquer l'infini du désir et donc l'infini du malheur?

«*Ce poète a essayé de reproduire avec ses vers les nuances qui font le modèle propre de la musique, tout l'indéterminé de la sensation et du sentiment...*» Paul Bourget Journal des débats Avril 1885

Création de l'ambiance : l'atténuation:
baise
main frêle
Luit
rose et gris
vaguement
très léger bruit
bien vieux
bien faible
discret
quasiment
fin refrain incertain
mourir
ouverte un peu
petit
Tout se fond et se confond à force d'atténuation

Deuxième perspective: la parole du poète: interrogations
berceau: métaphore (comparaison abrégée) rôle de soudain? Berceau soudain, harmonie (= union des contraires)
Suggestion de la mère qui console? Sens de dorlote?
Pauvre être suggestion?Le Chant de qui? Pourquoi doux? Pourquoi badin? Est-ce qu'on se serait joué de l'amour?
La Femme et une femme : une main frêle, un boudoir... Le parfum d'un souvenir, associé au bruit d'aile d'un air bien vieux, bien faible va s'évanouir près de la fenêtre ouverteDu rêve à la réalité? Dans quelle mesure?
Effet du passage du conditionnel au passé composé?

Que représente l'ouverture finale? En quoi y-a-t-il fermeture?
Vous pouvez aussi étudier la strucure en miroir (6/6)
La citation de Borel n'est-elle pas drôle? (=> antiphrase:Sois joyeux importun, d'un clavecin sonore)
Joyeux! => épeuré, discret...sonore.=> très léger, bien faible..! importun => bien charmant
Joseph