+ Répondre à la discussion
Page 3 sur 4
PremièrePremière 1 2 3 4 DernièreDernière
Affichage des résultats 21 à 30 sur 40

Discussion: Le Bien, le Mal et l'avenir du monde

  1. #21
    Januscream est déconnecté Renégat extatique de l'Acédie Januscream a un avenir glorieux
    Date d'inscription
    July 2004
    Localisation
    O? tu veux quand tu veux
    Messages
    365

    Par défaut Temps et anémie

    Posté par Olivier66:
    Je me prends trop la tête ? c'est ça ? Si tu pouvais m'éclairer ça serait cool, car j'ai l'impression que tu compares des tentatives de compréhension à une perte de temps, à une focalisation narcissique fate dont l'humanité n'a que faire
    Non, on ne se prend jamais la tête assez: Ce qui donne le plus à penser dans notre temps qui donne à penser, c'est que nous ne pensons pas encor..(Heidegger). Et au-delà, la tâche de la pensée est bien de se confronter au monde, afin d'en éclaircir son contenu. Mais avec Wittgenstein, j'opposerais deux perspectives:
    -la pensée appréhende les diverses formes du monde, les analyse et s'en rend maîtresse. C'est le domaine des sciences de la nature, médiatement accessible pour elle.
    -la pensée glisse sur le marbre du monde, sur un résiduellement impalpable, sur ce qui sera toujours dans son dos. Car la force de notre pensée génère sa grande faiblesse: elle est structurale et ne sait comprendre ce qui dépasse le cadre de sa structure.
    Aussi Wittgenstein ordonne-t-il de s'abstenir de vouloir contempler le monde sub specie aeterni..


    Après, les délires mégalomaniaques des puissants que tu évoques ne sont que les impertinences d'un pou face à l'abîme. Mais il y a des puissants, ces grands hommes que l'on croirait auréolés du mandat céleste. Les hommes font l'Histoire dans la mesure où c'est l'Histoire qui les mandate. Il n'y a des vents favorables que pour celui qui sait où il va. C'est là que se définissent les puissants. Le reste et l'essentiel demeure irrémédiablement le domaine incontestable du cours des choses.

  2. #22
    Olivier66 Guest

    Par défaut

    Bonjour à vous,

    Ondevirtuelle,

    Je ne peux nier la pertinence de tes propos et ne peux qu’être d’accord avec toi. Quand je parlais d’« espoir », je parlais surtout de la capacité humaine a ressentir ses propres déséquilibres et à essayer de les compenser, consciemment ou pas. Par exemple, à notre époque de la pensée unique, de la grande standardisation, il y a des mouvements qui se forment, il y a des phénomènes de tribalisation, de retour aux identités par opposition à un processus de globalisation, …

    Je ne sais pas ce que ça fera, mais je veux bien croire qu’à chaque « chose » qui se passe il se créé un contraire quelque part, une force adverse qui vise justement à apporter l’équilibre. Cela sera-t-il suffisant ? Est-ce que ça aura ne serait-ce qu’un petit impact ? Je n’en sais rien, mais je veux bien le croire, au moins un peu, quelque part dans un petit coin optimiste de mon esprit. Quand j’essaye d’imaginer le futur, je projette la situation actuelle, mais en pire, or je ne sais pas ce qui pourrait intervenir, ce qui pourrait se passer et que je ne peux même pas imaginer… la capacité créatrice de l’homme peut-être….


    Ceci dit, l’exemple encourageant de ta cousine concerne et concernera malheureusement, de moins en moins de personnes dans l’avenir. Le fossé se creuse chaque jour entre la formation d’une certaine « élite » et une majorité qui n’ont pas la possibilité d’évoluer dans cette direction (je ferai l’impasse de l’analyse exhaustive des causes).

    Ce que j’ai aussi remarqué chez mes cousines (adorables soit dit en passant), c’était la « presque » absence d’esprit critique, la difficulté à penser par soi-même sans s’appuyer sur quoi que ce soit. Je le vois parce que les rares fois où je les ai aidé dans des devoirs ou des leçons, je posais parfois des questions et si elles étaient pas dans le cours, alors c’était fini, pourtant ça ne demandait pas beaucoup de réflexion de faire un lien de cause à effet, d’extraire une nouvelle information de celles qu’elles avaient en leur possession… mais non, c’était dur de penser par soi-même et de franchir la stricte limite des cours dont elles s’abreuvent… (Et sans doute l’étais-je aussi ? je ne m’en souviens plus, même si ça ne remonte pas à très loin)


    Pour résumer, la majorité totalement désarmée subit de plein fouet l’idéologie ambiante. Si je me permets de soulever ce constat c’est qu’il résulte d’une observation quotidienne de par ma profession. J’assiste, non impuissante, depuis de nombreuses années à une confusion totale, une débâcle qui ne cesse de s’accroître. Il existe bien sûr des moyens d’actions mais ces derniers restent largement insuffisants. Ils demanderaient loin des priorités financières, une prise de conscience globale face à un fait qui devient alarmant.

    Prof peut-être ? Ca me rappelle le livre de Michea « l’enseignement de l’ignorance »… triste bilan de l’évolution de notre système éducatif. Sic. Quant à l’idéologie ambiante, je recommande un livre que je viens de commencer et qui est vraiment indispensable si l’on veut comprendre comment on en est arrivé là : « No Logo », de Naomi Klein. C’est très instructif, surtout quant à l’évolution de la publicité et de la marchandisation du monde.



    A mon sens, l’impératif de rentabilité est une de ces fameuses limites rencontrées par les théories libéralistes en ce sens qu’elle s’auto –légitime à l’intérieur du système. Tout cela était certes à prévoir mais l’expérimentation ajoute tellement de paramètres incontrôlables et ce, malgré les analyses permettant d’anticiper les effets des orientations politiques et économiques adoptées…. Bref, la mise en œuvre d’une théorie me fait penser grossièrement à une boule de neige dévalant un manteau de poudreuse.

    Oui, on peut même dire que l’économie est une sorte de « gouvernement mondial » auquel se soumettent petit à petit les nations. Une sorte de « meta-gourvernement » qui, et c’est bien là un problème, n’a de compte à rendre à aucune autorité supérieure. Par contre, je rajouterai une petite nuance, mais qui peut avoir son importance. Peut-être le système que nous avons mis en place semble aberrant, mais cela résulte plus de la manière de l’utiliser que du système lui-même… je m’explique : la situation serait aujourd’hui très différente si on avait respecté un tant soit peu certaines règles du jeu. Or, on est au contraire en pleine dérégulation, ceux qui ont du pouvoir en veulent toujours plus alors qu’un des fondements du capitalisme est au contraire la concurrence, la transparence, le respect pourrait-on dire. Peut-être ce système contient-il une possibilité de répartition des richesses, peut-être possède t’il la capacité d’enrichir un peu tout le monde ? Sans doute, le plus contestable étant qu’une minorité s’est accaparée le système dans son propre profit…

    Quant à la théorie « boule-de-neige », c’est vrai, une des originalité du capitalisme étant qu’il ne se fonde pas sur une série d’observations concrètes dont on tirerait des lois, mais sur des suppositions extrapolées. On a les idées et ensuite on les applique, histoire de voir si la théorie dit vrai. On voit bien la différence structurelle, non ?, une théorie englobe des faits desquels émergent des lois théoriques. Par contre, là, on a échafaudé une théorie qui demande à être mise en pratique pour la vérifier : par exemple, quand Adam Smith dit qu’une main invisible va automatiquement réguler les marchés, l’offre et la demande, dans un souci de concurrence qui va alors s’auto équilibrer, il énonce une loi théorique que la pratique met en défaut. La logique est inversée : on a une idée, on l’établie en loi et on la met en pratique pour la vérifier.

    Or, et sûrement à cause des intérêts de quelques-uns, elles ne se vérifient pas, la situation actuelle le prouve largement : les richesses se concentrent au lieu de se répartir, la concurrence est faussée par les trusts, on fait de l’argent en spéculant sur l’argent même, sans produire quoi que ce soit, …

    Tout ça joue beaucoup, mais dans le fond, l’idée n’était peut-être pas si mauvaise, c’est entre les mains des quelques uns qu’elle le devient, un peu comme le dicton qui dit : « ce n’est pas l’arme qui est dangereuse, c’est l’homme qui la tient ».

    Entièrement d’accord mais le nœud du problème est peut-être à rechercher (également) à l’intérieur de l’esprit humain qui tend à substituer à l’impératif de survie ou de bonheur tout simplement celui de l’ambition. Icare s’en ai brûlé les ailes !

    Et oui… tout ce que nous voyons ne tient pas tant à l’égoïsme de certains qu’à une vaste conjoncture, du système en place aux croyances actuelles (ou plutôt à l’absence de croyance), de l’esprit rationnel au matérialisme, du culte du progrès au déni de ses aberrations, …



    Januscream :

    Non, on ne se prend jamais la tête assez: Ce qui donne le plus à penser dans notre temps qui donne à penser, c'est que nous ne pensons pas encor..(Heidegger). Et au-delà, la tâche de la pensée est bien de se confronter au monde, afin d'en éclaircir son contenu. Mais avec Wittgenstein, j'opposerais deux perspectives:
    -la pensée appréhende les diverses formes du monde, les analyse et s'en rend maîtresse. C'est le domaine des sciences de la nature, médiatement accessible pour elle.
    -la pensée glisse sur le marbre du monde, sur un résiduellement impalpable, sur ce qui sera toujours dans son dos. Car la force de notre pensée génère sa grande faiblesse: elle est structurale et ne sait comprendre ce qui dépasse le cadre de sa structure.
    Aussi Wittgenstein ordonne-t-il de s'abstenir de vouloir contempler le monde sub specie aeterni..


    OK, je suis d’accord avec toi, il faut se « prendre la tête », faire soi-même un effort, c’est là que l’on avancera. Ca me renvoie à la métaphore du chemin à suivre pour trouver la « vérité »,… ce qui compte, ce n’est pas tant la réponse (il n’y en a peut-être pas) que le chemin en lui-même. La réponse n’apportera rien de plus que le chemin nous aura préparé à comprendre.

    Par contre, je n’ai jamais lu Wittgenstein, mais je le vois cité régulièrement dans des lectures. Il est comment ? Quelles idées développe t’il ? Bon, je ferai ma propre recherche, mais si tu pouvais m’éclairer un peu, tu m’as l’air bien calé dans ce domaine, merci.

    Après, les délires mégalomaniaques des puissants que tu évoques ne sont que les impertinences d'un pou face à l'abîme. Mais il y a des puissants, ces grands hommes que l'on croirait auréolés du mandat céleste.. Il n'y a des vents favorables que pour celui qui sait où il va. C'est là que se définissent les puissants. Le reste et l'essentiel demeure irrémédiablement le domaine incontestable du cours des choses.

    Ok, il serait peut-être intéressant de faire un sujet sur l’Histoire et surtout les peuples « historiques » et « anhistoriques », sur les répercussions de la conscience historique dans les développements humains, les implications psychologiques, la profonde imbrication avec la thématique du temps, … c’est passionnant ! Le seul truc qui me fait tiquer, c’est « Les hommes font l'Histoire dans la mesure où c'est l'Histoire qui les mandate », n’étant pas spécialiste, je m’en tiendrai à un point de vue et n’appellerai pas à une vérité à mes yeux incoercible, mais dire que « l’Histoire mandate les hommes », c’est faire de l’Histoire quelque chose d’extérieur à l’Homme, quelque chose qui le dépasse et à laquelle il est « soumis » en quelques sortes. C’est bizarre : l’homme écrit l’Histoire et après c’est l’Histoire qui écrit l’homme. Le fait de garder en mémoire constante la répétition des évènements est quelque chose de pesant, le rôle de l’écriture puis de la reprise du concept par les « grands » pour écrire leur histoire (leur vision, leurs exploits, …) a été un tournant déterminant dans… l’Histoire de l’humanité. L’idée est très intéressante…

    Ciao

  3. #23
    Januscream est déconnecté Renégat extatique de l'Acédie Januscream a un avenir glorieux
    Date d'inscription
    July 2004
    Localisation
    O? tu veux quand tu veux
    Messages
    365

    Par défaut dédicace pour l'île de Ré..

