Dans ce texte, Hume cherche à répondre à la question « qu’est-ce qu’est le moi ? »
Pour lui, le moi correspond à quelque chose que nous ne pouvons pas identifier de façon simple et précise. Le moi est impalpable, caché par un amalgame de sentiments, de pensées et d’impressions. On ne peut pas le saisir, mais seulement le percevoir. C’est la perception de ce moi qui fait que nous sommes.
Yo!
La conception du Moi chez Hume est un peu plus complexe.
Elle est une conséquence de sa théorie des fictions.
Pour lui, nous ne connaissons du monde que ce que nous en percevons (un objet et une perception sont donc la même chose du point de vue de la connaissance humaine). De ce fait, seules existent effectivement ces perceptions. Toutes les relations que nous leur attribuons ne sont pas dans l'objectivité (= le monde extérieur qui aurait une existence indépendante de la perception que j'en ai) mais dans l'esprit. Par exemple, parce que nous avons l'habitude de percevoir deux phénomènes se succéder, comme la vision du feu et la sensation de chaleur, ou de brûlure, nous en inférons que l'une est la cause de l'autre. Mais cette relation de causalité n'est pas dans les choses elles-mêmes. Il n'appartient pas à l'essence de la table d'être à côté de la porte, tout comme il n'appartient pas à l'essence du feu d'être la cause de la sensation de brûlure.
Bref, de la même façon, dans le Traité de la nature humaine, Hume va faire ce qu'on appelle la "généalogie de la fiction du Moi", c'est-à-dire qu'il va chercher à savoir de façon chronologique comment l'idée de Moi, qui est une fiction, vient à l'esprit.
Contrairement à Descartes, qui fait de la subjectivité (= le fait d'être un sujet, un Moi) l'équivalent de la substance pensante ("je pense donc je suis" = "je pense est équivalent à je suis une substance pensante"), donc une substance qui vient avant les perceptions et qui n'est pas fondé par elles, Hume place la subjectivité (il dira "l'identité") après l'expérience.
Pour comprendre cela, il faut savoir que, à mon avis, la première phrase de ton texte:
et d'ailleurs l'ensemble de ce texte, sont une critique de la notion d'indentité personnelle chez Locke.Il y a certains philosophes qui imaginent que nous avons à tout moment la conscience intime de ce que nous appelons notre moi
Je vais donc te l'expliquer brièvement:
Locke est un penseur anglais considéré comme le père du courant philosophique de l'empirisme. Il a vécu quelques années avant Hume (empiriste écossais), donc Hume est à la fois un continuateur et un critique de l'empirisme de Locke. Dans son Essai concernant l'entendement humain, Locke en vient à parler de l'identité personnelle, et explique ce que l'on a appelé le "principium individuationis": le Moi, le sujet, existe par la conscience qu'il a de lui même; lorsque je perçois un objet, j'ai une idée, et lorsque j'ai une idée de l'idée (= c'est la "reflexion"), j'ai nécessairement conscience que cette idée est rattachée à un Moi, dont la continuité est garantie par la mémoire, etc...
Hume critique cela car il a une conception corpusculariste de la connaissance: toutes les perceptions sont singulières, à la fois dans le temps et dans l'espace. La perception de tel stylo en particulier que j'ai à un moment n'est pas la même que celle que j'ai une seconde plus tard, ou sous un autre angle, donc rien ne me dit qu'il s'agisse du même stylo. De ce fait, il n'y a pas réellement de continuité dans la perception. Il n'y a donc pas non plus de continuité dans la subjectivité, puisque la seule idée que je puisse avoir de Moi et de ma continuité serait une inférence du genre: "je perçois le monde dans la durée, donc j'ai moi-même une durée".
Pour Hume, le Moi est associé à ce que Kant appellera plus tard la "conscience synthétique": une fiction inférée à partir de la synthèse (ou plutôt, nous dira Hume, de la collection) des perceptions singulières (dans ton texte, la traduction dit "particulières", mais c'est sensiblement la même chose).
