Distance dans le Phèdre entre conscience mythique et conscience philosophique:
- Alors que la conscience mythique ne s'étonnait de rien dans une sorte de sommeil, la conscience philosophique s'éveille, calcule, s'étonne, problématise et, ce faisant, "se problématise" elle-même en essayant de dégager ses propres conditions de possibilité: elle se découvre étrangère - et étrange - dans une société qui ne se soucie que du simplement utile et ne se pose même pas la question de savoir ce qui importe vraiment dans une existence: une société qui ne s'interroge pas elle-même.
Le dialogue qui réunit deux interlocuteurs s'intériorise dans un dialogue intérieur qui devient le mouvement même de la pensée: le dialogue ouvre donc un double champ de recherche:
•le monde des opinions par la diversité permet la comparaison;
•le monde comme lieu des problèmes et le moi comme mystère puisque celui qui cherche est impliqué dans ce qu'il cherche.
-L'acte de philosopher s'oriente bien comme une réflexion, un retour sur ce que l'on croit savoir ou ce que l'on croit être. Lorsque Socrate s'enquiert en arrivant où en est la philosophie? : c'est toujours de savoir qu'il parle: qu'est-ce qu'on a cherché à découvrir de ce qui est réel, de l'essence?
- Ce dont Platon se détourne ce n'est donc pas du mythe mais du dogmatisme de l'opinion qui habite le mythe: il s'agit de se réveiller, de ne plus confondre le donné et ce qui est à conquérir. Le mythe n'est pas récusé par la philosophie, il est utilisé: il ne peut lui servir que si elle le débarrasse de l'opinion. On comprend que Platon, Plotin, et bien d'autres, ont pu utiliser le mythe pour faire comprendre, pour signifier lorsque la pensée logique s'arrête devant ce qu'elle ne peut exprimer.
Ce n'est plus un récit qui endort l'étonnement, mais un symbole, un chemin que l'on emprunte pour penser ce qui dépasse l'ordre déductif - et que l'on oublie -, mais qui donne à penser pour peu que la réflexion philosophique l'ait débarrassé de son dogmatisme.
A bientôt
Joseph Llapasset
Sur un entretien aves Monsieur Besnier , dans la prestigieuse revue, Sciences et Avenir