    Posté par Olivier66:
    Le seul truc qui me fait tiquer, c’est « Les hommes font l'Histoire dans la mesure où c'est l'Histoire qui les mandate »

    C'est pas forcément une absurdité que de dire que l'Histoire possède une quintessence propre. Tout dépend dans quelle perspective tu te situes. Dans notre cadre occidental, on nous apprend que l'Homme peut maîtriser le monde, dans une propagande technico-scientifique. Symptôme trahissant un complexe du vide.
    De l'autre côté de l'orient, la pensée se fait humble, respectueuese d'un procès des choses face auquel elle n'a que peu d'emprise.
    Attention, là aussi l'Homme a un pouvoir face aux évènements, mais un pouvoir secondaire, épiphénoménal. C'est d'abord le Ciel (sans transcendance) qui impose le cadre, cadre qui soutiendra les actions historiques des hommes.
    la pensée chinoise est une pensée du "contexte", des "circonstances", de tous ces facteurs que les occidentaux laissent de côté, car accessoires, périphériques. Mais l'accumulations de ces "temps morts" produit une force à l'oeuvre dans toutes les histoires, dans tous les procès.

    En ce sens, les grands hommes sont des enfants de circonstances favorables, qui les propulsent à un moment donné aux plus hautes places. Mais ces grands hommes ne sont pas sans mérite. Ils savent lire le cours des évènements pour se placer de façon optimale.
    Là où un Jospin abandonne le navire par orgueil, un De Gaulle avait choisi de s'écarter pour le moment, attendant patiemment que le contexte soit plus favorable (l'histoire lui a donné raison car on est venu le chercher!)

    Les grands hommes savent qu'il faut être propulsé par une force qui agit sur eux.

  4. #24
    Olivier66 Guest

    Par défaut

    Salut januscream,



    C'est pas forcément une absurdité que de dire que l'Histoire possède une quintessence propre. Tout dépend dans quelle perspective tu te situes. Dans notre cadre occidental, on nous apprend que l'Homme peut maîtriser le monde, dans une propagande technico-scientifique. Symptôme trahissant un complexe du vide.


    OK, mais juste pour préciser : je n’ai jamais dit que c’était une absurdité, je voulais juste dire que ce « rapport inversé » (l’Homme écrit l’Histoire puis l’Histoire écrit l’Homme) me renvoyait à une individualisation de l’Histoire comme influence sur l’activité des hommes et je m’étonnais de ce renversement conceptuel. Mais je comprends mieux ce que tu voulais dire maintenant, c’est très intéressant cette histoire (!) de placement « conjoncturel », où l’homme avisé, flairant l’air du temps, agit de façon orientée en réponse aux influences de son époque.

    Effectivement, dans ce sens on peut dire que l’Histoire possède une propriété propre en ce sens qu’elle contextualise les actions des hommes et les inscrit dans une continuité qui dépasse forcément les hommes, et qui engendre de facto à la fois son rapport aux hommes et son « indépendance » relative vis-à-vis d’eux…




    En ce sens, les grands hommes sont des enfants de circonstances favorables, qui les propulsent à un moment donné aux plus hautes places. Mais ces grands hommes ne sont pas sans mérite. Ils savent lire le cours des évènements pour se placer de façon optimale.
    Là où un Jospin abandonne le navire par orgueil, un De Gaulle avait choisi de s'écarter pour le moment, attendant patiemment que le contexte soit plus favorable (l'histoire lui a donné raison car on est venu le chercher!)


    Les grands hommes savent qu'il faut être propulsé par une force qui agit sur eux.

    Oui, c’est plus clair maintenant. Je vois où tu veux en venir. D’ailleurs, ça me renvoie finalement directement à une problématique assez complexe que j’ai encore du mal à saisir correctement. Tu m’as l’air d’être érudit, aussi vais-je profiter de discuter avec toi pour avoir ton avis (si tu le veux bien) : tu connais Mircea Eliade ? Bon, ce n’est pas le seul, mais il fait régulièrement référence à l’homme historique et à l’homme anhistorique (surtout le fait de populations dites « primitives ») et il met en évidence le rôle de l’histoire dans le profil « socio-psychologique » des gens (j’espère que les termes conviennent, le cas échéant tu vois de quoi je veux parler je pense).

    C’est un sujet complexe et je ne saurai en parler sans galvauder les termes ou biaiser le sens de sa réflexion, néanmoins, pour avoir étudié de nombreuses sociétés dans le monde, il parle de l’Histoire comme d’un fardeau que les peuples anhistoriques « fuient » en quelques sortes. L’émergence de la pensée historique, rappel constant des causes contextuelles qui nous ont amené ici, aurait touché la psyché des gens et aurait une influence néfaste finalement. Nous faisons remonter l’histoire à l’apparition de l’écriture, mais le phénomène existait avant par le biais des traditions orales ou des légendes qu’on se racontait au coin du feu, et leur but était le même : définir les gens en développant une conscience identitaire sur un long terme, les raccorder à quelque chose qui les dépasse, à une chaîne de conséquences dont ils participent à différents degrés, et qui leur survit (leur donnant un sentiment d’immortalité par procuration pour certains), donner des exemples, …

    Bref, il met aussi en évidence la récurrence du « temps des rêves », de ce « paradis perdu », de ce « temps idyllique » dans toutes les traditions, ce « temps rêvé » étant la période anhistorique des peuples et que l’on retrouve dans les sociétés primitives. Bien entendu, ils n’ont pas les mots pour définir ce changement ou pour l’exprimer, il n’en reste trace que dans leurs mythes qui expriment ainsi les modalités secrètes de leurs êtres de façon détournée et inconsciente. La récurrence de ces mythes du « paradis perdu » serait donc due à l’émergence d’une conscience historique qui provoque alors comme une rupture dans le développement de l’Homme, engendrant l’homme historique vivant dans des temps historiques.

    Bon, j’espère que ce n’est pas trop confus, j’aimerai avoir ton avis la dessus, et désolé si c’est un peu hasardeux comme explication, comme je l’ai dit c’est une problématique que j’essaye d’éclaircir, mais c’est vraiment galère à bien saisir…



    De l'autre côté de l'orient, la pensée se fait humble, respectueuese d'un procès des choses face auquel elle n'a que peu d'emprise.
    Attention, là aussi l'Homme a un pouvoir face aux évènements, mais un pouvoir secondaire, épiphénoménal. C'est d'abord le Ciel (sans transcendance) qui impose le cadre, cadre qui soutiendra les actions historiques des hommes.
    la pensée chinoise est une pensée du "contexte", des "circonstances", de tous ces facteurs que les occidentaux laissent de côté, car accessoires, périphériques. Mais l'accumulations de ces "temps morts" produit une force à l'oeuvre dans toutes les histoires, dans tous les procès.


    Oui, « rien ne dévie du Tao » n’est ce pas ? J’aime bien la pensée asiatique, enfin, certains courants, j’aime le fait qu’elle responsabilise l’homme quant à ses actes et ne donne pas la finalité a posteriori à quelques entités supérieures (pour certains, je ne pense pas que toutes les traditions asiatiques remplissent ce constat). Il me semble qu’à notre époque, en occident, on tend plutôt vers l’immanence… et j’aime bien lire certains philosophes qui font plutôt appel à la transcendance, qui rappelle que l’Homme doit tendre vers son dépassement, développer son potentiel et non pas se cantonner à une réalité basique.


    Ciao

    PS : Ondevirtuelle… toujours dans le coin ?

  5. #25
    OndeVirtuelle Guest

    Par défaut

    Je ne peux nier la pertinence de tes propos et ne peux qu’être d’accord avec toi. Quand je parlais d’« espoir », je parlais surtout de la capacité humaine a ressentir ses propres déséquilibres et à essayer de les compenser, consciemment ou pas. Par exemple, à notre époque de la pensée unique, de la grande standardisation, il y a des mouvements qui se forment, il y a des phénomènes de tribalisation, de retour aux identités par opposition à un processus de globalisation, …

    Je ne sais pas ce que ça fera, mais je veux bien croire qu’à chaque « chose » qui se passe il se créé un contraire quelque part, une force adverse qui vise justement à apporter l’équilibre. Cela sera-t-il suffisant ? Est-ce que ça aura ne serait-ce qu’un petit impact ? Je n’en sais rien, mais je veux bien le croire, au moins un peu, quelque part dans un petit coin optimiste de mon esprit. Quand j’essaye d’imaginer le futur, je projette la situation actuelle, mais en pire, or je ne sais pas ce qui pourrait intervenir, ce qui pourrait se passer et que je ne peux même pas imaginer… la capacité créatrice de l’homme peut-être….

    Ces mouvements auxquels tu fais allusion restent à mon sens en marge d’une pensée globalisante car ils ne sont que réactions par rapport à un schéma préétabli. Leur impact reste mesuré dans la mesure où ils émergent non pas à partir d’une logique interne mais par réaction. Ces derniers s’expriment généralement sans grande cohérence entre eux, bien que le but commun soit de renverser un ordre établi. Hormis les grandes révolutions culturelles, sociales, politiques qui regroupent un très grand nombre de personnes autour d’un objectif pensé et vécu de l’intérieur ; les nombreux groupuscules disparaissent dans l’indifférence la plus totale. Leur poids et force de conviction intérieure n’étant pas viable. Il y a bien l’art et la culture en général, qui à leur manière ont toujours reflété une certaine liberté d’esprit face aux carcans sociaux (quoique ceci dépende de la manière dont on les utilise). Puissants moyens d’expression, de dénonciations et réflexions, ils n’en demeurent pas moins impuissants face à des systèmes économiques qui avancent envers et contre tout. Pire, ces derniers sont en passe (si ce n’est pas déjà fait !!) de devenir eux- aussi une marchandise. Ils se prostituent à la loi du profit. Face à la pensée matérialiste qui tend à infiltrer tous les milieux de la société, l’Art s’établit comme un miroir pensant dénué d’impacts. Ces deux sphères coexistent dans l’indifférence la plus totale. L’une se situe du côté de l’humain et prend sa source aux confins de l’imagination, de la réflexion ; l’autre est régit selon les lois du marché et de l’économie. Afin d’atteindre un quelconque équilibre, il faudrait au préalable se demander de quelles manières ces deux domaines peuvent interagir voire coexister ?
    Pour en revenir à une réflexion plus concrète, nous pouvons constater que le partage de la culture est très inégalitaire. Sans vouloir rentrer dans une réflexion terminologique entre les concepts de « Culture » et « d’Art », ce dernier est déprécié par une société qui lui colle volontiers une image d’inutilité… Bref ! Ce n’est pas avec lui qu’on se remplit les poches (sauf s’il devient marchandise bien sûr !) Devenu un domaine sectaire ne concernant plus guère qu’une poignée d’érudits où de personnes disposant de temps (très important le temps…) , il se perd dans une sorte d’autosuffisance anéantissant du même coup ses possibilités d’action. Evidemment, il existe des courants littéraires, musicaux (pour ne pas citer le Rap…) qui tentent de dénoncer les aberrations du système. Cependant ces derniers faute d’arguments pertinents ne sont que révoltes vides. Ils sont tout au plus l’expression d’un certain malaise. La dénonciation, je pense est stérile si elle n’est pas accompagnée de réflexions objectives. Aussi pour redonner un certain poids aux créations artistiques et réflexions, il serait je pense intéressant de réfléchir sur les divers moyens permettant de diffuser ce domaine à l’ensemble de la population. Plus largement, repenser l’art dans sa globalité, le réintroduire dans nos mentalités, notre quotidien afin d’offrir, à défaut d’être spécialiste, matière à s’interroger sur le monde dans lequel nous évoluons. Quand de courts textes littéraires ou philosophiques remplaceront les slogans publicitaires…. Quand des photos d’art, des toiles se substitueront aux affiches de rue…….. Nous emprunterons certainement la voie menant vers une certaine liberté d’esprit. Bon ! je sais !! Je suis en pleine utopie là, voire en plein délire !!



    Ce que j’ai aussi remarqué chez mes cousines (adorables soit dit en passant), c’était la « presque » absence d’esprit critique, la difficulté à penser par soi-même sans s’appuyer sur quoi que ce soit. Je le vois parce que les rares fois où je les ai aidé dans des devoirs ou des leçons, je posais parfois des questions et si elles étaient pas dans le cours, alors c’était fini, pourtant ça ne demandait pas beaucoup de réflexion de faire un lien de cause à effet, d’extraire une nouvelle information de celles qu’elles avaient en leur possession… mais non, c’était dur de penser par soi-même et de franchir la stricte limite des cours dont elles s’abreuvent… (Et sans doute l’étais-je aussi ? je ne m’en souviens plus, même si ça ne remonte pas à très loin)
    Prof peut-être ? Ca me rappelle le livre de Michea « l’enseignement de l’ignorance »… triste bilan de l’évolution de notre système éducatif. Sic. Quant à l’idéologie ambiante, je recommande un livre que je viens de commencer et qui est vraiment indispensable si l’on veut comprendre comment on en est arrivé là : « No Logo », de Naomi Klein. C’est très instructif, surtout quant à l’évolution de la publicité et de la marchandisation du monde.

