I

J'ai senti les terrains fertiles de mon âme
Se couvrir de gadoue et d'ossements infâmes
La tristesse de moi a tiré son écot
Et me voilà fané comme un vieux calicot
Nul ne s'est enquis de cet effrayant trouble
Sinon un ami qui fut atteint du double
Le bonheur balayé par l'esprit mercantile
Nous n'avons goût à rien sinon à l'inutile.
Mais mon ami est riche et il peut déprimer
La grâce lui sera en tous temps imprimée.
Mon esprit tourmenté j'ai voulu assainir
Mais n'y parvenant pas je pensais en finir
Et pourtant jusque-là j'ai tant aimé la vie
Que jamais vers la mort ne sera mon avis.
Aussi triste que soit ce grand terrain perdu
Je combattrais toujours pour reprendre mon dû.

II

Ce triste poème est ma dernière arme
Et le papier se gaufre sous mes larmes.
Malgré mes efforts, nul profit ne rentre
Verrais-je un jour disparaître mon antre ?
J'ai vu mourir bien des chiffres nacrés
Chez les gens pauvres l'argent est sacré.
Tous ces bourgeois qui bien haut le méprisent
Sont vénérables de par leur traîtrise ;
Ils ont créé un unique Dieu,
Ces plaisirs vains qui nous crèvent les yeux.
Les miens pourtant étaient encore ouverts,
Voyant Odin et son royaume vert !
Moi qui voulais gagner en condition,
J'ai ressenti la pire contrition ;
Par le désir d'engranger une prime,
Me voilà plongé dans une noire abîme.
Désir fatal et non encore éteint,
Précipitant mon funeste destin,
Quand viendra-t-il, l'éternel moissoneur ?
Je veux avant lui laver mon déshonneur.