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Discussion: La question des impôts selon Montesquieu

  1. #1
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    April 2006
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    Dans ton fondement (je parle bien entendu du cogito)
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    196

    Par défaut La question des impôts selon Montesquieu

    Le sujet est au goût du jour. Plus qu’avant, la controverse pour savoir si on doit davantage taxer les grosses fortunes que les petites existe. Nous-mêmes, la classe moyenne, nous nous sentons parfois écrasés sous les impôts indirects, tandis que les fumeurs se voient obligés de dépenser des sommes exorbitantes pour le simple plaisir d’en griller une. A l’inverse, d’autres personnes, qui bénéficient souvent d’aides sociales, ont droit à de grandes réductions d’impôts. Lundi dernier était d’ailleurs un jour férié… Mais « non chômé » ; autrement dit, on doit travailler sans être payé, au nom de la vertu et de la solidarité avec les « personnes âgées ».
    Montesquieu a dit, dans L’esprit des lois, que les impôts étaient la tâche la plus importante du législateur. Il a consacré un livre entier de l’Esprit à en parler. Qu’en dit-il ?

    Qu’est-ce que l’impôt ? Selon Montesquieu, c’est « une portion que chaque citoyen donne de son bien, pour avoir la sûreté de l’autre, ou pour en jouir agréablement ». L’état existe pour assurer la sécurité des citoyens et améliorer leur vie. Mais il ne s’entretient pas tout seul. En contrepartie des agréments qu’il leur procure, les citoyens doivent s’acquitter d’un impôt.
    Montesquieu montre les problèmes que cela peut poser dans la pratique : quand on veut prendre au peuple sur ses « besoins réels » pour financer des « besoins imaginaires » de l’état. Dans ce cas, on rogne sur le nécessaire et on se met à léser les citoyens, pour couvrir les « passions » des gouvernants. Ceux-ci étant naturellement portés à abuser de leurs pouvoirs, la question des contre-pouvoir revient aussitôt.
    Au pouvoir législatif revient le privilège de voter le montant des impôts. Le pouvoir exécutif doit seulement donner son accord (ou son veto) à ces mesures. Sans quoi, il lui serait possible de financer n’importe quel projet en détroussant les citoyens par un impôt trop élevé. Le législatif ne peut pas le faire non plus, puisque l’exécutif peut y mettre son veto ; ainsi, les contre-pouvoirs s’équilibrent. C’est ce que les libéraux anglais ont appelé les « checks and balancies ».
    Montesquieu s’oppose aussi à la taxe trop importante. En effet, si le gouvernement est corrompu dans son ensemble, qu’est-ce qui empêche les pouvoirs de s’associer pour lever des impôts trop élevés ? Le système de contre-pouvoirs ne peut pas tout. Il faut donc éviter, le plus possible, la taxe trop élevée.
    Mais au fait, que taxe-t-on, lorsqu’on lève des impôts ? Les revenus des citoyens. Ces revenus leurs viennent de leur travail. Et comme disait mon prof de philosophie politique, Montesquieu a une conception du travail assez proche de Nicolas Sarkozy. Voici un paragraphe de l’Esprit des lois :

    « La nature est juste envers les hommes. Elle les récompense de leurs peines ; elle les rend laborieux, parce qu’à de plus grands travaux elle attache de plus grandes récompenses. Mais, si un pouvoir arbitraire ôte les récompenses de la nature, on reprend le dégoût pour le travail, et l’inaction paraît être le seul bien. »