    Tu as, à travers cet exemple, parfaitement situé le nœud du problème. En dehors de la conjoncture actuelle qui impose une certaine manière de penser, tu soulèves ici les limites du système éducatif tel que nous le connaissons à savoir basé sur la fameuse méthode déductive (tu avais d’ailleurs bien deviné ma profession !) Je résume : cette méthode très simple et logique consiste à fournir aux élèves un ensemble de règles, de notions à intégrer (selon la discipline enseignée) qu’ils pourront ensuite appliquer ou approfondir. Plusieurs problèmes : Le mode d’apprentissage est dit « passif » et généralement en dehors du domaine étudié, la réflexion mise en œuvre dans la résolution d’un quelconque problème ou dans l’analyse, devient totalement caduque. C’est dans cette optique que de nouvelles méthodes introduisent une phase de « transfert » permettant la réutilisation d’un raisonnement à l’intérieur d’un champ d’étude totalement étranger à celui de base. D’autre part cette pédagogie ne semble pas permettre une appropriation optimale des savoirs dispensés encore que cela dépende également du mode de fonctionnement cognitif propre à chacun (visuel, auditif, tactile..). A partir de ces constats, une méthode dite « inductive » a été expérimentée sur des élèves en grande difficulté ou d’autres ayant été en situation d’échec (blocage des processus d’apprentissages) par la première. Celle-ci tend aujourd’hui à s’élargir à l’intégralité du système éducatif (sauf Fac). Son fonctionnement (que je résume à outrance) est le suivant : La phase déductive est précédée d’une recherche permettant à l’apprenant de découvrir la règle, loi par lui-même suivant un procédé d’induction. Très schématiquement, au lieu d’apprendre que 1+1=2, on transige par une réflexion consistant à élaborer les moyens d’arriver à 2. Ainsi l’élève devient actif face à la règle ou notion à intégrer puisque c’est lui qui la découvre à partir d’une réflexion concrète. Cette phase peut s’appliquer à toutes les disciplines et être ensuite suivie d’un transfert permettant d’élargir le raisonnement à l’ensemble des domaines. Sans m’appesantir sur le sujet, apprendre à réfléchir et l’appropriation des connaissances sont sans doute de bons points de départ dans la formation d’un sens critique et d’une autonomie. C’est en ce sens que l’individu se construit au-delà des schémas imposés.


    Oui, on peut même dire que l’économie est une sorte de « gouvernement mondial » auquel se soumettent petit à petit les nations. Une sorte de « meta-gourvernement » qui, et c’est bien là un problème, n’a de compte à rendre à aucune autorité supérieure.

    Excepté à l’Homme qui a lui-même échafaudé ces théories. D’ailleurs c’est encore ce dernier qui les applique et nous connaissons tous les désirs vaniteux et égoïstes qui animent certains… Peut-être aurions dû nous prendre en compte dans l’analyse des applications d’une théorie, les dimensions humaines susceptibles d’interférer au sein d’un système exempt de sentiments !


    Par contre, je rajouterai une petite nuance, mais qui peut avoir son importance. Peut-être le système que nous avons mis en place semble aberrant, mais cela résulte plus de la manière de l’utiliser que du système lui-même… je m’explique : la situation serait aujourd’hui très différente si on avait respecté un tant soit peu certaines règles du jeu. Or, on est au contraire en pleine dérégulation, ceux qui ont du pouvoir en veulent toujours plus alors qu’un des fondements du capitalisme est au contraire la concurrence, la transparence, le respect pourrait-on dire. Peut-être ce système contient-il une possibilité de répartition des richesses, peut-être possède t’il la capacité d’enrichir un peu tout le monde ? Sans doute, le plus contestable étant qu’une minorité s’est accaparée le système dans son propre profit…

    Quant à la théorie « boule-de-neige », c’est vrai, une des originalité du capitalisme étant qu’il ne se fonde pas sur une série d’observations concrètes dont on tirerait des lois, mais sur des suppositions extrapolées. On a les idées et ensuite on les applique, histoire de voir si la théorie dit vrai. On voit bien la différence structurelle, non ?, une théorie englobe des faits desquels émergent des lois théoriques. Par contre, là, on a échafaudé une théorie qui demande à être mise en pratique pour la vérifier : par exemple, quand Adam Smith dit qu’une main invisible va automatiquement réguler les marchés, l’offre et la demande, dans un souci de concurrence qui va alors s’auto équilibrer, il énonce une loi théorique que la pratique met en défaut. La logique est inversée : on a une idée, on l’établie en loi et on la met en pratique pour la vérifier.

    Dangereux comme processus, pourtant a-t-on réellement le choix ?
    Qu’il s’agisse d’Adam Smith et de sa théorie d’une « main invisible » qui régule les intérêts privés, développe la division du travail dans l’optique d’un enrichissement profitable à tous ou des théories scientifiques élaborées dans le but de sauver des vies, une part nous échappe toujours même si l’intention de base est louable ou éthique. Nous devenons tous un jour les cobayes de nos propres théories et réflexions. Certains s’en servent pour avancer, évoluer, d’autres les considèrent comme autant d’armes capables de servir leur ambition personnelle. Et quand cette dernière nie les droits fondamentaux de l’homme……… Quand la théorie devient destructrice et source de déséquilibres béants….. (je ne connais pas la suite mais ça ne présage rien de bon !)


    Or, et sûrement à cause des intérêts de quelques-uns, elles ne se vérifient pas, la situation actuelle le prouve largement : les richesses se concentrent au lieu de se répartir, la concurrence est faussée par les trusts, on fait de l’argent en spéculant sur l’argent même, sans produire quoi que ce soit, …

    Tu as l’air callé en Economie … quelles sont les diverses conséquences possibles de la spéculation?

    Tout ça joue beaucoup, mais dans le fond, l’idée n’était peut-être pas si mauvaise, c’est entre les mains des quelques uns qu’elle le devient, un peu comme le dicton qui dit : « ce n’est pas l’arme qui est dangereuse, c’est l’homme qui la tient ».
    Bein voilà !!! je ne pensais pas si bien dire…

    Et oui… tout ce que nous voyons ne tient pas tant à l’égoïsme de certains qu’à une vaste conjoncture, du système en place aux croyances actuelles (ou plutôt à l’absence de croyance), de l’esprit rationnel au matérialisme, du culte du progrès au déni de ses aberrations, …

    Ca m’intéresse ce que tu dis là …… il faudra que j’y repense !


    Amicalement
    Onde

  6. #26
    Olivier66 Guest

    Par défaut

    Salut Onde,



    Ces mouvements auxquels tu fais allusion restent à mon sens en marge d’une pensée globalisante car ils ne sont que réactions par rapport à un schéma préétabli. Leur impact reste mesuré dans la mesure où ils émergent non pas à partir d’une logique interne mais par réaction. Ces derniers s’expriment généralement sans grande cohérence entre eux, bien que le but commun soit de renverser un ordre établi. Hormis les grandes révolutions culturelles, sociales, politiques qui regroupent un très grand nombre de personnes autour d’un objectif pensé et vécu de l’intérieur ; les nombreux groupuscules disparaissent dans l’indifférence la plus totale. Leur poids et force de conviction intérieure n’étant pas viable.


    Oui, bien sûr, mais je ne faisais pas tant allusion à des mouvements « connus » ou « reconnus » qu’à cette petite étincelle qui brille dans l’œil de plus en plus de gens, sans rapport aucun avec un quelconque mouvement. De plus en plus de gens « lambda » développent un œil critique, remettent en cause l’ordre établi face à la décomposition lente et inexorable de leur vie. Pour l’instant je travaille dans le milieu du bâtiment (qui n’a rien à voir avec mes petites études, c’est en attendant et pour aider), ce que j’entends parfois me fait frémir, à croire qu’on veut les empêcher de travailler ! Beaucoup de petits ont cessé leurs activités, seuls les grosses boîtes surnagent à coup de pression sur les prix, à coup de petites économies, … Et bien dans ce vivier d’ouvriers moyens que j’ai l’occasion de côtoyer chaque jour, je suis parfois étonné des propos qu’ils tiennent ! Il y a une grosse grosse perte de confiance à l’heure actuelle, les gens sont critiques, mécontents, ils parlent de ce qui se passe dans le monde et, j’en cite un, « de l’imbécillité –patente- de ceux qui décident en dépit du bon sens ».

    Le truc que je voulais mettre en évidence, c’est que ce sentiment se répand, il y a encore quelques années ç’aurait été différent. Alors, quant à savoir ce qu’il peut bien se passer à l’avenir, je me dis que s’il y a un trop gros ras-le-bol il existera déjà un terreau critique chez bien des gens.



    Ensuite, c’est intéressant ce que tu dis sur l’art. Je sais qu’il représente un territoire qui présente encore des potentialités de liberté créatrice, mais comme tu le sous-entends si bien, combien de temps avant qu’il ne soit entièrement récupéré par le système ?


    Tu as, à travers cet exemple, parfaitement situé le nœud du problème. En dehors de la conjoncture actuelle qui impose une certaine manière de penser, tu soulèves ici les limites du système éducatif tel que nous le connaissons à savoir basé sur la fameuse méthode déductive (tu avais d’ailleurs bien deviné ma profession !)

    Cool…

    Tu as vu qu’un autre prof sortait un livre tout aussi virulent : « la fabrique de crétins » ? Il était invité à « Culture et dépendance » pour le présenter. C’était super intéressant parce qu’il était face à Jack Lang, et à d’autres intellectuels, j’attendais donc de voir les critiques qu’il ramasserait. Quel ne fût pas mon étonnement devant l’éloquent manque de retours vengeurs face aux diatribes pourtant bien salées qu’il lançait ! Ainsi donc il avait raison… M. Lang ne pouvant qu’être en désaccord avec sa manière de le dire, mais avouant dans sa barbe qu’il ne pouvait qu’être d’accord sur les principes de son pamphlet. D’ailleurs, il n’a pas vraiment trouvé à redire, ne pouvant qu’acquiescer de la déroute actuelle de notre système éducatif. Au fait, que penses-tu des IUFM et de M. Meirieux ? J’ai vu que tu as utilisé le délicieux terme « d’apprenant », tu es quoi au fait ? Un « référentiel machin-chose » ? Excuses-moi, je dis ça avec beaucoup d’ironie, cette histoire de nouveau vocabulaire m’a bien fait sourire quand c’est sorti, ça me fait d’ailleurs furieusement penser à la « novlangue » de Orwell… quel visionnaire ce mec !


    Excepté à l’Homme qui a lui-même échafaudé ces théories. D’ailleurs c’est encore ce dernier qui les applique et nous connaissons tous les désirs vaniteux et égoïstes qui animent certains… Peut-être aurions dû nous prendre en compte dans l’analyse des applications d’une théorie, les dimensions humaines susceptibles d’interférer au sein d’un système exempt de sentiments !

    Bien dit, en fait j’ai parfois l’impression que l’on s’efforce de fabriquer un système pour lui-même et que les humains se plieront à ses nécessités de fonctionnements. C’est comme tendre vers l’hyperhygiénisme et la sécurité totale… vouloir arriver à ce point là ne peut passer que par une lente totalitarisation de la société (mais mille fois plus subtile que par le passé), car il faudra astreindre tout le monde à accepter de nier sa propre humanité pour accéder à une illusoire propreté collective. Chercher à exempter de notre monde ses maux est une intention louable, mais la stricte application d’un tel programme ne pourra que le déshumaniser. Je ne connais pas la solution ni même l’alternative, mais le prix à payer pour un monde soi disant sans danger est excessivement élevé, il passe forcément par l’occultation des libertés individuelles…

    D’ailleurs, un des postulats de départ de M. Smith est que l’homme est mû par son intérêt personnel et que ses actions sont toutes entières liées et dirigées à la satisfactions de ses « besoins » égoïstes. Quand on voit notre société de « marche sur la gueule des autres avant qu’il ne marchent sur la tienne », on ne peut que constater l’efficacité de notre conditionnement… c’est terrible et même pervers, car pour peu que l’on agisse vraiment de façon altruiste, les gens vont avoir des doutes sur nos intentions ! A force de cultiver le doute de l’autre et l’individualisme forcené, l’autre est de plus en plus perçu comme un inquiétant mystère dont on ne sait ce qu’il peut nous faire. En fait, la force de la doctrine capitaliste, c’est de briser les liens sociaux en cultivant l’émancipation individuelle, et on aboutit aux familles éclatées, à la mise à l’écart des « vieux »,… bref, à la culture de son moi, point barre et ***** pour les autres.

