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Discussion: "Sceptique, moi? Et pourquoi donc?"

  1. #1
    Garrisonsdicks Guest

    Par défaut "Sceptique, moi? Et pourquoi donc?"

    J’ai prêté le livre à un ami, et comme tout ce que je prête, il ne me l’a jamais rendu. Mais mon souvenir est assez clair, et puis j’ai les notes de mon exposé oral sous les yeux. Three dialogues between Hylas and Philonous a été publié par Berkeley à la suite des critiques acerbes de la part de Londres contre sont précédent édit, Principles of Human Knowledge, dans lequel il expose sa thèse de l’immaterialisme. La plupart des intellectuels londoniens, qui avaient un bagage philosophique très scolastique, l’avaient entre autres accusé de scepticisme. En véritable Platon des temps modernes, Berkeley a alors réagi en publiant ces trois dialogues dans lesquels, sous la forme d’un développement maïeutique, il reprend point par point les critiques formulées à son encontre pour les démonter.
    Ainsi, Berkeley met en scène un débat entre Hylas, personnage représentatif des intellectuels de son époque, et Philonous, son propre porte parole. Philonous affirme qu’"il n’y a rien de tel que ce que les philosophes appellent substance matérielle". Loin de moi l’idée de partir dans un développement sur l’immaterialisme, et je vais donc en venir au point qu’il m’intéresse.
    Après une telle assertion, Hylas rapporte que les autres intellectuels disent de Philonous qu’il est un sceptique. Et là, Philonous, au lieu de péter un plomb, sourit avec indulgence (je romance un peu, pour la forme, et parce que c'est marrant). Il prend Hylas par sur ses genoux, lui offre une patte de fruits et le rassure en lui affirmant qu’il n’est pas sceptique, et que de toute façon le scepticisme est leur adversaire commun. Et Hylas d’écarquiller les yeux tout ronds en suçotant sa patte de fruits:
    -Comment? Vous doutez de l’existence de la matière, et vous dites que vous n’êtres pas un sceptique?
    -Grands dieux non mon ami qui êtes si blond et si gominé! Crachez moi cette patte de fruits avant de vous étouffer. D’abord, qu’est-ce qu’un sceptique?
    -Quelqu’un qui doute de tout, tout comme vous, sans aucun doute!
    -Dieu vous pardonne, mon enfant, d’exprimer de tels ignominies envers le porte parole virtuel de Mgr Berkeley, évêque de la sainte Église Catholique! Mais je vais absoudre immédiatement ce sacrilège en changeant votre façon de penser! Dites-moi, comment définiriez-vous le fait de douter de tout?
    -Eh bien, assurément, lorsqu’on doute de tout, l’on suspend son jugement.
    -Or donc, suis-je en train de suspendre mon jugement lorsque j’affirme l’inexistence de la matière.
    -Et qué? Heu…
    -Nier et affirmer, n’est-ce pas là avoir du jugement, ou au moins un peu de jugeotte, saperlotte?
    Et voilà comment Berkeley se défend d’être sceptique.
    Ce qu’il n’a pas vu, ou du moins ce qu’il semble ne pas développer dans la suite du dialogue, c’est la dimension morale de son argumentation. A travers Hylas, Berkeley accuse toute l’intelligentsia scolastique de faire l’amalgame entre nier l’évidence et douter. Amalgame qui est toujours d’actualité: d’aucuns dira à coup sûr aux athées que ce ne sont que des sceptiques sans bonne volonté. Pauvres de vous, jeunes idiots avec vos grands mots vides! Mais non, l’athée ne doute pas de l’existence de Dieu, enfin quoi! L’athée ne doute pas non plus de l’inexistence de Dieu, il en est certain, il la revendique!
    L’agnostique lui est sceptique, le pauvre bougre. Il est comme l’âne de Buridan qui mourra de faim et de soif parce qu’il est incapable de choisir entre le seau d’eau et la botte de foin.
    Je vous le dis donc, amis philosophes et ennemis des sceptiques, lorsqu’on vous dit «*la cuiller n’existe pas*», pensez que vous avez affaire à un genre d’athée de la réalité qui n’a peut-être pas fait que s’abrutir devant les débilités de Matrix, et dites-vous bien que si vous n’avez rien pour lui prouver le contraire (l’expérience des sens n’a pas de valeur pour lui, puisque «*la cuiller n’existe pas*»), le sceptique dans l’histoire c’est alors vous.

