Bonjour,

Je suis étudiant en philosophie économique, travaille sur le libéralisme, et plus précisément actuellement, sur un thème que j’explicite ci-après et sur lequel je voudrais vous poser une question, d’où ma présence sur ce forum.

La plupart des théoriciens économiques ont une conception subjectiviste de la valeur : pour des biens comme une pomme ou une poire, l'évaluation est subjective, n’existe que chez le consommateur ; un observateur extérieur n’est pas en mesure d’estimer l’ordre de mes préférences, la valeur que je retire de la consommation d’une pomme ou d’une poire, etc. Quand on regarde de plus près les choses chez les économistes libéraux, on y trouve au moins deux thèses : 1) Une première éthique, il est éthiquement mal de choisir à la place du consommateur, ce dernier doit être laissé libre du choix de ses biens (notion de souveraineté du consommateur) ; 2) Une seconde scientifique, ou épistémique, il est impossible de connaître les préférences des autres : « l'homme est la mesure de toute chose », comme disait Protagoras en son temps.

La question sur laquelle je travaille actuellement et sur laquelle j'ai besoin de références philosophiques, est celle de savoir jusqu’à quel point/quel domaine de choix, on peut pousser ce subjectivisme. Dans le « domaine de consommation » illustré ci-dessus, le subjectivisme me semble pertinent, car lorsque nous choisissons entre des pommes et des poires, notre choix est motivé uniquement par de la préférence, de l’intérêt, donc quelque chose de subjectif. A ce niveau, le paternalisme épistémique (« je suis mieux en mesure de savoir ce qui est bon pour toi ») est scientifiquement, cognitivement, erroné.

Dans un autre domaine, « constitutionnelle »/« organisationnelle », c’est-à-dire lorsque nous devons choisir entre des règles sociales pour vivre en société, par contre notre choix est aussi motivé par de la théorie, c'est-à-dire par notre estimation de la manière dont fonctionneront les règles sociales. Ce problème étant technique (de la même manière, par exemple, qu'en informatique ou en architecture, où nous avons un versant d'organisation, de design), il n'est pas du tout absurde à ce niveau, de prétendre en tant qu'expert, économiste ou philosophe, que les individus doivent me laisser choisir pour eux, si j'estime que leur théorie du fonctionnement des règles est erronée (tout en respectant leurs préférences par ailleurs).

La question que je voudrais vous poser est celle de savoir quels sont à votre connaissance les premiers philosophes à avoir souligné cette différence entre les deux domaines de choix, le premier qui ne fait intervenir que des intérêts/valeurs subjectives, le second qui fait intervenir de l’objectif, quelque chose de scientifique/« naturel ». Bien que ma connaissance de Kant soit très légère, il me semble que ce philosophe distinguait bien les faits naturels, entre les choses, et les valeurs, relations subjective entre l’homme et les choses, mais je ne pourrai en dire plus. Tout aide, suggestion est la bienvenue, et je peux développer davantage ma question si besoin, bien qu’elle soit déjà assez longue.

Merci,
Régis.