    Pourquoi il y a-t-il de plus en plus de célibataires à notre époque ? Pourquoi les gens ne se rencontrent-ils plus assez pour trouver ce qui était une évidence il y a encore peu ? On peut dire sans trop se tromper que le carriérisme, par exemple, joue un rôle important (toute proportions gardées bien sûr). Qu’est ce que le carriérisme sinon vivre avant tout pour soi et sa propre réussite personnelle, très flatteuse en termes égotiques, en mettant de côté ou en suspend le rapport aux autres ? Ce que j’y vois, c’est un glissement des valeurs, le plus important n’étant plus la réussite de sa vie familiale ou privée mais un soi disant accomplissement professionnel, à croire que cela constitue la seule et unique source de reconnaissance. Si c’est tel est le cas à notre époque, il y a de quoi se poser des question. Vous connaissez l’origine du mot travail ? Ha...tripalium quand tu nous tiens !


    Tu as l’air callé en Economie … quelles sont les diverses conséquences possibles de la spéculation?


    Merci mais je n’ai que très peu de connaissances en économie, c’est un domaine qui m’a longtemps fait horreur. Je ne m’y intéresse que depuis peu, depuis que je me suis dit qu’il fallait essayer de comprendre un peu mieux ses rouages et sa logique pour mieux saisir la situation actuelle et en parler avec plus d’assises. Quant à la spéculation, ça amoindrit la production puisque moins d'argent participe aux flux productifs (fermeture d'usines limites rentables pour satisfaires des fonds de pensions par ex.). A quoi sert de l'argent qui va être investit à part faire des plus values sur le dos de secteurs productifs ? Leur but est d'en repartir avec plus d'argent avant que le marché ne leur indique un nouveau secteur à plus forte rentabilité. Ils délaissent l'ancien secteur qui voit son moyen de survie partir, sans compter ce qu'ils auront souffert en réduction de personnel et autres optimisations de profit, et l'argent s'en va ailleurs... et ainsi de suite. N'étant pas du tout spécialiste, j'attends plutôt qu'une bonne âme bien calée intervienne pour éclaircir tout ça, parce qu'en attendant, je ne peux dire que ce que j'en comprends.

    Au cas ou, je peux te conseiller un livre très facile à lire et littéralement passionnant : « La grande désillusion » de Joseph Stiglitz. Il est économiste de formation, universitaire et a été le conseiller économique de Bill Clinton pendant 6 ans et a été nommé directeur (ou président ou secrétaire, un truc dans le genre) de la Banque Mondiale pendant 3 ans. Il a démissionné à cause des conflits d’intérêts qui venaient pourrir le rôle que les 3 grandes institutions (OMC, FMI et BM) avaient pour tâche de mener.

    C’est intéressant car il est pour le capitalisme, pour la privatisation, il n’a pas écris un pamphlet contre le système mais contre les réseaux d’influences et les intérêts privés qui interférent avec une meilleur application. Et il n’y va pas de main morte, il dit tout haut ce que beaucoup pensent, mais sans aller dans l’excès contraire. C’est vraiment intéressant, si tu as l’occasion, lis-le.


    Et oui… tout ce que nous voyons ne tient pas tant à l’égoïsme de certains qu’à une vaste conjoncture, du système en place aux croyances actuelles (ou plutôt à l’absence de croyance), de l’esprit rationnel au matérialisme, du culte du progrès au déni de ses aberrations, …

    Ca m’intéresse ce que tu dis là …… il faudra que j’y repense !


    En fait, je voulais surtout dire que tout ne découle pas de l’action localisée d’un petit groupe mais relève aussi d’un conditionnement qui s’est mis en place depuis plus longtemps (attention, le conditionnement est nécessaire, il nous faut apprendre des us, une façon de vivre culturelle, …). Par exemple, notre pensée est directement héritée des grecs mais surtout des Lumières. Le mécanisme newtonien, le cartésianisme, l’idéologie, tout ça nous façonne depuis belle lurette. Nos réactions face à quelque chose est fonction de notre manière de penser, et une manière de penser, ça s’apprend, on ne naît pas avec l’esprit rationnel, on l’apprend et on le développe. Nous sommes donc tributaires de notre conditionnement pour juger de quelque chose et la pensée conventionnelle constitue notre socle privilégié. Pour s’en extraire ne serait-ce qu’un petit peu, il nous faut oser laisser leur chance à des idées différentes, il faut essayer de penser librement sans souffrir d’un préjugé instantané qui se surimpose automatiquement.

    Par exemple, j’aime bien parfois aborder des sujets délicats ou essayer de juger personnellement la « valeur » ou « validité » d’idées non conventionnelles (je n’ai pas d’exemples en tête). J’ai 2 réactions en face de moi d’habitude : une minorité minoritaire (vous voyez ce que je veux dire) qui essaye de penser autre chose, de jauger l’idée et d’en sortir un jugement personnel, et une grande majorité qui arrête de suite l’ébauche de discussion en disant « c’est des conneries » ou qui, constatant la mise à mal de ce qu’ils tiennent pour acquis, ne désirent pas rentrer dans ce genre de discussions. Le pire, c’est qu’ils ne se donnent même pas la peine de chercher d’autres sources de réflexions ailleurs, ils se basent unilatéralement sur ce qu’ils peuvent en savoir « conventionnellement », suivant les standards bien appris de la bien pensance en vigueur. Je n’ai rien contre ça et je respecte à 100 % leur choix, mais ce qui me gêne c’est qu’on se donne parfois le droit de juger quelque chose alors même que l’on n’a pas les outils adéquat pour bien juger… je ne dis bien entendu pas que j’ai raison et qu’ils ont tort, mais je pense laisser plus de chances aux idées alors que d’autre opposent un mur qui les préserve sans doute de bien des constats pourtant indispensables pour mieux comprendre notre monde.

    Je ne m’étale pas plus,

    Ciao
    Dernière modification par Olivier66 23/09/2005 à 16h39

  7. #27
    mycisme Guest

    Par défaut Beaudrillard§!!!!!

    Citation Posté par Olivier66
    Bonjour à tous,

    Voila, je viens de lire l’interview donnée par Jean Baudrillard au magazine chronic’arts et je souhaitais vous en faire part pour savoir ce que vous en pensiez. Afin de respecter les droits d’auteur, je ne pourrai pas le retranscrire très exhaustivement l’interview, mais vous trouverez le lien en fin de message pour pouvoir mieux réfléchir dessus.
    Voila l’intro :

    Pour Jean Baudrillard, l'éradication du Mal que représente aujourd'hui le terrorisme sous toutes ses formes, y compris dorénavant dans l'imaginaire collectif la catastrophe naturelle, est vouée à l'échec. Car cette contre-terreur, nouvel alibi de l'"axe du Bien" (l'Occident) en lutte contre un hypothétique "axe du Mal" nous entraîne vers une issue plus néfaste encore, celle d'une apocalypse du Bien. Autrement dit, le Mal absolu.

    Ce qui est intéressant dans ses premiers commentaires, c’est qu’il met en avant une inversion des valeurs, rappelant que l’Occident se pare des couleurs du Bien et agit en son nom sans voir que dans ses excès, parfois dans son absurdité, il produit aussi une réversion qui le transforme en son exact contraire. En extrapolant, on peut constater notre manière d’agir dans le monde à l’heure actuelle et les contestations toujours plus nombreuses à l’égard du représentant n°1 de l’Occident, les USA qui campent sur une position presque « chevaleresque » sans prendre conscience des relents finalement méprisants qu’ils inspirent au reste du monde…

    Plus loin, Jean Baudrillard recadre la terminologie actuelle de certains dirigeants :

    C'est un Mal que la société a généralisé, qu'elle a absolutisé. Le concept clé est celui de "l'axe du Mal". On l'a découvert comme axe, c'est-à-dire comme une espèce de conjuration maléfique, pas seulement morale cette fois […] Mais on le projette sur le Mal, on crée un axe du Mal imaginaire pour mieux justifier l’axe du Bien, ce qui est une erreur stratégique. Car lorsqu’on cherche à viser le Mal en son axe introuvable, quand on le combat militairement, en frontal, on ne peut que le manquer.

    De son point de vue, la notion d’« axe du mal » tient plus d’une volonté des dirigeants « du bien » de justifier leurs agissements, de définir ce contre quoi ils engendrent ces souffrances.

    Or la puissance mondiale, celle de l'Occident – au-delà des Etats-Unis qui en est l’archétype -, n'a pas de réponse symbolique au terrorisme. Car le terrorisme met en jeu sa propre mort dans ses actes de destruction suicidaire. La puissance mondiale ne peut pas répondre à ce désir de mort par la mise en jeu de sa propre mort. Elle répond, au nom du Bien contre l'axe du Mal, par l'extermination physique, militaire…[…] Depuis peut-être un siècle, l'Occident a travaillé à la dégradation de ses propres valeurs, à les éliminer, à les abolir. Abolir tout ce qui fait que quelque chose, quelqu'un ou une culture a une valeur.

    Ne peut-on comprendre alors l’apparente impuissance de nos sociétés à combattre ses fléaux ? La pensée libérale et le système capitaliste ont sans nul doute fait considérablement avancer l’humanité, ils ont engendré nombre de mouvement de libération, aboli l’esclavage, augmenté l’espérance et le niveau de vie, donné accès à l’instruction, ont libéré l’Homme de ses préjugés religieux, familiaux dans un but égoïste clairement mentionné dès Adam Smith. Mais ne peut-on aussi constater qu’en cassant ce qui a permis à l’humanité d’arriver jusqu’ici, on aboutit aux familles éclatées, à l’individualisme forcené, à la culture de son ego, à l’oubli des personnes âgées, à la professionnalisation du système éducatif, à la rationalisation de la vie, au désenchantement du monde, … J’ai lu une fois que si le monde entier vivait selon le modèle américain, les ressources de la terre seraient épuisées en 7 ans !!! Désire t’on réellement amener ce modèle à l’ensemble de la planète ? Non, c’est impossible, et pour que ce système marche encore pour nous, il nous faut maintenir les autres pays dans leur situation actuelle. On voit déjà que l’ouverture de la Chine fait trembler l’Occident… alors qu’ils ne font que reprendre nos propres recettes !

    Mais je m’éloigne du sujet. Donc, peut-être que cet alibi dont se réclame l’Occident à combattre les forces du mal le renvoie à sa propre « déchéance » (toute proportions gardées), à ses propres problèmes qui le pousse à une démarche « jusqu’auboutiste » dans le but de se maintenir au même niveau aberrant dont la survie tient à la globalisation de ses propres abus ? Le seul et très gros problème qui se profile et qui est mentionné est donc que cette fois-ci il s’attaque à une chimère, sans corps, sans position géographique, reflet terrifiant des évolutions de nos sociétés de l’information et des réseaux…

    L’Occident ayant détruit ses propres valeurs, il se retrouve au degré zéro de la puissance symbolique, et par une espèce de retour, c’est ce degré zéro qu’il veut imposer à tous […] Le terrorisme met en jeu la mort des terroristes, geste d’une puissance symbolique énorme, et l’Occident lui répond par son impuissance totale.


    En fait, il développe l’idée selon laquelle toute lutte contre le système est quasi-impossible car il assimile tout, même les mouvements contestataires. A qui profite le système qui se met globalement en place ? Sommes-nous victimes ou complices ? A la fois coupables et irresponsables ? Le pouvoir n’a plus de lieu, plus de représentants, même le G8 se balade d’années en années dans le monde, symbole de l’impossibilité à localiser le nouveau pouvoir : pour qui décident les dirigeants qui se réunissent ainsi ? Pour leur pays ? Pour les patrons ? Pour les industriels ? Pour les multinationales ? Pour les gens ? Pour tout ça en même temps ? Baudrillard met en évidence la grave problématique d’une hégémonie sans nom ni visage : notre rapport au pouvoir a changé et l’espèce d’impuissance à réagir engendre cynisme et ironie quant à la grande mascarade dont nous sommes chaque jour témoins. Pire : on vit les changements, on les subit, mais personne ne sait vraiment ce que servent ces changements, qui décide et surtout quelle est la finalité à tout ça.

