Métamorphose












Il fallait bien qu’un jour je me décide à raconter l’histoire invraisemblable de mon ami Michæl Ray ; Oui, vous l’aurez compris, Ray est le nom de Michæl… Donc, mon ami Ray et moi, amis de toujours, nous connaissions depuis l’enfance et c’est d’ailleurs, dans le même corps d’armée que nous avions ensemble accompli nos devoirs militaires, si bien que nous étions comme deux frères avant que ne commence, ce que je vais vous raconter, et que sans doute personne ne croira. C’est un peu comme ces gens, à qui ils leur arrivent des choses invraisemblables et qui un jour, on ne sait pas pourquoi, décident de tout vous raconter. Ces gens comme vous et moi, à qui on leur demande « Mais pourquoi diable, n’avez-vous pas raconté ça plus tôt ? » et qui répondent « C’est parce que je craignais d’être pris ou pour mythomane, un fou, un malade ! »


Michæl était un personnage joyeux, grand amateur d’histoires plus ou moins drôles et de plaisanteries, il faut le dire, parfois plus que douteuses. Hélas, ce sentiment d’une complicité durable entre Michæl et moi, fût vain... Je n’oublierais jamais ce jour où mon fidèle ami, s’était rendu méconnaissable, il s’était transformé du jour au lendemain, en un personnage attristé, à la fois silencieux et susceptible. Michæl semblait absent, ne plus être présent lors des conversations, il semblait même, plus faire partie de ce monde, tant ses moments d'absence étaient fréquents, tant son esprit semblait vagabonder dans un imaginaire plus ou moins glauque et sans qu’on sache la vraie raison. Tenez ! Il me revient en mémoire, cette dernière fois, cette fois où au téléphone, alors que je prenais de ses nouvelles, il affirma avoir vécu une autre vie, « la vie d’un autre », prétendait-il… Et tout cela, sans me donner d'explications. Ce fût d’ailleurs, peu après ces ultimes paroles, que Michæl resta totalement silencieux, et pas qu’un peu ! Durant plus de trois semaines. Toute une période, où il demeura muet, et malgré toutes mes tentatives de discussion, impossible pour moi de déceler la vraie raison d’un tel comportement tant il était étrange. Rendez-vous compte, moi Jacques, son ami de toujours, totalement ignorer ! Comme peut-on et en si peu de temps, être effacé de la mémoire de son ami, surtout au point de ne plus lui répondre ? C’est simple ! Il ne me parlait plus, même pas au téléphone ! Il m’était dès lors devenu vain, de le comprendre… Si bien qu’avec tous ces bouleversements, aussi soudains qu’incompréhensibles, je dus me résigner de conclure et à défaut de comprendre, qu’un bon matin, mon vieil ami Michæl, s’était réveillé fou.

Ce fut par une après-midi de ce début d’octobre, que tout a commencé, une semaine jour pour jour, après mon dernier coup de téléphone… Dernière tentative, devrais-je dire. Mais passons les détails ! Donc, une semaine plus tard, alors que je me trouvais dans mon atelier de peinture… Un tout petit d’à peine douze mètres carrés pas plus, à moitié enterre en bas de quatre marches qui vous mènent à l’entrée et situé en fond de cour, en contrebas de la rue de Charonne… Mais revenons à nos moutons… Donc, cette après-midi-là, retravaillant une copie de Luciano Rampaso, je vis soudain par la fenêtre, dudit atelier, Michæl, gesticulant et me faisant des signes totalement incompréhensibles… D’ailleurs, à s’agiter ainsi, le temps pour moi sembla s’être arrêté, réalisant soudain, qu’il désirait que je l’invite à entrer. Sans doute pour pouvoir se retrouver, comme par le passé, lorsque nous discutions des heures en tête-à-tête.

Michæl ne s’était plus aventuré, (du moins, me semble-t-il!) ne serait-ce qu’à passer devant mon atelier et encore moins à y entrer; en tous les cas, pas depuis ce moment où il m’apparut avec ce qu'il faut bien nommer, une mutation de personnalité… Bref ! Soudain,encore en haut des quatre marches, il cessa de bouger, il resta là planté, immobile, les yeux hagards, dans une éternité profonde. Il demeurait comme figé, sans pouvoir bouger, dans des habits d’une
autre époque aux bottillons crasseux, me fixant du regard, avant que d’un seul coup, il se décide à avancer jusqu’à l’entrer… Il humait l’air un long moment, comme pour se délecter des odeurs d’acétones, mélangées aux peintures.