    Une grande qualité de Montesquieu, c’est son esprit de synthèse. Il peut condenser en trois lignes une thèse que d’autres ne pourraient qu’effleurer en trois pages. C’est d’autant plus grand que la thèse est vraie.
    Il y a la satisfaction du travail bien fait ; l’honneur d’accéder à un haut poste pour sa valeur et pour ses compétences ; l’argent et les avantages qu’on peut acquérir à la sueur de son front, et qu’on apprécie d’autant mieux ; sans oublier le plus important, la fierté qu’on a à se construire soi-même. Cette dernière idée est la plus importante, car elle a été reprise à la Révolution Française.
    Dans l’ancien régime, le travail était l’apanage des paysans et du tiers état. Il était vu comme un fardeau, une fatigue. On lui avait même adjoint l’idée du déshonneur. Les nobles, eux, ne travaillaient pas, et voyaient cela comme le plus grand privilège qu’on puisse avoir. Lors de la Révolution, cette idée a été complètement renversée. En démocratie, chacun doit travailler, et c’est par le travail que le citoyen doit se construire lui-même. Des gens comme Condorcet ont défendu cette idée. (Soit dit en passant, nous sommes aux antipodes de certains courants de pensée qui se réclament de 1789.)
    Il existe deux types d’impôts chez Montesquieu : « l’impôt par tête » et « l’impôt par capitation ».
    - L’impôt par tête est un montant fixe. Chaque individu, quel que soit sa condition, doit payer la même somme.
    - L’impôt par capitation est un pourcentage fixe. Chaque individu paye un pourcentage particulier de ses revenus. Par exemple, s’il gagne 1000 € par mois et que l’impôt est de 10%, il doit laisser 100€ à l’Etat chaque mois. S’il gagne 10 000 €, l’impôt sera de 1000 €.
    Montesquieu estime que l’impôt par tête correspond aux gouvernements despotiques. Chez eux, les grandes fortunes sont incertaines ou inexistantes, étant donné que le prince et/ou l’état possède tout. Du coup, les impôts sont bas. Le gros problème de l’impôt par tête, c’est qu’il doit être aligné sur ce que les plus pauvres peuvent payer, sans quoi il leur est impossible de le faire. L’état gagne peu. Comme le gouvernement est despotique, les individus n’en tirent que peu d’avantages.
    L’impôt par capitation correspond davantage aux gouvernements modérés. Aujourd’hui, il existe à peu près partout. A chacun correspond la somme qu’il doit payer, selon ce qu’il gagne. (L’impôt sur la fortune, où le pourcentage augmentait en même temps que la fortune, n’a été inventé que beaucoup plus tard.)
    Un avantage de l’impôt par capitation, c’est qu’il peut être levé sur les marchandises plutôt que sur la fortune. On paye selon ses biens plutôt que selon son compte en banque, et on paye surtout sur les transaction effectuées. Aujourd’hui, c’est la TVA (Taxe à Valeur Ajoutée). Ainsi, nous dit Montesquieu, l’impôt est quasiment « indolore ».
    Pour cela, ce sont les marchands qui doivent la payer, et se rétribuer ensuite sur le prix des marchandises qu’ils vendent. Lors de l’achat en gros des marchandises, ils payent une somme dépendant de celles-ci, et ils s’en acquittent directement auprès de l’Etat. Pour compenser cela, ils augmentent les prix des marchandises proportionnellement aux impôts. La taxe est comprise dans le prix total de l’achat, au lieu d’être ajoutée à celui-ci quand l’acheteur paye. Si elle est ajoutée en plus du prix, l’acheteur la verra et la percevra comme une contrainte. Si elle est comprise dans le prix, il la verra moins, et ce sera même indolore. Dans les deux cas, l’Etat gagne la même somme, et les marchands aussi.
    Si cela n’est pas indolore de nos jours, c’est parce que la TVA est très élevée (20% !) et que les impôts indirects sont légion. De plus, les prix augmentent régulièrement. Il n’est pas difficile de s’en rendre compte. Mais si les prix étaient stables, personne ne verrait la TVA comme un impôt injuste ou onéreux.
    On trouve ensuite les prémisses d’une théorie assez controversée, selon laquelle il existe un pourcentage optimal de gains en matière d’impôts. Cela a donné la « courbe de Laffer », que vous pouvez voir ici : http://www.liberaux.org/wiki/images/..._de_Laffer.jpg . En abscisses, le taux d’imposition ; en ordonnées, les recettes fiscales de l’Etat.
    Si on lève 0% d’impôts, personne ne paye rien à l’Etat et celui-ci ne gagne rien. Si on lève 100% d’impôts, personne ne va rien produire, et l’Etat ne gagnera rien non plus car il n’aura rien à taxer. Après tout, si vous savez que l’Etat va vous prendre tout ce que vous produisez, sans rien vous laisser, pourquoi produiriez-vous ? C’est cela qui a provoqué la chute des Kolkhozes en URSS : on y produisait à peine.
    Entre 0 et 100%, il y a une courbe en cloche. Au début, plus on lève d’impôts, plus les recettes augmentent, c’est logique. Mais après un certain pourcentage, les impôts deviennent oppressants et font que les citoyens n’ont plus envie de produire, ou bien n’ont plus de quoi investir. Du coup, il y a moins d’argent à taxer, et les recettes diminuent au fur et à mesure qu’on augmente les impôts.
    Cela signifie que, si l’Etat veut gagner tant d’argent, il a deux solutions. Il peut être sur la première ou la seconde partie de la courbe ; il gagnera autant d’argent dans les deux cas. Mais pour le contribuable, cela changera tout, car il sera moins taxé dans le premier cas. Prenez un point de la courbe et tracez un trait horizontal ; vous relierez deux points de la courbe. Si vous êtes au premier point, vous taxez suffisamment pour avoir telles recettes ; si vous êtes au second, vous taxez trop, et vous gagnez les mêmes recettes, mais les contribuables sont davantage taxés.
    Cette théorie est controversée, mais elle a obtenu des résultats dans de nombreux pays. On s’apprête même à l’appliquer en France. Considérant que nous sommes actuellement sur la courbe descendante (à droite), on va baisser les impôts en espérant augmenter les recettes.
    En réalité, l’économie est beaucoup plus complexe que ça. Mais si ça permet de baisser les impôts qui nous écrasent, tout en redressant l’économie, je suis pour !

  2. #2
    Date d'inscription
    November 2006
    Localisation
    pays des ch'tis
    Messages
    270

    Par défaut

    Plus l'impot est élevé, plus l'Etat à d'intentions.
    Plus l'Etat a d'intentions, plus l'Etat a de prétentions.
    Plus la presomption est grande, plus "l'enfer est pavé de bonne intentions".


    "Le peuple ne travaille-t-il pas parce qu'il est pauvre, et aussi longtemps qu'il le reste?"
    Max Weber (L'Ethique protestante et l'esprit du capitalisme)

    "Ce qui fait de l'Etat un enfer, c'est que l'homme essaie d'en faire un paradis".
    Hoelderlin

    "En essayant de faire plus pour les pauvres, on a fait plus de pauvres"
    Murray

    "La tyrannie d'un prince ne met pas un Etat plus pres de sa ruine que l'indifférence pour le bien commun n'y met une république"
    Montesquieu (Considérations sur les causes de la grandeur des romains et de leur décadence)

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