    Qui penserait se soulever ? Contre quoi ? Contre qui ? Et pour faire quoi d’autre ? Quelles seraient les alternatives ? L’extrême difficulté à envisager autre chose ou à répondre humainement à ces questions reflète ce caractère d’impuissance propre à notre époque. Nous allumons la télé et constatons l’aberrant, nous demandant quelle est la finalité d’une société humaine qui envisage même sa propre destruction ne serait-ce qu’en s’en donnant les moyens ! On cultive la peur, on fait naître l’insécurité chez les gens pour mieux les contenir, pour anesthésier les velléités rebelles et on leur donne la société des loisirs, du spectacle, négociant l’impunité contre un confort rassurant que les gens ont trop peur de perdre pour ne pas se retrouver face à la triste réalité d’une vie sans qualité…
    Baudrillard revient sur cette notion d’impuissance, de contrôle sans nom ni lieu :

    Oui, on est en plein dedans. L'ère de l'hégémonie c'est celle du Cyber système. Ça gouverne, ça régule, mais ça ne domine pas. Il n'y a plus d'exploités ou de dominés, c'est autre chose, c'est beaucoup plus difficile à prendre à revers. C’est plus difficile à critiquer aussi, car la pensée critique est dès lors dévitalisée. Elle est absorbée, comme une victime par ailleurs condamnée à s’exprimer dans le vide, sinon à se vider elle-même de toute substance…

    L’idée soulevée est que nous sommes dépassés par le système que nous avons mis en place. A force de trop l’imbriquer dans tout et pour tout, à force d’une trop grande dépendance vis-à-vis de lui, on est comme aspiré par le vide qu’il créé lui-même devant lui, comme un vortex, le rendant incontrôlable. On ne le détermine plus mais on agit en fonction de ses déterminants, la fin est connue et c’est comme si l’on n’y pouvait rien à par constater ce qu’il produit. Comme il le dit : « C’est le vertige, non pas des conditions initiales, mais des conditions finales ».


    Finalement, c’est de l’évolution même de l’Homme dont il est question. Cette espèce de direction que nous prenons presque malgré nous nous mènera t’elle à un changement de perspective ? Que sera l’homme du futur tel que nous contribuons à le définir à notre époque ? Poursuivre une évolution dans l’artificiel et le virtuel tel que nous en définissons les grandes lignes actuellement ? Mais qu’est ce qui fait l’humanité de l’Homme ? Doit-on se battre pour un respect et un développement de notre genre ou répondre à nos déviances par l’éradication de notre dimension symbolique ? Comme se le demande Baudrillard, « La question est de savoir si on attache une valeur symbolique forte à l'espèce humaine en tant que telle »…


    Il s'agit plus ici de l'anéantissement que de la disparition. Disparaître, c'est tout un art. Là, je parlerais plutôt de l'extermination, du moins de l'espèce dans sa spécificité, de l'Humain dans sa définition. L’espèce humaine a duré ce qu'elle a duré, mais elle a vécu. Je ne dis pas ça pour nier rétrospectivement toutes ses valeurs, elles ont eu leurs principes, leur raison d’être, leur âge d'or. Seulement aujourd'hui ces valeurs sont inversées.



    A ce point là, je vous conseille de lire l’interview en entier :

    http://www.chronicart.com/mag/mag_article.php3?id=1306


    Pour résumer la problématique du topic :

    Pensez-vous qu’à force de faire du mal au nom du Bien pour lutter contre un « Mal » soi-disant localisé, notre société désagrège petit à petit ce qui faisait encore leur différence* ? Et quelle peut être la portée d’une possible indistinction entre ces deux notions fondamentales, bases essentielles des actions de l’Homme ?

    *entre le Bien et le Mal


    Ciao

    le bien et le mal existent : à chaque fois qu'un être nuit volontairment à un autre OU lui apporte. lA QUESTION QUE BEAUDRILLARD écarte comme toujours par snobisme intellectuel c'est à dire fausse rigueur réthorique et donc sophisme, la vraie question. uN PHILOSOPHE PEUT JOUER LES SOPHISTE? UN POLITIQUE OU UNN CITOYEN DOIT LUI FAIRE JOUER SA PRAXIS
    cE QUI EN QUESTION C'EST LE MAL DU MAL; vOLTAIRE EN A PARLE ET AUSSI MIGUEL DE UNAMUNNO; ne pas chatier le mal c'est aller contre le bien ? non pas le bien en soit et le mal en soit mais encore une fois :il s'agit d'un être humain face à un autre.
    ARRIVER à plus grand malheur pour régler ses comptes à celui qui joue contre la vie, c'est déséspérant car on engage d'autres que soit. MAIS l'hisoire de l'humanité est le résultat de ces salloperies sur les salloperies;
    les deux cent mille brulés vifs de Dresdesont les objets de la lutte contre le mal hitler.
    SI L4ON JOUE DU BEAUDRILLARD? on déhumannise la planète et cela l'arrange bien qui souhaite la disparition du moi : la plus grosse connerie moderne!
    nous n'avons le choix qu'entre fermer les yeux et agir. cHACUN fait ce pour quoi il est né.

  8. #28
    mycisme Guest

    Par défaut Beaudrillard§!!!!!

    Citation Posté par Olivier66
    Bonjour à tous,

    Voila, je viens de lire l’interview donnée par Jean Baudrillard au magazine chronic’arts et je souhaitais vous en faire part pour savoir ce que vous en pensiez. Afin de respecter les droits d’auteur, je ne pourrai pas le retranscrire très exhaustivement l’interview, mais vous trouverez le lien en fin de message pour pouvoir mieux réfléchir dessus.
    Voila l’intro :

    Pour Jean Baudrillard, l'éradication du Mal que représente aujourd'hui le terrorisme sous toutes ses formes, y compris dorénavant dans l'imaginaire collectif la catastrophe naturelle, est vouée à l'échec. Car cette contre-terreur, nouvel alibi de l'"axe du Bien" (l'Occident) en lutte contre un hypothétique "axe du Mal" nous entraîne vers une issue plus néfaste encore, celle d'une apocalypse du Bien. Autrement dit, le Mal absolu.

    Ce qui est intéressant dans ses premiers commentaires, c’est qu’il met en avant une inversion des valeurs, rappelant que l’Occident se pare des couleurs du Bien et agit en son nom sans voir que dans ses excès, parfois dans son absurdité, il produit aussi une réversion qui le transforme en son exact contraire. En extrapolant, on peut constater notre manière d’agir dans le monde à l’heure actuelle et les contestations toujours plus nombreuses à l’égard du représentant n°1 de l’Occident, les USA qui campent sur une position presque « chevaleresque » sans prendre conscience des relents finalement méprisants qu’ils inspirent au reste du monde…

    Plus loin, Jean Baudrillard recadre la terminologie actuelle de certains dirigeants :

    C'est un Mal que la société a généralisé, qu'elle a absolutisé. Le concept clé est celui de "l'axe du Mal". On l'a découvert comme axe, c'est-à-dire comme une espèce de conjuration maléfique, pas seulement morale cette fois […] Mais on le projette sur le Mal, on crée un axe du Mal imaginaire pour mieux justifier l’axe du Bien, ce qui est une erreur stratégique. Car lorsqu’on cherche à viser le Mal en son axe introuvable, quand on le combat militairement, en frontal, on ne peut que le manquer.

    De son point de vue, la notion d’« axe du mal » tient plus d’une volonté des dirigeants « du bien » de justifier leurs agissements, de définir ce contre quoi ils engendrent ces souffrances.

    Or la puissance mondiale, celle de l'Occident – au-delà des Etats-Unis qui en est l’archétype -, n'a pas de réponse symbolique au terrorisme. Car le terrorisme met en jeu sa propre mort dans ses actes de destruction suicidaire. La puissance mondiale ne peut pas répondre à ce désir de mort par la mise en jeu de sa propre mort. Elle répond, au nom du Bien contre l'axe du Mal, par l'extermination physique, militaire…[…] Depuis peut-être un siècle, l'Occident a travaillé à la dégradation de ses propres valeurs, à les éliminer, à les abolir. Abolir tout ce qui fait que quelque chose, quelqu'un ou une culture a une valeur.

    Ne peut-on comprendre alors l’apparente impuissance de nos sociétés à combattre ses fléaux ? La pensée libérale et le système capitaliste ont sans nul doute fait considérablement avancer l’humanité, ils ont engendré nombre de mouvement de libération, aboli l’esclavage, augmenté l’espérance et le niveau de vie, donné accès à l’instruction, ont libéré l’Homme de ses préjugés religieux, familiaux dans un but égoïste clairement mentionné dès Adam Smith. Mais ne peut-on aussi constater qu’en cassant ce qui a permis à l’humanité d’arriver jusqu’ici, on aboutit aux familles éclatées, à l’individualisme forcené, à la culture de son ego, à l’oubli des personnes âgées, à la professionnalisation du système éducatif, à la rationalisation de la vie, au désenchantement du monde, … J’ai lu une fois que si le monde entier vivait selon le modèle américain, les ressources de la terre seraient épuisées en 7 ans !!! Désire t’on réellement amener ce modèle à l’ensemble de la planète ? Non, c’est impossible, et pour que ce système marche encore pour nous, il nous faut maintenir les autres pays dans leur situation actuelle. On voit déjà que l’ouverture de la Chine fait trembler l’Occident… alors qu’ils ne font que reprendre nos propres recettes !

    Mais je m’éloigne du sujet. Donc, peut-être que cet alibi dont se réclame l’Occident à combattre les forces du mal le renvoie à sa propre « déchéance » (toute proportions gardées), à ses propres problèmes qui le pousse à une démarche « jusqu’auboutiste » dans le but de se maintenir au même niveau aberrant dont la survie tient à la globalisation de ses propres abus ? Le seul et très gros problème qui se profile et qui est mentionné est donc que cette fois-ci il s’attaque à une chimère, sans corps, sans position géographique, reflet terrifiant des évolutions de nos sociétés de l’information et des réseaux…

    L’Occident ayant détruit ses propres valeurs, il se retrouve au degré zéro de la puissance symbolique, et par une espèce de retour, c’est ce degré zéro qu’il veut imposer à tous […] Le terrorisme met en jeu la mort des terroristes, geste d’une puissance symbolique énorme, et l’Occident lui répond par son impuissance totale.


    En fait, il développe l’idée selon laquelle toute lutte contre le système est quasi-impossible car il assimile tout, même les mouvements contestataires. A qui profite le système qui se met globalement en place ? Sommes-nous victimes ou complices ? A la fois coupables et irresponsables ? Le pouvoir n’a plus de lieu, plus de représentants, même le G8 se balade d’années en années dans le monde, symbole de l’impossibilité à localiser le nouveau pouvoir : pour qui décident les dirigeants qui se réunissent ainsi ? Pour leur pays ? Pour les patrons ? Pour les industriels ? Pour les multinationales ? Pour les gens ? Pour tout ça en même temps ? Baudrillard met en évidence la grave problématique d’une hégémonie sans nom ni visage : notre rapport au pouvoir a changé et l’espèce d’impuissance à réagir engendre cynisme et ironie quant à la grande mascarade dont nous sommes chaque jour témoins. Pire : on vit les changements, on les subit, mais personne ne sait vraiment ce que servent ces changements, qui décide et surtout quelle est la finalité à tout ça.

    Qui penserait se soulever ? Contre quoi ? Contre qui ? Et pour faire quoi d’autre ? Quelles seraient les alternatives ? L’extrême difficulté à envisager autre chose ou à répondre humainement à ces questions reflète ce caractère d’impuissance propre à notre époque. Nous allumons la télé et constatons l’aberrant, nous demandant quelle est la finalité d’une société humaine qui envisage même sa propre destruction ne serait-ce qu’en s’en donnant les moyens ! On cultive la peur, on fait naître l’insécurité chez les gens pour mieux les contenir, pour anesthésier les velléités rebelles et on leur donne la société des loisirs, du spectacle, négociant l’impunité contre un confort rassurant que les gens ont trop peur de perdre pour ne pas se retrouver face à la triste réalité d’une vie sans qualité…
    Baudrillard revient sur cette notion d’impuissance, de contrôle sans nom ni lieu :

    Oui, on est en plein dedans. L'ère de l'hégémonie c'est celle du Cyber système. Ça gouverne, ça régule, mais ça ne domine pas. Il n'y a plus d'exploités ou de dominés, c'est autre chose, c'est beaucoup plus difficile à prendre à revers. C’est plus difficile à critiquer aussi, car la pensée critique est dès lors dévitalisée. Elle est absorbée, comme une victime par ailleurs condamnée à s’exprimer dans le vide, sinon à se vider elle-même de toute substance…

    L’idée soulevée est que nous sommes dépassés par le système que nous avons mis en place. A force de trop l’imbriquer dans tout et pour tout, à force d’une trop grande dépendance vis-à-vis de lui, on est comme aspiré par le vide qu’il créé lui-même devant lui, comme un vortex, le rendant incontrôlable. On ne le détermine plus mais on agit en fonction de ses déterminants, la fin est connue et c’est comme si l’on n’y pouvait rien à par constater ce qu’il produit. Comme il le dit : « C’est le vertige, non pas des conditions initiales, mais des conditions finales ».