En ce début d’automne et depuis sa dernière visite, outre quelques tableaux, rien d’autre dans mon atelier n’avait été changé, ni remplacé ou même déplacé.

Il sembla cependant que chaque objet présent, lui parure comme nouveau.
Un instant, il me prit même d’imaginer, que l’atelier ne pouvait être que le seul lieu, où mon ami pourrait non seulement se défaire de son mutisme, mais sans doute de se confier…Me faire savoir enfin, tous les secrets de sa tourmente. Parc’que c’était l'endroit hors de chez lui qu’il connaissait le mieux, où il aimait se rendre, l’un des seuls en tout cas, à pouvoir lui donner encore, comme pour chacune de ses autres visites, cette même sensation de bien-être. Ce sentiment me vint, lorsque je me souvins d’une de ses confidences. Celle du jour où il s’était hasardé à révéler, que non seulement la lumière, mais aussi les odeurs, le rassuraient. Il jubilait, devant la singularité de chaque peinture et prétendait que chacune d’entre elles, semblait ressusciter d’un autre monde.

Bref, je m’égare ! Toujours est-il, que je dus lui tendre la main, en l’appelant par son nom, afin de l’inciter à descendre et pour qu’enfin il réagisse. Le café chaud fumait des ombres son arôme sur le vieux poêle à bois…
Alors, que j'étais en train de l'observer, cherchant encore, la vraie raison de ce nouveau comportement, Michæl s’approcha…Il m’apparut de plus en plus mystérieux, tant son visage s’était flétri, et que son corps tout entier, me

sembla comme tassé, comme épuisé. Le plus étrange encore, me parut son regard… « Ses yeux », je me suis dit ! « Ce ne sont plus ses yeux ! » Ce regard-là, n’était pas son regard, j’en étais même certain, ça n’était pas le sien, il ne lui appartenait pas. Il était devenu, comme le regard d’un autre, les yeux d’un autre. Puis, je lui demandai…

- « Alors Michæl ! Comment vas-tu depuis tout ce temps, tu m’avais oublié ? »

Tandis qu’il restait sans réponse, je l’invitai à s’asseoir, à la seule table et située près de l’entrée, lui proposant du café chaud, puis, me servant à mon tour, je m’assis à la place opposée. Continuant de l’observer, et alors qu’aucun mot n’était encore sorti de sa bouche, Michæl prit sa tasse brûlante dans le creux de ses mains, la porta à ses lèvres, et c’est alors que Michæl se mit à frissonner, comme s’il grelottait.
- Que t’arrive-t-il Michæl ? Que t’arrive-t-il ?
Les soubresauts s’accentuèrent, je ne savais plus quoi faire. Je dus reposer ma question, et pour qu’enfin ses tremblements cessent.
- " Dis-moi, Michæl que t’arrive-t-il, es-tu malade ? "
Michæl, tête baissée, marmonnait des mots inaudibles, tenant toujours sa tasse de café entre les mains. Quasi muet, Michæl se redressa d’un coup, tout en me regardant, un peu comme s’il venait de prendre une décision importante. Il ne cessa de me fixer de son nouveau regard… Puis commença à me parler d’une voix chevrotante.

- De tout ce que je vais te raconter, il te sera impossible d’en croire un traître mot, mais il faut absolument que je t’en parle… Et peu m’importe d’être pris pour un fou.. Ça me délivrera, d'une énigme, que je ne peux ni résoudre, ni supporter seul.
Pendant, que je restais silencieux, sans cesser un instant de l’observer, il poursuivit.

