Votre défense du nihilisme est intéressante. On ne peut pas nier que le courant nihiliste fasse partie de notre héritage philosophique, et de notre réflexion. Cela dit, il peut être une étape plutôt qu'une fin, à l'instar du scepticisme, et je trouve que votre éloge va parfois un peu trop loin.
Que faites-vous de l'heureux combattant nietzschéen, l'homme fort qui vit en acte plutôt qu'en puissance ?Et alors ? On se gardera de prendre pour modèle l'heureux homme, depourvu de tout élan créatif ; ce qui reviendrait à préférer le réconfort sans risque ni péril au plaisir de la recherche aventureuse.
Est-ce le cas du pré-ado rebelle qui fait sa petite crise et se dit nihiliste pour embêter ses parents ? Même s'il fume des joints, sniffe de la coke (ce qui reste rare chez les petits rebelz, mais existe néanmoins) par "nihilisme", s'il en ressent les effets physiologiques, cela fait-il de lui un courageux combattant de l'existence qui se "suicide chaque jour" ?Stupide car le nihiliste est mort des millions de fois, car il se suicide chaque jour.
Du petit bourgeois qui a tout ce qu'il veut et qui se paye le luxe d'une dépression, quand d'autres n'ont même pas le temps de réfléchir à leur vie car leur boulot c'est marche ou crève ?
Que le nihilisme soit une réflexion, je suis d'accord, mais il n'y a aucun besoin de dévoyer des concepts en disant du nihiliste qu'il "se suicide chaque jour".
Un soldat qui a survécu à des blessures par balle, lui connaît sûrement mieux la mort que n'importe quel auteur s'apitoyant sur son sort dans des essais à la qualité douteuse.
Je respecte Beckett, Ionesco et d'autres auteurs de talent. J'apprécie particulièrement Cioran, qui fut un des rares nihilistes à vivre selon ses principes et à refuser toute distinction honorifiques. Mais ceux que j'apprécie le plus, ce sont des gens comme Ernst Jünger, Primo Levi ou même Wittgenstein, car ils ont vécu l'histoire au lieu de l'analyser froidement de derrière un bureau.