    Finalement, c’est de l’évolution même de l’Homme dont il est question. Cette espèce de direction que nous prenons presque malgré nous nous mènera t’elle à un changement de perspective ? Que sera l’homme du futur tel que nous contribuons à le définir à notre époque ? Poursuivre une évolution dans l’artificiel et le virtuel tel que nous en définissons les grandes lignes actuellement ? Mais qu’est ce qui fait l’humanité de l’Homme ? Doit-on se battre pour un respect et un développement de notre genre ou répondre à nos déviances par l’éradication de notre dimension symbolique ? Comme se le demande Baudrillard, « La question est de savoir si on attache une valeur symbolique forte à l'espèce humaine en tant que telle »…


    Il s'agit plus ici de l'anéantissement que de la disparition. Disparaître, c'est tout un art. Là, je parlerais plutôt de l'extermination, du moins de l'espèce dans sa spécificité, de l'Humain dans sa définition. L’espèce humaine a duré ce qu'elle a duré, mais elle a vécu. Je ne dis pas ça pour nier rétrospectivement toutes ses valeurs, elles ont eu leurs principes, leur raison d’être, leur âge d'or. Seulement aujourd'hui ces valeurs sont inversées.



    A ce point là, je vous conseille de lire l’interview en entier :

    http://www.chronicart.com/mag/mag_article.php3?id=1306


    Pour résumer la problématique du topic :

    Pensez-vous qu’à force de faire du mal au nom du Bien pour lutter contre un « Mal » soi-disant localisé, notre société désagrège petit à petit ce qui faisait encore leur différence* ? Et quelle peut être la portée d’une possible indistinction entre ces deux notions fondamentales, bases essentielles des actions de l’Homme ?

    *entre le Bien et le Mal


    Ciao

    le bien et le mal existent : à chaque fois qu'un être nuit volontairment à un autre OU lui apporte. lA QUESTION QUE BEAUDRILLARD écarte comme toujours par snobisme intellectuel c'est à dire fausse rigueur réthorique et donc sophisme, la vraie question. uN PHILOSOPHE PEUT JOUER LES SOPHISTES UN POLITIQUE OU UNCITOYEN DOIT LUI FAIRE JOUER SA PRAXIS
    cE QUI EN QUESTION C'EST LE MAL DU MAL; vOLTAIRE EN A PARLE ET AUSSI MIGUEL DE UNAMUNNO; ne pas chatier le mal c'est aller contre le bien ? non pas le bien en soit et le mal en soit mais encore une fois :il s'agit d'un être humain face à un autre.
    ARRIVER à plus grand malheur pour régler ses comptes à celui qui joue contre la vie, c'est déséspérant car on engage d'autres que soit. MAIS l'hisoire de l'humanité est le résultat de ces salloperies sur les salloperies;
    les deux cent mille brulés vifs de Dresdesont les objets de la lutte contre le mal hitler.
    SI L'ON JOUE DU BEAUDRILLARD? on déhumannise la planète et cela l'arrange bien qui souhaite la disparition du moi : la plus grosse connerie moderne!
    nous n'avons le choix qu'entre fermer les yeux et agir. cHACUN fait ce pour quoi il est né.

  9. #29
    OndeVirtuelle Guest

    Par défaut

    Hello Olivier[B]

    Oui, bien sûr, mais je ne faisais pas tant allusion à des mouvements « connus » ou « reconnus » qu’à cette petite étincelle qui brille dans l’œil de plus en plus de gens, sans rapport aucun avec un quelconque mouvement. De plus en plus de gens « lambda » développent un œil critique, remettent en cause l’ordre établi face à la décomposition lente et inexorable de leur vie. Pour l’instant je travaille dans le milieu du bâtiment (qui n’a rien à voir avec mes petites études, c’est en attendant et pour aider), ce que j’entends parfois me fait frémir, à croire qu’on veut les empêcher de travailler ! Beaucoup de petits ont cessé leurs activités, seuls les grosses boîtes surnagent à coup de pression sur les prix, à coup de petites économies, … Et bien dans ce vivier d’ouvriers moyens que j’ai l’occasion de côtoyer chaque jour, je suis parfois étonné des propos qu’ils tiennent ! Il y a une grosse grosse perte de confiance à l’heure actuelle, les gens sont critiques, mécontents, ils parlent de ce qui se passe dans le monde et, j’en cite un, « de l’imbécillité –patente- de ceux qui décident en dépit du bon sens ».

    Le truc que je voulais mettre en évidence, c’est que ce sentiment se répand, il y a encore quelques années ç’aurait été différent. Alors, quant à savoir ce qu’il peut bien se passer à l’avenir, je me dis que s’il y a un trop gros ras-le-bol il existera déjà un terreau critique chez bien des gens.

    Il est vrai que l’esprit critique tend à se développer chez certains et l’histoire nous a souvent prouvé que les grandes mutations sociales émergeaient à la base du mécontentement et mouvements de la classe ouvrière (sans oublier les étudiants !). Ceci dit, la perte de confiance des ouvriers concerne avant tout aujourd’hui leurs conditions de travail (et j’en profite ici pour légèrement bifurquer, puisque cela concerne directement le milieu où j’exerce, et dénoncer l’exploitation subie par les apprentis dont quelques patrons n’assurent absolument pas leur rôle de formateur et emploient des jeunes dans le seul but de toucher la taxe d’apprentissage. Après on peut toujours se demander pourquoi certains adolescents se laissent aller à la dérive !!) Je reprends ! La perte de confiance concerne les conditions de travail et la perte d’un pouvoir d’achat dans une société où la qualité de vie est en chute libre. Ce mécontentement, par ailleurs ressenti par la grande majorité de la population toutes classes confondues, reste relatif à mon sens. Sa légitimité se fonde sur la recherche d’un bien-être personnel. Aussi, je ne perçois en rien dans ce ras-le-bol général lié aux réalités économiques un quelconque moyen de s’extraire du chao dans lequel la planète se trouve. Il est vrai que le monde ouvrier a toujours été très dur. Cependant, dans les Pays développés, beaucoup d’améliorations ont vu le jours. Hormis quelques entreprises clandestines évoluant dans le soubassement de l’économie parallèle, nous sommes bien loin des esclaves d’Egyptes, d’Afrique, d’Asie (qui eux soit dit en passant existent toujours) voire des conditions de travail dépeintes avec merveille par Emile Zola. Le problème est ailleurs… Les personnes vivant dans la précarité sont paradoxalement les plus imprégnées par l’idéologie matérialiste qui hante nos pays. Ces derniers sont les premières cibles et victimes du rêve imposé par les règles du marketing. Par conséquent leur révolte est en relation directe avec le système actuel (société de consommation) et si elle se justifie à cette échelle, celle-ci n’a pas lieu d’être face au désastre humain qui se joue dans le monde. Par ailleurs, je reste très pessimiste lorsque je constate l’absence de recul et l’ignorance qui sévit chez bon nombre de personnes. Je vais te fournir un exemple concret : combien de mes élèves ne savent rien de la seconde guerre mondiale (et quand je dis rien, je pèse mes mots…) ? Combien ne connaissent pas le sens des mots démocratie, dictature ? Combien pense que les pays sous-développés sont pauvres parce que leurs habitants sont paresseux ? (Ces questions que je lance, te fournissent j’espère une petite idée du fléau) En revanche, combien connaissent la dernière console de jeux sortie ou paire de basket en vogue…. !! Loin d’être une plaisanterie, j’enseigne dans un monde de préjugé et d’ignorance complète face à la manière dont fonctionne notre planète. Un monde esclave de la pensée matérialiste, en permanente insatisfaction….Et pourtant, ces jeunes ne sont pas inintelligents, ni même exempts de réelles qualités. C’est d’ailleurs ici que se fonde ma lueur d’espoir…. Bref, le nœud du problème est de cet ordre. Tant que l’on n’aidera pas ces personnes à ôter leurs ornières, le monde continuera à tourner à l’envers. Tant qu’ on ne leur offrira pas l’opportunité de se construire un véritable « sens critique » expression de la liberté, les injustices perdureront. Ceci dit, peut-être y a-t-il, dans la logique capitaliste, un certain intérêt à entretenir cet état de fait ? Pourtant qu’avons-nous vraiment à gagner dans ce phénomène ?

    Au fait, que penses-tu des IUFM et de M. Meirieux ? J’ai vu que tu as utilisé le délicieux terme « d’apprenant », tu es quoi au fait ? Un « référentiel machin-chose » ?

    Maintenant pour en revenir à ma profession, ce que je pense de Monsieur Meyrieux (Bible de l’enseignant !!! De très bonnes choses quand-même), de l’IUFM qui cultive l’art de la masturbation intellectuelle au lieu d’apprendre à enseigner (enfin à mon époque c’était comme ça), n’a que peu d’importance face à la réalité des choses. Les référentiels (qui je dois l’avouer tendent à s’améliorer, mais ce serait un long sujet), la terminologie en vogue « apprenant » ; « formateur ; référent » (et j’en passe…) sont autant de délires théoriques en parfaite inadéquation face à la recrudescence de l’écriture phonétique, de l’analphabétisme, de l’illettrisme. L’urgence ne me semble plus être dans les beaux discours (qui peuvent avoir de la valeur en dehors du fléau) mais dans la prise de conscience et dans l’action.


    Ensuite, c’est intéressant ce que tu dis sur l’art. Je sais qu’il représente un territoire qui présente encore des potentialités de liberté créatrice, mais comme tu le sous-entends si bien, combien de temps avant qu’il ne soit entièrement récupéré par le système ?


    Je suis quelque part convaincue qu’il peut constituer un formidable outil de médiation pour l’appréhension de notre monde et des divers systèmes qui interagissent. Un excellent moyen de fournir un sens critique voire de faire sauter des blocages face à l’expression écrite ou orale (ateliers d’écriture, débats sur l’analyse d’une œuvre…). Quelques soient les lacunes et le niveau des élèves, l’Art au sens large du terme (littérature, poésie, musique, peinture…) recèle une infinité de potentialités. Derrière ce dernier se cache les reflexions et les questions qui ont animées l’homme depuis toujours et qui continuent d’être plus que jamais d’actualité aujourd’hui. Sans l’imposer de manière académique, le biais de la création artistique est un excellent levier de la connaissance et de l’apprentissage de la tolérance. D’autre part, il possède la faculté de briser bon nombre de préjugés et c’est en ce sens qu’il est une grande leçon d’humanité et d’humilité. Sa récupération dans notre quotidien est à mon avis essentielle.


    Tu as vu qu’un autre prof sortait un livre tout aussi virulent : « la fabrique de crétins » ? Il était invité à « Culture et dépendance » pour le présenter. C’était super intéressant parce qu’il était face à Jack Lang, et à d’autres intellectuels, j’attendais donc de voir les critiques qu’il ramasserait. Quel ne fût pas mon étonnement devant l’éloquent manque de retours vengeurs face aux diatribes pourtant bien salées qu’il lançait ! Ainsi donc il avait raison… M. Lang ne pouvant qu’être en désaccord avec sa manière de le dire, mais avouant dans sa barbe qu’il ne pouvait qu’être d’accord sur les principes de son pamphlet. Orwell… quel visionnaire ce mec !

    Je n'ai pas vu l'émission mais j'ose imaginer! Sinon pour Orwell Big Brother nous regarde! Oui c'était un vrai visionnaire...


    Bien dit, en fait j’ai parfois l’impression que l’on s’efforce de fabriquer un système pour lui-même et que les humains se plieront à ses nécessités de fonctionnements. C’est comme tendre vers l’hyperhygiénisme et la sécurité totale… vouloir arriver à ce point là ne peut passer que par une lente totalitarisation de la société (mais mille fois plus subtile que par le passé), car il faudra astreindre tout le monde à accepter de nier sa propre humanité pour accéder à une illusoire propreté collective. Chercher à exempter de notre monde ses maux est une intention louable, mais la stricte application d’un tel programme ne pourra que le déshumaniser. Je ne connais pas la solution ni même l’alternative, mais le prix à payer pour un monde soi disant sans danger est excessivement élevé, il passe forcément par l’occultation des libertés individuelles…


    La stricte application de n’importe quelle théorie engendre inévitablement la déshumanisation voire la désensibilisation et comme tu le précises une « lente totalitarisation de la société ».
    Il me semble que toute doctrine comporte un danger inhérent si elle n’est pas confrontée à d’autres systèmes mais surtout mise aux mains de personnes intègres. Le brassage théorique paraît être une condition première à l’équilibre, un moyen de lutter contre la toute puissance de schèmes empiriques même si à la base ces derniers sont « justes » et conçus afin de servir l’humanité.



