ça me rappelle une superbe réplique d'un des personnages de South Park, un gothique, un de ces mecs qui passe son temps à balancer sa mèche de cheveux devant ses yeux en fumant des clopes derrière l'école. Et à un moment, il dit aux autres mecs de sa bande:

"toute façon moi j'suis tellement anti-conformiste que j'vais pas m'conformer à votre anti-conformisme"

ça m'avait fait bien marrer.

L'histoire de moutonnisme, ça rentre un peu dans les délires de l'Homme libre à la wannagain.

Un mec un peu fou fou mais assez génial, Pyrrhon, avait découvert, comme tant d'autres, les limites de la logique, de la perception et de la pensée humaine. Un certain Diogène Laërce, biographe-romanceur de son état, raconte qu'il marchait droit devant lui sans se soucier de tomber dans des puits ou de se planter dans des murs. ça c'est la vision caricaturale du sceptique de base.
Mais Pyrrhon, s'il était sceptique, n'était pas pour autant dénué de raison. Et même s'il disait que finalement rien n'était connaissable en soi, cette irrésolution ne l'empêchait pas de manger quand il sentait qu'il avait faim, de discuter avec d'autres, de prendre parti même parfois dans des débats. Seulement, dans le fond, au principe de sa vie, il y a cette idée que rien ne peut être déterminé par la connaissance humaine. Et même cette idée là, Pyrrhon disait qu'il fallait de même la questionner sans cesse, parce que ce serait tomer dans le dogmatisme que de s'arrêter sur une vérité, fut-elle que "rien n'est décidable".
Donc Pyrrhon est le sceptique zététique par excellence, qui a donné la vocation à des types comme Bayle, Montaigne, e tutti quanti.
Et Pyrrhon, puisqu'il était finalement pas trop con, préconisait quand même à ses sectateurs de ne pas faire ce qu'en définitive Diogène Laërce raconta de lui. Puisqu'on n'est sur de rien, ça ne sert à rien de tenter le diable. Donc si je vois un trou, autant l'éviter.
Et enfin, Pyrrhon préconisait le conformisme le plus mou. Car pour bien vivre, il faut à tout prix éviter de se laisser happer par les passions du dogmatisme.
Voilà comment Pyrrhon concevait le conformisme: l'attitude la plus apte à atteindre l'ataraxie, même pour un sceptique zététique.

Bien sûr, contrairement à l'orgueil incroyable qui ressort des délires new age comme l'homme libre, le pyrrhonien vit son ataraxie dans sa seule individualité, et ne cherche surtout pas à la partager, ou à l'imposer aux autres. Sa tranquilité vient de son conformisme, ce n'est pas lui qui va commencer à faire des vagues.