Lorsque Galilée fit rouler ses boules sur le plan incliné par un degré d'inclinaison qu'il avait lui-même choisi, ou que Torricelli fit porter à l'air d'un poids qu'il savait d'avance égal à une colonne d'eau de lui connue, ou que plus tard Stahl transforma les métaux en chaux et celle ci à son tour en métal, en y retranchant ou en y restituant certain éléments [...] alors ce fut une illumination pour tout les physiciens.
Ils comprirent que la raison n'aperçoit que ce qu'elle produit elle-même d'après son propre plan, qu'elle doit prendre les devants avec les principes qui commandent ses jugements selon des lois fixes et forcer la nature à répondre à ses questions, mais ne pas se laisser mener par elle comme à la lisière ; car, sinon, les observations, faites au hasard, sans plan tracé à l'avance, ne se rattacherait pas à une loi nécessaire, ce que la raison pourtant recherche et exige.
La raison doit se présenter à la nature, avec, dans une main, ses principes selon lesquels seule la concordance des phénomènes peut avoir l'autorité des lois, et, dans l'autre, l'expérimentation qu'elle a conçue d'après ses principes, certes pour être instruite par elle, non pourtant à la façon d'un écolier qui se laisse souffler tout ce que le maître veut, mais à celle d'un juge en fonction, qui force les témoins à répondre aux questions qu'il leur pose.
La physique est donc redevable de la révolution , si avantageuse dans sa maniere de penser, à cette simple idée qu'elle doit, conformément a ce que la raison elle meme met dans la nature , chercher en celle ci ce qu'elle doit en apprendre et dont elle ne pourrait rien savoir par elle meme. Par là la physique a ete mise d'abord sur le chemin sur d'une science alors que pendant tant de siecles elle n'avait rien d'autres qu'un pur tatonnement