- Il y a moins de quatre semaines maintenant, je me suis rendu à l’hôpital Saint-Claude, suite à un mal de tête incompréhensible… Une douleur atroce et soudaine, survenue dans la nuit, et qui m’avait réveillé en sursaut. Une fois dans l’hôpital, je suis entré comme par erreur dans une salle vide de monde, interdite au public. Une fenêtre donnait sur le jardin, sur le bureau, il y avait un téléphone, avec des paperasses, beaucoup de paperasses… Les murs blanchis de cette pièce semblaient avoir été repeins très récemment, et sur l’un de ces murs, se trouvait suspendu un tableau large, tout aussi large que long, aux dimensions qu’une porte et qu’on aurait accroché là, horizontalement… Mille et une photographies d’identités y étaient épinglées, avec juste en dessous de chacune d’elle, ce qui semblait être des annotations. Rien n’en entrant ! Pas même ce tableau me parut inquiétant. Jusqu’au moment où, revenant sur mes pas, je suis tombé nez à nez avec moi-même. C’était bien moi que je voyais, épinglée là, tout en haut du tableau avec tous ces autres inconnus … Parmi ces anonymes photographiés, il y avait ma propre image.

Tentant de l’interrompre, lui suggérant qu’il ne pouvait s’agir, que d’un sosie, il continua :

- C’est ce que j’ai tout de suite pensé, tout comme toi, évidemment… Mais c’est en lisant la fiche accolée à l’image, que je fus pris d’une sensation effrayante. Il y avait inscrit, noir sur blanc, mon nom, mon prénom et ma date de naissance, ainsi que des détails de mon anatomie. Il y avait ma taille, mon poids, la couleur de mes cheveux, ma date de naissance et le plus terrifiant, la date de ma mort…
Curieux de connaître la suite et n’osant plus l’interrompre une fois encore, je l’incitai à poursuivre.
- Je suis resté comme pétrifié, devant ce grand tableau. Puis un type en blouse blanche, aussi blanche que les murs, est enfin arrivé. Il est entré me priant avec véhémence, de sortir de la pièce. Comme, je ne disais rien, ne
lui répondais pas, il resta là, lui aussi sans bouger, nous étions là, lui et moi, sans réaction, deux couillons, pareils. Je fis l’effort de désigner du doigt, la fiche, avec la photo qui me représentait. Le type, s’est approché de moi, m’a observé un temps interminable, puis voyant la photo, fit mine de comparer. Pour me forcer moi-même à réagir, j’ai dû bafouiller quelque chose, dont je n’ai plus le souvenir. Le type s’est alors contenté de supposer qu’il s’agissait d’un frère jumeau, puis de me préciser que toutes ces photographies, appartenaient à des gens disparues ou prétendues décédées, et dont le corps n’avait pas été retrouvé… Comme je ne parlais toujours pas, il continua…Me précisant qu’il avait lui-même ajouté celle de mon frère (ou du moins, celle que ce type pensait être celle de mon frère jumeau) pas plus tard qu’ hier, après avoir enregistré sa fiche …

Michæl marqua un temps d’arrêt et reprit une gorgée de café. J’étais comme suspendu à son histoire, si impatient d’en connaître la suite, que je lui demandai « Et alors Michæl ! Qu’as-tu fait ensuite ? »
- Rien ou presque, me dit-il ! le type a dû remarquer que je n’étais pas dans un état normal. Il m’a demandé de ne pas bouger, de rester calme, et qu’il allait chercher un médecin…
- « Ensuite ? »
- Je n’ai pas attendu, j’ai pris furtivement la fuite sans rien dire. Je voulais résoudre cette énigme moi-même… « Puis, je me suis souvenu de ce rêve » .