  2. #2
    Nielsen Guest

    Par défaut Rectification

    Bonjour collègue,

    J'aimerais revenir sur une de tes affirmations.
    Tu affirmes que l'agnostique est un sceptique. Peut être mais je pense que c'est grossièrement résumé et que c'est un peu plus compliqué que ça..

    L'agnosticisme est la posture à mon sens la plus sensée. On est tous voués à l'agnosticisme parce que d'une part on est tous dépassés par l'existence et d'autre part l'existence est injustifiable;c'est à dire qu'on ne peut pas dire pourquoi on est né. Pourquoi au 20ème siècle et non au Moyen âge par exemple.(cf la contingence) Par conséquent, l'agnostique est celui qui ne se prononce pas sur l'inconnaissable, sur ce qui dépasse l'entendement. L'agnostique est également quelqu'un qui ne s'abaisse pas à chercher le réconfort dans la religion..

    L'agnostique n'est dons pas si sceptique. Il n'est qu'interrogation. Or s'interroger ce n'est pas être sceptique. C'est se confronter à la réalité de l'existence humaine.

  3. #3
    Cmarrantunemain Guest

    Par défaut bon d'accord je te rends tes biens

    Bonjour philosophe philia,
    ne soit pas négationniste au sujet de tes objets
    je vais tout te rendre avant mon envol.
    Ecrit avec une main et une parole.
    A tout bientôt

  4. #4
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    November 2006
    Localisation
    pays des ch'tis
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    Par défaut

    l'agnostique est certainement plus humble que l'athé.
    Il réfléchit, se pose des questions, cherche à s'éclairer la conscience; mais il s'incline, il s'incline devant sa faiblesse. Il n'a pas la prétention à pouvoir la dépasser, du moins, à l'aide de sa raison.
    Quand à l'athé, on dit communément que l'existence de Dieu est indémontrable "scientifiquement". On dit aussi que c'est la meme chose quant à la démonstration de son inexistence...
    oui je sais, "on" est un con. mais "on" a raison.

  5. #5
    Garrisonsdicks Guest

    Par défaut Précision, plaidoirie.

    Nielsen a dit: l'agnostique est celui qui ne se prononce pas sur l'inconnaissable
    En effet, et comme je l'ai (peut-être mal) défini plus haut, le sceptique suspend son jugement car il estime qu'on ne peut connaître le réel.
    C'est d'ailleurs une affirmation... Bizarre pour un sceptique...

    De toute façon, j'ai parlé de l'athée, du croyant et de l'agnostique, pour illustrer en prenant des raccourcis, grossiers j'en conviens, la position du sceptique par rapport au matérialiste et à l'immaterialiste.

    Titouan a dit: Il réfléchit, se pose des questions, cherche à s'éclairer la conscience; mais il s'incline, il s'incline devant sa faiblesse. Il n'a pas la prétention à pouvoir la dépasser, du moins, à l'aide de sa raison.
    D'accord, mais j'estime que quand tu définis l'agnostique comme "celui qui se pose des questions", il est l'image du philosophe. Par contre, quand tu dis que ce qui définit l'agnostique c'est le fait qu'il s'incline, alors je dis qu'il est l'image du sceptique, ou du moins du philosophe tombé dans le scepticisme, en ce qu'il est conscient de ne pas pouvoir donner de jugement sur la question de Dieu, comme le sceptique pense ne pas pouvoir donner de jugement sur ce qui est réel.
    Faut pas oublier que j'ai utilisé l'exemple de l'agnostique, et que donc c'est un exemple... V'là quoi!

