Liberté.

A tous les esclaves qui se croient libres.
A l’amoureux transis qui se pétrifie sur lui-même.
Au travailleur acharné qui oublie d’ôter ses ornières.
A l’adolescent assoiffé d’une identité de marques.
Au consommateur repus en quête de nouveaux besoins.
Au fou qui se cache derrière un masque social.
Au moraliste qui fait taire son effrayante folie.
Au moins que rien qui noie son génie dans une liqueur de poire.
Au plus que tout qui substitue à son moins que rien, une nuée d’artifices.
Au poète désoeuvré qui se retire du monde.
Au solitaire qui dépend des autres.
A l’altruiste misanthrope.
A l’humaniste scellé sur son fauteuil.
Au sauveur de l’humanité qui ne voit même plus ses proches creuver.
Au dépressif psychologue.
A l’homme incarcéré derrière des barreaux théoriques.
Au large d’esprit qui s’éborgne au monde.
Au cynique qui vomit sur les autres sa propre laideur.
A l’intolérant qui n’existe que dans le vide de son égo.
Au conjoint comblé devenu fantôme dans son propre foyer.
A celui qui aime en refusant l’amour.
A celui qui n’aime plus mais qui reste.
Au sentimental qui ravale ses pleurs et déchire son cœur.
Au robuste qui s’effondre sur lui-même.
Au penseur claustrophobe, égaré dans son esprit.
Au beau parleur atteint de surdité.
A l’écrivain bourré de principes dictés.
Au chanteur qui tourne en boucle dans un refrain.
Au peintre qui ne se mélange pas les pinceaux et cultive l’art du monochrome.
A l’architecte de son temps bétonné.
A tout ceux qui étouffent les voies de l’imagination.
A tout ceux qui ne savent pas écouter leur révolte intérieure.
A tout ceux qui se rétractent lorsqu’il faudrait foncer.
A tout ceux qui par peur du noir fuient la lumière.
A tout ceux qui deviennent néant à force de certitudes.
Au déserteur du réel qui s’évade en esprit mais sonne le repli à l’orée de l’action.
A ce remarquable ferronnier qui excelle dans l’art de fabriquer ses propres chaînes.
A l’imposteur qui renie sa nature profonde.
Au plus bel Hypocrite que porte le monde.
A l’homme !