Croyance et foi

Le savoir diffère de la croyance en ce qu’il est ouvert, la réponse à une question fait surgir mille autres questions. La croyance est fermée, le croyant interdit qu’on mette le dogme en questions et à la limite, c’est lui qui vous soumet à la question (allez voir sous l’inquisition). S’il accepte, parce qu’il est bon bougre, il a réponse à tout. Poussé dans ses retranchements, il invoque le mystère.
Le croyant est psychologiquement fragile, il a besoin d’être conforté dans sa croyance en faisant des adeptes. Il est fermé à l’épreuve du réel et l’interprète à sa façon. Il a peur et en quelque sorte il est ligoté par sa peur. A l’opposé, le non croyant est ouvert à l’épreuve du réel.
Je dirais même que la croyance est le refuge de ceux qui n’ont pas la foi. La foi est en effet pour moi, affaire de confiance, profonde, totale en la vie.
La croyance a toujours un objet, la foi n’en a pas, elle vient de l’intérieur. Vous me direz que la croyance aussi vient de l’intérieur. Oui, mais elle a un objet qui vient de l’inconscient. Dieu, par exemple, est le substitut du père, c’est une réponse à l’angoisse de la solitude, du vide laissé par le père disparu (réellement ou symboliquement).
La croyance vient pour combler un vide, un attachement à l’enfance. La foi par contre accepte la solitude, mais elle émane d’une grande puissance de vie et elle emplit la solitude. C’est en quelque sorte, le plein dans le vide. Là où il y a foi, il y a absence de peur. Le réel est ce qui reste quand on a laissé derrière soi toute croyance.
Nous venons de voir que la croyance et la foi diffèrent, l’une est une réponse à la peur, l’autre une curiosité insatiable, un appétit de vivre. Mais paradoxalement, elles diffèrent et pourtant elles sont de même nature. La foi est aussi une croyance mais une croyance à l’état pur, une croyance sans objet. La croyance serait en quelque sorte un point qui se déplace entre la superstition et la foi. La croyance et la foi diffèrent en ce qu’elles sont séparées comme deux points, qui sont de même nature, mais qui diffèrent parce qu’ils sont distants l’un de l’autre. Comme un point sur une droite, la foi serait une croyance à l’infini c’est-à-dire une croyance en rien ou une croyance en tout, comme on voudra, selon qu’on est pessimiste ou optimiste.
Pour prendre une autre image, les croyances sont comme des îles. Je suis libre de passer d’une île à une autre encore faut-il que je sache nager et que je sois assez résistant pour tenir la distance. Si c’est le cas, je concrétiserai ma liberté, sinon je resterai sur l’île. Nous sommes le plus souvent plusieurs sur une île. Un jour l’un d’entre nous s’exclame: “et s’il y avait d’autres îles par delà l’horizon?” Beaucoup répondront “mais non, il n’y a qu’une île, la notre!” parce qu’ils sont peureux ou paresseux. D’autres diront “peut-être” et partiront. Ceux qui sont partis, à force d’aller d’île en île, prendront des forces, de la technique, de la confiance et un jour, ils n’auront plus envie d’une île, ils prendront leur plaisir à nager, ils seront libres, comme des dauphins.
Ceci dit, ceux qui restent sur l’île peuvent l’embellir, ( les cathédrales, les livres, les symphonies, les peintures d’inspiration religieurse) et peut être sans le vouloir, en inciter d’autres à chercher de nouvelles îles.
De ce fait, je respecte ceux qui pensent qu’il n’y a pas d’autre île que la leur, parce que je respecte leur peur ou leur faiblesse. La question est, pourquoi mettent-ils tant d’énergie à ne pas voir leur faiblesse, où trouvent-ils assez de force pour tuer ceux qui ne pensent pas comme eux?