    D’ailleurs, un des postulats de départ de M. Smith est que l’homme est mû par son intérêt personnel et que ses actions sont toutes entières liées et dirigées à la satisfactions de ses « besoins » égoïstes. Quand on voit notre société de « marche sur la gueule des autres avant qu’il ne marchent sur la tienne », on ne peut que constater l’efficacité de notre conditionnement… c’est terrible et même pervers, car pour peu que l’on agisse vraiment de façon altruiste, les gens vont avoir des doutes sur nos intentions ! A force de cultiver le doute de l’autre et l’individualisme forcené, l’autre est de plus en plus perçu comme un inquiétant mystère dont on ne sait ce qu’il peut nous faire.
    En fait, la force de la doctrine capitaliste, c’est de briser les liens sociaux en cultivant l’émancipation individuelle, et on aboutit aux familles éclatées, à la mise à l’écart des « vieux »,… bref, à la culture de son moi, point barre et ***** pour les autres.

    Pourquoi il y a-t-il de plus en plus de célibataires à notre époque ? Pourquoi les gens ne se rencontrent-ils plus assez pour trouver ce qui était une évidence il y a encore peu ? On peut dire sans trop se tromper que le carriérisme, par exemple, joue un rôle important (toute proportions gardées bien sûr). Qu’est ce que le carriérisme sinon vivre avant tout pour soi et sa propre réussite personnelle, très flatteuse en termes égotiques, en mettant de côté ou en suspend le rapport aux autres ? Ce que j’y vois, c’est un glissement des valeurs, le plus important n’étant plus la réussite de sa vie familiale ou privée mais un soi disant accomplissement professionnel, à croire que cela constitue la seule et unique source de reconnaissance.


    Même si ce que tu dis est exact concernant « l’individualisme forcené », je pense par ailleurs que nous n’avons pas eu à attendre le capitalisme ni même la mise en exergue de cet « égoïsme » pour demeurer un mystère à nous-même et aux autres.
    « Il est également vrai, et qu’un homme est un dieu pour un autre homme, et qu’un homme est aussi un loup pour une autre homme. » T. Hobbes
    J’irais jusqu’à émettre l’hypothèse que certains avantages sont à tirer de ce culte de l’individu. En effet, il peut permettre l’émergence d’une connaissance plus exacte de ce que nous sommes et qui dit connaissance, dit meilleure maîtrise. Les sciences (médecine, psychologie, neurologie etc.…) nous permettent de mieux appréhender la nature de l’humain. Sans chercher à la domestiquer (dérive scientifique) nous parviendrons peut-être un jour à mieux cerner les pulsions qui nous animent afin de les prendre en compte dans les théories que nous bâtissons.
    Enfin, tu me parles de la perte des valeurs ainsi que de l’ambition démesurée présente chez de plus en plus de personnes. Ces constats sont-ils directement responsables de la l’amoindrissement des contacts humains ?
    Une fois encore, je suis d’accord sur le fond. Une disparition complète des valeurs serait susceptible d’engendrer une dangereuse anarchie. Paradoxalement, cette individualisation me paraît comporter des aspects positifs. Les schémas dans lesquels nous évoluons depuis toujours sont emprunt de l’air du temps. Ils se traduisent selon les époques par un ensemble de règles (religieuses, sociales) constituant une norme à appliquer. Seulement, si leurs fondements sont valables, ils peuvent également représenter de véritables carcans auxquels il faut tenter d’échapper si nous ne voulons pas vivre dans une perpétuelle culpabilité. Si nous reprenons l’exemple des familles éclatées, une question me vient immédiatement à l’esprit : Doit-on rester en couple sous prétexte que cet acte corresponde à la norme sociale ? Les modèles induits par la morale rencontre également leurs limites. Rester en couple sous prétexte que c’est « bien », c’est le chemin à suivre n’a aucune valeur humaine dans le fond. Le nombre d’adultères (phénomène ayant toujours existé) en témoigne. Par conséquent, l’individualisme entendu comme une écoute de ses aspirations et une sincérité envers soi-même (et les autres) amène l’individu vers une relative liberté en le dégageant du fardeau des règles préconçues « faut vous dire Monsieur que chez ces gens là, on ne vit pas Monsieur, on ne vit pas, on triche… ». Et les personnes qui restent en couple aujourd’hui (car il y en a quand même !) seront au moins pourquoi elles restent ! Bref, par amour et non parce que c’est comme ça que nous devons faire. Pour conclure, je dirais qu’il s’agit encore une fois d’une histoire d’équilibre. Equilibre entre les canons de la moralité et de la personne dans ce qu’elle a de plus singulier.




    Et oui… tout ce que nous voyons ne tient pas tant à l’égoïsme de certains qu’à une vaste conjoncture, du système en place aux croyances actuelles (ou plutôt à l’absence de croyance), de l’esprit rationnel au matérialisme, du culte du progrès au déni de ses aberrations, …

    En fait, je voulais surtout dire que tout ne découle pas de l’action localisée d’un petit groupe mais relève aussi d’un conditionnement qui s’est mis en place depuis plus longtemps (attention, le conditionnement est nécessaire, il nous faut apprendre des us, une façon de vivre culturelle, …). Par exemple, notre pensée est directement héritée des grecs mais surtout des Lumières. Le mécanisme newtonien, le cartésianisme, l’idéologie, tout ça nous façonne depuis belle lurette. Nos réactions face à quelque chose est fonction de notre manière de penser, et une manière de penser, ça s’apprend, on ne naît pas avec l’esprit rationnel, on l’apprend et on le développe. Nous sommes donc tributaires de notre conditionnement pour juger de quelque chose et la pensée conventionnelle constitue notre socle privilégié. Pour s’en extraire ne serait-ce qu’un petit peu, il nous faut oser laisser leur chance à des idées différentes, il faut essayer de penser librement sans souffrir d’un préjugé instantané qui se surimpose automatiquement.

    Entièrement de ton avis. Ces « conditionnements » constructeurs et fondateurs de la pensée sont la condition de leur dépassement par la confrontation à notre réalité et à celle du monde qui nous entoure.


    Par exemple, j’aime bien parfois aborder des sujets délicats ou essayer de juger personnellement la « valeur » ou « validité » d’idées non conventionnelles (je n’ai pas d’exemples en tête). J’ai 2 réactions en face de moi d’habitude : une minorité minoritaire (vous voyez ce que je veux dire) qui essaye de penser autre chose, de jauger l’idée et d’en sortir un jugement personnel, et une grande majorité qui arrête de suite l’ébauche de discussion en disant « c’est des conneries » ou qui, constatant la mise à mal de ce qu’ils tiennent pour acquis, ne désirent pas rentrer dans ce genre de discussions. Le pire, c’est qu’ils ne se donnent même pas la peine de chercher d’autres sources de réflexions ailleurs, ils se basent unilatéralement sur ce qu’ils peuvent en savoir « conventionnellement », suivant les standards bien appris de la bien pensance en vigueur. Je n’ai rien contre ça et je respecte à 100 % leur choix, mais ce qui me gêne c’est qu’on se donne parfois le droit de juger quelque chose alors même que l’on n’a pas les outils adéquat pour bien juger… je ne dis bien entendu pas que j’ai raison et qu’ils ont tort, mais je pense laisser plus de chances aux idées alors que d’autre opposent un mur qui les préserve sans doute de bien des constats pourtant indispensables pour mieux comprendre notre monde.

    Il faut de tout pour faire un monde mais il est en effet très dommage de voir parfois des murs d’élever car aucune discussion et échange n’est possible en ce sens. Nous avons besoin de toutes les personnalités pour s’enrichir. De l’érudit aveugle au monde au révolté dénué de culture (ce qui ne veut pas dire sans intelligence ! J’y tiens). Du génie égaré dans ces théories à l’artiste de rue. En passant par toutes les catégories intermédiaires, chacun apporte une brique à la pensée et leur noblesse s’exprime à l’intérieur de l’acte créatif. C’est sur ces différences fondamentales que nous nous rapprochons chaque jour un peu plus de la vérité. Encore faut –il qu’il y ait un minimum d’ouverture !
    Et je terminerais en citant cette magnifique phrase de Karl Jasper Les grands philosophes : « Les présupposés et les schèmes intellectuels typiques d’une époque sont comme les vêtements historiques des questions éternelles ».


    A bientôt Onde

  10. #30
    Olivier66 Guest

    Par défaut

    Bonjour à vous,

    Mycisme, bienvenue sur le forum.



    le bien et le mal existent : à chaque fois qu'un être nuit volontairment à un autre OU lui apporte. lA QUESTION QUE BEAUDRILLARD écarte comme toujours par snobisme intellectuel c'est à dire fausse rigueur réthorique et donc sophisme, la vraie question. uN PHILOSOPHE PEUT JOUER LES SOPHISTE? UN POLITIQUE OU UNN CITOYEN DOIT LUI FAIRE JOUER SA PRAXIS
    cE QUI EN QUESTION C'EST LE MAL DU MAL; vOLTAIRE EN A PARLE ET AUSSI MIGUEL DE UNAMUNNO; ne pas chatier le mal c'est aller contre le bien ? non pas le bien en soit et le mal en soit mais encore une fois :il s'agit d'un être humain face à un autre.
    ARRIVER à plus grand malheur pour régler ses comptes à celui qui joue contre la vie, c'est déséspérant car on engage d'autres que soit. MAIS l'hisoire de l'humanité est le résultat de ces salloperies sur les salloperies;
    les deux cent mille brulés vifs de Dresdesont les objets de la lutte contre le mal hitler.
    SI L4ON JOUE DU BEAUDRILLARD? on déhumannise la planète et cela l'arrange bien qui souhaite la disparition du moi : la plus grosse connerie moderne!
    nous n'avons le choix qu'entre fermer les yeux et agir. cHACUN fait ce pour quoi il est né.




    Apparemment, tu abordes l’article de façon très large… tu m’as l’air calé en philo…, il y a toutefois un point ou deux qui me gêne un peu : certes on peut sans doute reprocher à Baudrillard un certain « snobisme intellectuel » (mais qui je pense touche pas mal d’intellectuel, tout simplement), on peut aussi recadrer historiquement le rôle de cette notion de « mal » ou les prédécesseurs de Baud’ qui ont aussi traité du « mal », mais j’ai finalement l’impression que tu passes un peu à côté de l’article. Ce n’est pas une critique, ce que tu as dit était légitime, c’est juste que tu ne dis finalement pas ce que tu penses des concepts qu’il aborde à travers la justification étasunienne de se fonder sur le Bien pour soi disant combattre le mal, ce qui s’effectue en parallèle par des agissements pour lesquelles ils ont eux-mêmes décidé ce qu’était le bien sans avoir de reconnaissance extérieure/internationale : c’est surtout cet unilatéralisme dans la vertu et les dessous puants que ça dissimule (mal) qui sont importants.

    Je suis d’accord avec toi à propos du « jeu de Baudrillard », c’est clair qu’il s’affirme comme un des principaux penseurs postmodernes avec son cortège de pessimisme… mais sa pensée n’est pas la seule et l’unique, elle vient compléter à sa manière une vision plus large. Il faut certes rester critique dans ce genre de lecture, mais les concepts qu’il développe sont, je pense, pertinents et apportent en complément des outils de compréhension qui ne sont pas à négliger… m’enfin, de mon avis bien sûr.




    Salut Onde,


    Ce mécontentement, par ailleurs ressenti par la grande majorité de la population toutes classes confondues, reste relatif à mon sens. Sa légitimité se fonde sur la recherche d’un bien-être personnel. Aussi, je ne perçois en rien dans ce ras-le-bol général lié aux réalités économiques un quelconque moyen de s’extraire du chao dans lequel la planète se trouve.


    Oui, d’accord, je comprends ce que tu veux dire… effectivement ça restera une remise en question individuelle, ponctuelle, quand une situation engendrera ce sentiment, ça n’est pas généralisable à une réflexion plus globale sur des questions de fond…


    Par ailleurs, je reste très pessimiste lorsque je constate l’absence de recul et l’ignorance qui sévit chez bon nombre de personnes. Je vais te fournir un exemple concret : combien de mes élèves ne savent rien de la seconde guerre mondiale (et quand je dis rien, je pèse mes mots…) ? Combien ne connaissent pas le sens des mots démocratie, dictature ? Combien pense que les pays sous-développés sont pauvres parce que leurs habitants sont paresseux ? (Ces questions que je lance, te fournissent j’espère une petite idée du fléau) En revanche, combien connaissent la dernière console de jeux sortie ou paire de basket en vogue…. !! Loin d’être une plaisanterie, j’enseigne dans un monde de préjugé et d’ignorance complète face à la manière dont fonctionne notre planète.