Comme je commençais à trouver son histoire de plus en plus absurde, pour ne pas dire invraisemblable, je crus bon d’ajouter qu’il ne pouvait s’agir que d’une erreur ; que ça devait arriver de temps à autre. Ajoutant, qu’il n’y avait pas de quoi se mettre dans des états pareils…
Michæl se leva brutalement, dans une rage imprévisible… Boum ! patatras !!! la chaise, les quatre fers en l’air, il vociférait, balançant de colère à l’autre bout de l’atelier, la tasse de café qui se brisa en mille éclats contre le sol…
« Non ! Tu ne peux pas comprendre… ! Tu ne sais rien Jacques ! » Il haranguait toujours… « Si tu ne souhaites pas connaître la suite, je préfère m’en aller Maint’nant ! »
- Du calme Michæl, du calme ! Il faut que tu te calmes, ça n’est pas si grave ! Je l’invitai à se rasseoir.
C’était moi désormais, qui demeurais figé, sans pouvoir ajouter un moindre mot. M’empressant de remplacer sa tasse, puis d’un autre café, je lui offris une cigarette…
Michæl ne fumait plus ! Lui qui, il y a moins d’un mois, fumait jusqu’à trente cigarettes par jour, ne fumait plus … Il était incontestable que mon ami, avait changé, du tout au tout, tant par son regard, et sa façon de s’habiller, que par cette soudaine abstinence à la cigarette. Le résultat est que, tout ça cumulé, confirmait que Michæl ne représentait plus qu'une apparence, celle d’un personnage devenu plus qu’étrange …Je crus même un instant, me trouver face à un comédien, jouant le rôle de sa vie…
-« Alors ce fameux rêve…Michæl? Raconte, je t’écoute ! »
Je repris moi-même du café, ainsi que ma place, tandis qu'il poursuivit.
- C’était juste deux nuits avant de me rendre à cet hôpital : J’ai fait un rêve comme hallucinatoire, tellement étrange qu’il me parut que tout était réel, un peu comme un cauchemar, mais un cauchemar, qui ne voudrait jamais finir. Le plus étrange Jacques, c’est maintenant, là, en ce moment, à l’instant même où je te parle.
-En ce moment ? Comment ça Michæl ?
- Oui, là, en ce moment où je te parle, il me semble ne pas m’être encore réveillé. Bien que je sois en face de toi, avec cette tasse de café, qui me brûle les doigts. Une sensation bizarre subsiste, et je ne peux m’en détacher… Cette sensation d’être à la fois présent ici avec toi, bien en chair et en os ; Et celle d’appartenir encore à ce rêve.
Michæl continua.
- Ce soir là, je m’étais couché comme à mon habitude, vers les 23 heures. Je me souviens, m’être endormi page 128 d’un roman de Jean-François Coatmeur…C’est dans la nuit… J’ai entendu des pas, comme un bruit de chaussures, un frottement de cuir. J’ai dû allumer la lumière, afin de me rendre compte de ce qui se passait…Et c’est là, c’est là que tout a commencé… Tout au bout de mon lit, il y avait un homme, assis…Je me souviens, je me suis dit « je rêve ? ». Je me suis même frotté les yeux, pour être sûr de ce que je voyais, tellement ce qui apparaissait devant moi, me semblait tant absurde que réel… Et c’est alors que je rouvris les yeux… L’homme était toujours là, et il me regardait, assis, me fixant sans bouger … Un homme d’une cinquantaine d’année, une réplique de moi, en plus âgé… D’un signe de l’index, posé comme en croix sur ses lèvres, il m’invita à ne rien dire, ne pas crier.

J'osai lui demander :
- « Qui êtes-vous ? » -« que voulez-vous »- « Que faîtes-vous là ? » il répondit :

- Tu me reconnais pas ? Mais je suis toi Michæl ! Je suis toi, bien que tu ne puisses t’en souvenir… je viens d’un autre temps, d’une autre époque, Michæl ! Je viens d’une autre vie et que tu as sans le savoir, déjà vécu…
- J’étais tellement choqué par cette apparition, tant elle semblait réelle, que j’eus du mal à déglutir. Mon sang montait, affluait à mes tempes, jusque dedans ma tête et je me mis à bafouiller .
-« Mais, mais ! Mais, pourquoi ? Mais quelle vie ? »
- N’aies pas peur Michæl , tu ne crains rien ! Je viens te voir, parce que c’est cette nuit que tu vas mourir.
- Mourir ! Moi ? Je dois mourir ?
- Oui Michæl ! Tu dois partir cette nuit à 4 heures 26 très précisément, suite à un arrêt cardiaque…Et je viens pour te prendre en moi pour te sauver de cette mort, ceci afin que tu continues à vivre à travers moi…

- Mais ! Mais, comment savez-vous que je vais mourir ? Que je vais mourir cette nuit ? Et, Et, Et pourquoi, voulez-vous que je continue à vivre en vous, dans votre corps ? Réveillez-moi, je vous en prie ! C’est absurde cette histoire !