    Sur le fait que l'agnostique est humble, j'aimerais être d'accord, mais je ne sais pas quoi en penser. Est-ce vraiment humble que de s'incliner devant sa propre faiblesse? (je pose la question)

    Enfin, au niveau de l'existence démontrable ou indémontrable de Dieu, je suis d'accord, "on est peut-être un con"...
    Je n'ai pas encore étudié la question, donc c'est un peu une improvisation freestyle peut-être bourrée d'erreurs, mais je crois que Dieu (à travers tous les livres saints qui puissent exister) est une allégorie qui permet de donner aux Hommes une explication du monde (au même titre que la physique par exemple), et un code de conduite, comme une tentative de mise en forme d'un contrat social. La religion qui en découle est à mon sens le résultat de l'embrasement des passions de la part d'hommes qui, rassurés par une explication irrationnelle et gratuite du monde, préfèrent la certitude du culte (la foi) à la recherche angoissante d'une vérité insaisissable.

  6. #6
    Garrisonsdicks Guest

    Par défaut ah oui, au fait

    Dernière chose...
    Je n'ai pas "dit que l'agnostique était sceptique" (dixit Nielsen), mais, vice-versa, que le sceptique est un agnostique du réel. hihi! ça confirme juste que j'ai introduit l'agnosticisme comme exemple, pour faire une comparaison grossière, et que ce n'était pas le centre de mon sujet.

  7. #7
    Nielsen Guest

    Par défaut

    Merci pour toutes ces précisions Garrisonsdicks.

    Je reviens sur un autre point. Tu dis que l'agnostique est à l'image du philosophe lorsqu'il se pose des questions, certes, seulement la plupart des philosophes, faute de clairvoyance(oui oui) ont réussi à trouver des réponses, ou en tout cas nier et affirmer l'existence de Dieu à tors et à travers. C'est peut être des penseurs comme Socrate qui étaient sur la bonne voie. Ce n'est pas un hasard s'il n'a rien écrit. Sans doute que rien n'est dicible.
    De plus, je crois que si quelqu'un est sceptique, c'est avant tout parce qu'il n'y comprend rien à son humaine aventure.

    Enfin, ton improvisation "freestyle" est assez convaincante. On préfère effectivement "la certitude du culte" que la recherche d'une vérité "insaisissable". Mais c'est parce que cette vérité est assommante et qu'il vaut mieux taire l'aliénation ontologique de l'Homme.

  8. #8
    Garrisonsdicks Guest

    Par défaut Bien vu.

    Pour moi le philosophe qui trouve les réponses (ou les invente, cf Descartes) a fini par quitter le questionnement philosophique pour entrer dans une pensée théorique du monde: le système. Je pense que le système reste "philosophique" en tant qu'il est issu du questionnement philosophique.
    Enfin, pour en rester à la comparaison avec l'agnosticisme, je dirais bien que le philosophe qui débouche sur un système est comme le "prophète" qui fonde l'idéologie religieuse (je ne parle pas de la passion du culte, mais des idées mises en avant dans les discours prophétiques), ou a contrario comme celui qui nie cette vision religieuse du monde. Dans ce cas il est soit athée (négationniste?), soit croyant (théoricien?).
    Ce que je veux dire, c'est que tant que l'agnostique se pose des questions et cherche une réponse, je peux le comparer au philosophe. S'il abandonne son questionnement, je le compare au sceptique; s'il trouve des réponses, je le compare au scientifique.
    Pour terminer, concernant Socrate, ton intuition me semble intéressante, puisque ayant mis en pratique le dialogue maïeutique, Socrate fonde tout raisonnement sur le questionnement (qui mène à la réminiscence). C'est peut-être depuis cette tradition maïeutique qu'on apprend au lycéens à finir leur dissertation sur une question: le questionnement philosophique est sans fin.

  9. #9
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    Socrate est peut etre le plus bel exemple de celui "qui s'incline", bien qu'il croyait en une divinité:

    "Je ne sais qu'une chose, c'est que je ne sais rien".

    Il ne se souciait pas vraiment du but de son questionnement, mais bien du questionnement en lui-meme.

  10. #10
    Date d'inscription
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    Par défaut

    PS:

    "Je me méfie de tous les gens à systeme et je les évite. La volonté de système est un manque de probité.
    Nietzsche (un athé bien sur).

    Nietzsche a aussi fini sa vie en écrivant que des aphorismes, pour lui le seul moyen de décrire réellement les choses. Comme il le dit, il pouvais dire en une phrase ce que d'autres disaient en un livre.

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