    Je commence à avoir une idée plus précise, oui… je comprends que tu peux te baser sur ton expérience, ce qui est encore plus douloureux j’imagine que théoriser à partir de quelques exemples…


    Un monde esclave de la pensée matérialiste, en permanente insatisfaction….Et pourtant, ces jeunes ne sont pas inintelligents, ni même exempts de réelles qualités. C’est d’ailleurs ici que se fonde ma lueur d’espoir…. Bref, le nœud du problème est de cet ordre. Tant que l’on n’aidera pas ces personnes à ôter leurs ornières, le monde continuera à tourner à l’envers. Tant qu’ on ne leur offrira pas l’opportunité de se construire un véritable « sens critique » expression de la liberté, les injustices perdureront. Ceci dit, peut-être y a-t-il, dans la logique capitaliste, un certain intérêt à entretenir cet état de fait ? Pourtant qu’avons-nous vraiment à gagner dans ce phénomène ?

    Un intérêt à maintenir cet état de fait ? Je vais te dire ce que Jean-Claude Michéa rapporte dans son livre « L’enseignement de l’ignorance » (p.47), je te laisse seule juge :

    « C’est ainsi, par exemple, qu’en septembre 1995, sous l’égide de la fondation Gorbatchev, « cinq cents hommes politiques, leaders économiques et scientifiques de premier plan », constituant à leurs yeux l’élite du monde durent se réunir à l’Hôtel Fairmont de San Francisco pour confronter leurs vues sur le destin de la nouvelle civilisation. Etant donné son objet, ce forum était naturellement placé sous le signe de l’efficacité la plus stricte : « des règles rigoureuses forcent tous les participants à oublier la rhétorique. Les conférenciers disposent tout juste de 5 minutes pour introduire un sujet : aucune intervention lors des débats ne doit durer pus de 2 minutes ». Ces principes de travail une fois définis, l’assemblée commença par reconnaître – comme une évidence qui ne mérite pas d’être discutée – que, « dans le siècle à venir, deux dixièmes de la population active suffiraient à maintenir l’activité de l’économie mondiale ». Sur des bases aussi franches, le principal problème politique que le système capitaliste allait devoir affronter au cours des prochaines décennies put donc être formulé dans toute sa rigueur : comment serait-il possible, pour l’élite mondiale, de maintenir la gouvernabilité des quatre-vingts pour cent d’humanité surnuméraire dont l’inutilité a été programmée par la logique libérale ?
    La solution qui, au terme du débat, s’imposa, comme la plus raisonnable, fut celle proposée par Zbigniew Brzenzinski* sous le nom de tittytainment. Par ce mot valise, il s’agissait tout simplement de définir un « cocktail de divertissement abrutissant et d’alimentation suffisante permettant de maintenir de bonne humeur la population frustrée de la planète ». Cette analyse, cynique et méprisante, a évidemment l’avantage de définir, avec toute la clarté souhaitable, le cahier des charges que les élites mondiales assignent à l’école du 21ème siècle.


    (*ancien conseiller de Jimmy Carter et fondateur en 1973 de la « trilatérale », club encore plus impénétrable que le Siècle et qui regroupait en 1992 environ 350 membres américains, européen et japonais et qui constitue un des lieux où s’élaborent les idées et stratégies de l’internationale capitaliste).



    Voila, je préfère m’arrêter là, ce passage m’avait l’air de répondre à tes interrogations. Il parle de « Siècle », mais aussi de « Trilatérale », qui sont des clubs « semi secrets », mais tu peux aussi faire une recherche sur « L’European Round Table » (qui n’est pas une chimère, ils ont leur site Internet et son président fait une brève déclaration ici :

    http://www.bnpparibas.com/fr/actuali...de=PSON-57PESU )


    Je suis quelque part convaincue qu’il peut constituer un formidable outil de médiation pour l’appréhension de notre monde et des divers systèmes qui interagissent. Un excellent moyen de fournir un sens critique voire de faire sauter des blocages face à l’expression écrite ou orale (ateliers d’écriture, débats sur l’analyse d’une œuvre…). Quelques soient les lacunes et le niveau des élèves, l’Art au sens large du terme (littérature, poésie, musique, peinture…) recèle une infinité de potentialités. Derrière ce dernier se cache les reflexions et les questions qui ont animées l’homme depuis toujours et qui continuent d’être plus que jamais d’actualité aujourd’hui. Sans l’imposer de manière académique, le biais de la création artistique est un excellent levier de la connaissance et de l’apprentissage de la tolérance. D’autre part, il possède la faculté de briser bon nombre de préjugés et c’est en ce sens qu’il est une grande leçon d’humanité et d’humilité. Sa récupération dans notre quotidien est à mon avis essentielle.


    Oui, je suis d’accord, l’art exprime et « enseigne » les modalités secrètes de l’Homme. Il permet de transmettre quelque chose qu’une autre méthode ne pourrait peut-être pas…


    La stricte application de n’importe quelle théorie engendre inévitablement la déshumanisation voire la désensibilisation et comme tu le précises une « lente totalitarisation de la société ».
    Il me semble que toute doctrine comporte un danger inhérent si elle n’est pas confrontée à d’autres systèmes mais surtout mise aux mains de personnes intègres. Le brassage théorique paraît être une condition première à l’équilibre, un moyen de lutter contre la toute puissance de schèmes empiriques même si à la base ces derniers sont « justes » et conçus afin de servir l’humanité.


    Oui tout à fait. D’ailleurs, c’est bien un des principaux problèmes à l’heure actuelle, l’absence d’alternative, l’absence de confrontation avec un autre système comme tu le dis justement. C’est aussi ça qui effraie, à terme, il n’y aura plus d’espace différent, tout sera soumis au même système, partout. C’est cette espèce de direction unilatérale, sans autre option qui a mené certains à prophétiser « la fin de l’Histoire ». On sait, plus ou moins, où on va, mais tout le monde est voué à y aller, il y a de moins en moins… « d’échappatoire » en quelques sortes, on se conforte dans une direction dont on connaît quelques conséquences, mais on est « piégé » dedans, il n’y a ni contrepoids, ni alternative et on s’attache à gommer les quelques espaces encore différents.


    J’irais jusqu’à émettre l’hypothèse que certains avantages sont à tirer de ce culte de l’individu. En effet, il peut permettre l’émergence d’une connaissance plus exacte de ce que nous sommes et qui dit connaissance, dit meilleure maîtrise. Les sciences (médecine, psychologie, neurologie etc.…) nous permettent de mieux appréhender la nature de l’humain. Sans chercher à la domestiquer (dérive scientifique) nous parviendrons peut-être un jour à mieux cerner les pulsions qui nous animent afin de les prendre en compte dans les théories que nous bâtissons.


    A propos des « avantages à tirer de ce culte de l’individu », peut-être, je ne sais pas. Mais il me semble que le plus grossier glissement de valeur que cela opère s’attaque à un des fondements de l’homme : si avant on se demandait « qui on était » (pas texto, mais cette question renvoie à moult comportements ou réflexions que l’on peut avoir de sa vie et de soi-même), aujourd’hui la question par excellence est « de quoi ai-je l’air ? », car, malheureusement, le culte de l’individu n’implique pas de questionnement de fond, la forme peut suffire.


    Quant à jeter un pont entre culte de l’individu est approche scientifique, je ne serai pas aussi compréhensif, le culte de l’individu s’attache à l’homme qui s’intéresse beaucoup à lui-même, et pas forcément en profondeur donc, alors que les sciences ont pour sujet l’Homme, il n’y aurait guère que la psychologie pour prendre en considération la dimension égocentrée d’une réflexion superficielle sur soi-même. Leur enseignement peuvent certes nous renseigner sur la nature de l’homme, mais le culte de l’individu appartiendrait, de mon point de vue bien sûr, à une dimension culturelle, on adopte ce point de vue égocentré parce que c’est un modèle culturellement diffusé, vendu en quelques sortes. A ce niveau là, je ne peux que conseiller le livre « NO LOGO » de Naomi Klein, qui décrypte de façon admirable les procédés employés pour vendre un « style de vie » et une réflexion toute faite au public attentif.


    Enfin, tu me parles de la perte des valeurs ainsi que de l’ambition démesurée présente chez de plus en plus de personnes. Ces constats sont-ils directement responsables de la l’amoindrissement des contacts humains ?


    Disons que les 2 sont reliés, notre mode de vie engendre une perte des valeurs, une ambition grandissante (à l’instar du culte de la célébrité de plus en plus présente dans la jeunesse, certains en arrivant à croire que la seule reconnaissance que l’on peut avoir passe par une médiatisation en vue de la célébrité) et un amoindrissement des rapports humains. C’est presque logique, si le gage de notre réussite ne passe que par soi-même, le rôle dévolu aux autres ne peut que s’amoindrir ou s’effectuer d’un point de vue intéressé voire superficiel, un peu comme un « moyen de » et non plus comme une finalité en soi.


    Si nous reprenons l’exemple des familles éclatées, une question me vient immédiatement à l’esprit : Doit-on rester en couple sous prétexte que cet acte corresponde à la norme sociale ? Les modèles induits par la morale rencontre également leurs limites. Rester en couple sous prétexte que c’est « bien », c’est le chemin à suivre n’a aucune valeur humaine dans le fond. Le nombre d’adultères (phénomène ayant toujours existé) en témoigne. Par conséquent, l’individualisme entendu comme une écoute de ses aspirations et une sincérité envers soi-même (et les autres) amène l’individu vers une relative liberté en le dégageant du fardeau des règles préconçues « faut vous dire Monsieur que chez ces gens là, on ne vit pas Monsieur, on ne vit pas, on triche… ». Et les personnes qui restent en couple aujourd’hui (car il y en a quand même !) seront au moins pourquoi elles restent ! Bref, par amour et non parce que c’est comme ça que nous devons faire. Pour conclure, je dirais qu’il s’agit encore une fois d’une histoire d’équilibre. Equilibre entre les canons de la moralité et de la personne dans ce qu’elle a de plus singulier.


    Oui, la question est ardue et n’appelle pas à une solution simple. Il est vrai que nombre de familles n’ont tenu que par la grâce d’un étouffant système conventionné des rapports humains, et surtout familiaux. Le libéralisme a fait sauté ce couvercle, ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose, loin de là et comme tu dis l’adultère a toujours été là, de même que les prostituées par exemple (je dis ça car si je me souviens bien, le pourcentage d’hommes mariés qui y vont est tout simplement énorme).

    Effectivement, je pense que l’on ne doit pas s’astreindre pour répondre à une norme sociale. Tout le problème venant justement qu’une réflexion égocentrée doit être, forcément, amoindrie quand on se met en couple, on crée une entité à 2, les desiderata personnels se doivent d’être délayés, sinon « construire quelque chose à 2 » perd son sens. A fortiori si l’on a un enfant. J’ai un ami, 25 ans, qui a un enfant d’une fille qui, 3 semaines après son accouchement, à littéralement pété un câble. Elle s’est complètement recentrée sur elle-même, sur ses envies, ce qu’elle voudrait faire, …

    Résultat : ils sont séparés depuis, et s’ils sont allés à l’encontre d’une certaine norme sociale, ils s’étaient engagés pour eux et surtout pour l’enfant qu’ils ont eu. Oui il est pus facile de se séparer à notre époque et je préfère qu’ils se soient séparés plutôt que de vivre dans une ambiance délétère. Mais quand on place son individualité avant (je veux un enfant) et après (finalement je veux aussi faire ça et ça), alors on comprends que se mettre en couple relève plus que d’un simple assujettissement à une norme.

    Donc je te suis, c’est plus question d’un équilibre à trouver entre canons de la moralités et singularité individuelle.


    Et je terminerais en citant cette magnifique phrase de Karl Jasper Les grands philosophes : « Les présupposés et les schèmes intellectuels typiques d’une époque sont comme les vêtements historiques des questions éternelles ».

    C’est superbe, franchement. Je vais l’apprendre, je trouve qu’elle synthétise parfaitement tout un pan de réflexion pourtant ardu.

    Ciao

+ Répondre à la discussion

Règles de messages

  • You may not post new threads
  • You may not post replies
  • You may not post attachments
  • You may not edit your posts