- Tu ne rêve pas Michæl ! Pas cette fois ! Tiens, prends cette enveloppe et garde là précieusement… Tu l’ouvriras plus tard, dans une semaine ou deux, lorsque tu auras repris tous tes esprits…
J’ai pris l’enveloppe que l’homme me tendait, aussitôt mise dans la poche de ma veste de pyjama.
- Et Et Et, pouvez-vous me dire, de quelle façon, vous allez procéder ? Comment vous allez faire, pour que Moi je sois Vous, puisque je serai mort et bien mort ?
- Souviens-toi Michæl, des paroles divines ! Ce sont celles d’un Dieu, d’un seul Dieu, qui ne connaît qu’un monde, qu’il a lui-même créé !
Et de cette phrase Michæl,! - « Tout ce que j’ai fait, tout ce que j’ai créé, vous aussi, à votre tour, vous pourrez le faire, en mémoire de moi »
La Mémoire est La foi en Dieu Michæl, propre à la création, qui engendre l’éternité.

L’astral est en nous Michæl, et c’est ainsi depuis des millénaires… L’astrale a pris naissance, depuis plus de dix-huit milliards d’années, invisible et présent à la fois, et bien avant que vos savants modernes, appellent le big-bang, la naissance de l’univers, bien avant que le monde soit monde. Ce monde que tu vois, cache la plus immense et la plus belle des réalités Michæl … Je ne viens de nulle part, je suis ici et là, je suis d’un autre lieu, où le temps n’y est plus, où le temps ne compte pas. Je suis d’hier et d’aujourd’hui, je vis l’année zéro où Ailleurs c’est Demain, d’une autre solitude, d’un pays du dedans, loin, de très très loin, là où les âmes et les cœurs se confondent, où aucun mal ne vient, où personne ne meurt…. Michæl, il faut que tu saches que chaque Être est unique, qu’il reste qu’un seul Être, vie après vie, c’est seulement, au point de vue intellectuelle ou morale que l’humain change, qu’il évolue, grâce à son expérience…Ses cumuls de vies.
- Michæl ? Michæl ! S’il te plait, entends-moi, Michæl ! Je dois te prendre maintenant… Tu sais Michæl ! Il n’y’a pas d’autre alternative.
--Mais, mais, une fois que je serai mort, Mon, Mons… Monsieur ??
- Gilles… Gilles de Rais ! De Rais, est mon nom ! Tu peux m’appeler Gilles, Michæl…. C’est mieux… Appelle-moi Gilles, je t’en prie !
- De Rais ? Mais c’est presque mon nom, mon nom est Ray, Michæl Ray ! Qui donc était Gilles de Rais ? Etait-ce vous le Gilles, compagnon de Jeanne d’Arc, coupable de tant d’horreurs et de ces crimes qu’on raconte ?

- Chuuut ! Tu apprendras tout ça plus tard, Michæl ! Garde cette enveloppe que je t’ai confier…
- Bi, Bien Monsieur Gilles ! Alors ma, ma… Ma question était… ! Une fois que je serai mort, que deviendra mon corps ? Qu’allez-vous en faire ? Ou plutôt, Non ! Que vais-je en faire ?
- Tu iras l’enterrer, là où tu voudras, où bon te semblera, ça n’a aucune importance...
« Michæl !.... Michæl !…Tu m’entends Michæl ? »
- Oui Monsieur Gilles, je vous entends !
- Michæl ! Il ne te reste à peine que deux minutes à vivre maintenant, deux fois soixante secondes, dans ton corps actuel ! Concentre-toi Michæl… Prépare-toi à ressentir une vive douleur dans ta tête, avant de me rejoindre.

Je n’avais pas lâché des yeux Michæl, de tout ce temps, me racontant son rêve. Et n’osant plus rien dire, afin de ne pas le brusquer une seconde fois: Je me forçais tant bien que mal, à écouter la suite de son récit.
- Lorsque je me suis réveillé, j’étais moi-même assis, tout au bout de mon lit, au même endroit où se trouvait cet l’homme et qui me ressemblait. J’étais habillé comme lui, mais avec en plus, le sentiment d’une immense solitude. Je me sentais épuisé, lessivé, comme si je venais d’effectuer un travail de force. Puis je me suis levé, me suis allé jusqu’à la salle de bains, afin de voir mon visage, pouvoir me regarder dans le miroir… Il était là… Cet homme était là, devant moi, et je le regardais me regarder, cet homme en face dans le miroir et qui me regardait, était devenu moi et il se regardait ; Il était devenu moi, tandis que moi j’étais lui, sa réplique exacte, fidèle à son image ; j'étais tel qui m’était apparut dans cette nuit, mais avec une seule différence.

