Comment faire pour sourire dans cette pièce grise ?
Le matin tous les matins toujours les même chemin
la même tête boursouflée que tu comprimes entre tes mains
douloureusement, toujours pareil comme une prière
au dieu du court-circuit, de la mauvaise prise.
La même chaise qui garde les empreintes de ton derrière
sur le tissu râpé et dans les crottes de nez
qui sèchent pour se détacher
lentement, doucement, comme une bruine triste
comme une image obscène du mauvais côté de la visière,
un film de trente-sixième zone, d'espoir en arrière.
Un jour après un autre jour tous les jours
c'est comme pour l'amour, tu crois toujours que tu coures
la montre au poignet et sur la montre, oh ! douleur !
l'aiguille qui prend son temps comme dans une scène d'horreur
inéluctablement, lentement, indéfiniment...
et toi tu attends tu attends
tes jours font bien plus de douze heures
tu le sais mais personne ne te croit
et tout est lisse comme dans du beurre.
Ca te soulève ce qu'il te reste de coeur.
Le p'tit dèj remonte par le goulot étroit
comme les miettes de pain et les yeux d'huile dans ton bol
qui te dévisagent en voyeurs lubriques
et tu louches en buvant, grotesque mimique.
Comme les trace de pattes de mouche dans la colle.
Yééééé !
Une heure après c'est seulement une heure de moins
et tous ces jours devant toi, ho ! tous ces jours si loin
dans les douleurs de dos voûté et les yeux brûlants rivé sur l'écran
hypnotisés comme par un accident sanglant.
Dans les odeurs d'ordinateurs glacés et de tubes en alu
planté devant les machines en noir et blanc
qui te dévorent dent après dent
jusqu'à ce qu'il t'en reste plus
un coup dehors un coup dedans
doucement, lentement, dans le plus pur des silence
et le ronron continu de leur digestion,
malgré les regards que tu lances
et tes envies de rébellion,
malgré la mauvaise haleine qui te bouffe
de tous les blasphèmes que tu étouffes.
Yééééé !!!!!
Il te reste la fenêtre et le bruit des avions qui décollent
là bas à l'autre bout de la piste avec leur robe de bure
dans le ciel pur.
Il te reste la terre qui tremble et les murs qui s'ébranlent
doucement, lentement, le plafond qui se fend, qui se fissure,
les écrans vacillants comme des grelots
et le lino idiot qui ébauche les pas du mambo
dans un cri de déchirure et de victoire
pendant que tu te sers à boire
dans le frigo du patron
doucement, lentement, dans le plus pur des silences de chute,
en souriant de tes dents carnassières retrouvées à la dernière minute.
Malibu glaçons.