Donc, attention à ce qui tu dis dans ton intro. C'est vrai que, si on analyse très finement le texte, une conception substantialiste du Moi, et c'est d'ailleurs le sujet de mon mémoire de recherche, est simplement cachée derrière la doctrine sceptique de Hume concernant l'identité personnelle.
Mais au niveau de la Terminale, et c'est d'ailleurs dans le programme, on ne voit Hume qu'à travers son scepticisme: le Moi n'est pas caché derrière la collection des perceptions. Il est la fiction créée par cette tendance qu'a l'esprit de synthétiser (= unifier en une totalité) les perceptions.
Très bonne intuition!C’est la perception de ce moi qui fait que nous sommes.
La critique du Moi, chez Hume, est fondée sur cet argument. Le Moi ne peut être positionnel (= comme tu l'as si bien dit, la perception de Moi comme différent des objets perçus), car cela revient à en faire une collection artificielle et fictive de perceptions.
Tu te doutes, après ce que je viens de te dire, que c'est pas vraiment ça...Dans ce texte, Hume cherche à répondre à la question « qu’est-ce qu’est le moi ? »
Je dirais plus qu'il cherche à démontrer que la conscience de soi n'est pas un bon critère pour prouver l'existence objective du Moi (traduis comme tu veux, j'arrive pas à trouver des termes moins "techniques").
Pour ton découpage, je pense que c'est bon bon ;-)
Seulement:
Ce n'est pas réellement "certains philosphes", mais surtout Locke et (totalement opposé à Locke) Descartes qui sont visés, je pense. Locke pour les raisons que j'ai expliquées plus haut; Descartes parce qu'il tient l'évidence de la substance pensante comme précédant l'expérience même (Or, Hume est un empiriste, et pour lui il n'y a aucune idée ou connaissance, ou activité de la pensée autre qu'a posteriori, c'est-à-dire autre qu'issue de l'expérience).En premier lieu, L.1 à 5, Hume expose la conception du moi de certains philosophes. Pour lui, ceux-ci sont dans l’erreur car ils le conçoivent comme bien identifié, parfaitement perceptible, continu et de la plus grande simplicité.
Non pas son Moi, mais la notion de Moi. Le reste est bien.En second lieu, des L 5 à 10, il présente ce que lui à observé par rapport à son moi, qui se limite à des perceptions de diverses pensées, impressions et sentiments qu’il ne peut dépasser.
Bien sûr! Sans expérience, il n'y a pas de connaissances. Cependant Hume ne dit pas qu'"il n'y a pas d'existence possible", mais, plus prudemment, que je ne peux rien dire de l'objectivité en dehors de l'expérience que j'en ai (et donc je ne peux rien dire non plus sur ma propre objectivité). Dire que les choses existent ou non relève de la spéculation, et donc de la fiction.En troisième lieu L10 à 17, il analyse la situation lorsque les perceptions sont écartés. Pour lui, dès lors que ces perceptions sont absentes, il n’y a plus d’existence possible.
Je dirais plutôt qu'il souligne l'absurdité de penser qu'une conception du Moi comme substance puisse être rationnelle. De ce fait, quelqu'un qui aurait pris tout son temps pour étudier la question et qui continuerait à ne pas reconnaître que le Moi est une fiction, serait borné dans l'illusion, et il n'y aurait pas moyen de "raisonner plus longtemps avec lui", car il ferait preuve de mauvaise foi. Ce morceau du texte, à mon avis, n'est pas très important par rapport au reste.En fin, L 16 à 19, il émet l’hypothèse selon laquelle quelqu’un pourrait percevoir les choses différemment mais que ce serait alors impossible pour lui de le comprendre.
J'irais même plus loin: Hume ne croit même pas que le Moi soit "quelque chose". Ce n'est pas parce qu'il est caché, que l'on ne peut en avoir une idée claire et distincte, mais bien parce qu'il n'est qu'illusion.Tout cela nous conduit à nous demander si le moi qui est quelque chose qui nous semblerait caché, ne serait pas quand même un des éléments les plus importants de notre existence psychique.
J'espère avoir bien déblayé le texte! à toi de trouver la méthode pour construire au mieux ton argumentation.
Bon courage!