J’interrogeai - « Une différence ! Mais quelle différence ? »
- Celle dont je me suis souvenue, ainsi que cette dernière partie de mon rêve, et qui m’avait totalement échappé, jusqu’à ce matin. C’est ce détail qui m’a
poussé jusqu’à ta porte, et afin que tu m’aides…La différence venait de mes chaussures et des vêtements, ils étaient tout couverts de terre fraîche et encore humide. Puis, je me suis souvenu, de la fin de mon rêve, lorsque j’avais porté mon ancien corps, pour l’enterrer, au petit bois de Eboulures…

- Bien ! Mais qu’attends-tu de moi maintenant ? Il se fait tard, et la nuit est tombée, je ne vois pas comment je pourrais t’aider ! Explique-moi Michæl !

-Justement, c’est parce qu’il est tard… Jacques ! Faut que tu m’accompagnes…Faut que tu viennes avec moi, au bois des Eboulures, au même endroit où dans mon rêve, j’ai enterré mon propre corps…
- Bon ! Ça suffit maintenant, elle a assez durée ton histoire ! Ça n’a ni queue, ni tête, tu délires mon pauvre ! Comment pourrais-je croire à de telles sottises ! On n’est en plein roman, débrouille-toi tout seul avec ton histoire à dormir debout et va consulter un Psy dès demain matin ! J’ai autre chose à faire que d’écouter de telles stupidités.

Michæl se leva, avec un calme imperturbable, se dirigea vers la sortie, marqua un temps d’arrêt, se retournant vers moi, déclara impassible -« Ca n’a plus d’importance que tu viennes ou pas, je peux m’y rendre seul » … Michæl disparut dans la nuit…
Je ne sais toujours pas pourquoi, il n’était pas parti depuis plus de dix minutes que je fus pris de remords. Non seulement du fait de l’avoir d’abord considéré comme le dernier des demeurés, mais d’avoir du même coup, refusé de l’accompagner… Tout d’un coup, je m’en voulais, de n’avoir pas fait semblant de le croire…

Angoissé et inquiet pour mon ami, je pris ma veste et mon écharpe au portemanteau, sorti au pas de course, récupérant ma voiture, pour le rejoindre coûte que coûte… À mon arrivée devant le petit bois, je dus marquer un temps d’arrêts, phares toujours allumés. J’étais comme pétrifier rien qu’à l’idée de connaître la suite de cette histoire de fou... La nuit était si noire et les arbres si feuillus, qu’il m’était impossible de voir plus loin qu’une dizaine de mètres devant moi. Puis me trouvant dans l’unique allée menant à l’extrémité du fameux bois, je m’avançai au pas, convaincu que mon ami était déjà rendu sur les lieux. Soudain sous la lumière des phares, je vis une ombre qui bougeait. Me hasardant plus en avant, je pus enfin discerner une silhouette… C’était Michæl ! Il était là…
Je dus sortir de la voiture, en prenant soin de laisser le moteur tourner, pour éclairer les alentours…Il était là, devant moi, figé telle une statue, avec dans sa main droite, une petite lampe de poche qui éclairait à peine, et dans l’autre une pelle.
Michæl, visiblement n’ayant pas commencé à creuser, je lui demandai.
« Qu’est ce que tu attends pour te mettre au travail ? »… Lui, de me répondre qu’il craignait le pire ; Celui de se retrouver nez à nez devant la seule preuve inéluctable de vérité…

N’y tenant plus ; exténué par cette longue journée et impatient d’en finir une bonne fois pour toutes, je lui saisis la pelle qu’il tenait dans sa main et me mis à creuser…C’est alors que Michæl m’attrapa par les épaules, en s’agrippant violemment, puis me secouant encore et encore, il me cria dans les oreilles…

-Jacques jacques ! Réveille-toi ! Réveille-toi vite ! C’est l’heure ! Tu n’entends pas la voiture ? Je suis garé en double file ! Tu vas encore nous mettre en retard au travail…..