Les longs passants.



Qui sont les longs passants qui parcourent la ville
Au crépuscule, en parenthèses, dans l’éclat des néons ?
Sans espoir de retour et de mots murmurés
De longs impers chargés de pluie et de remords

Ils ne demandent rien et n’osent s’emporter
Ils n’ont plus de chagrin, plus d’amour à garnir
Sous de vagues murailles ils tardent à s’engloutir
Leurs yeux s’accrochent encore à de chaudes lucarnes

Ils parcourent sans cesse les artères du monde
Les mains inoccupées comme des promesses vides
Leurs pensées dans des sacs accrochés à leurs flancs
De vieilles pensées jaunies comme des dentelles bistres

Ils s’éloignent sans cesse de l’aube renaissante
L’aquarelle ne fait plus vibrer leurs corps glacés
Ils semblent s’excuser d’être là… Au matin…
Où le soleil dévoile enfin leur infortune.

Est-ce de la compassion ou de la peur coupable ?
Les badauds du marché s’écartent avec horreur
Et la pitié malsaine fait injure aux marcheurs
Les vagabonds de l’ombre, pèlerins de nulle part…

Lorsque débarque enfin le soir ultime et lourd
A force de marcher, l’épuisement les gagne
Les longs impers trempés sont devenus cuirasses
A force d’avancer, que cesse la bataille…

Vous dansiez, m’a-t-on dit, naguère à l’opéra
Dans les feux chatoyants de vos jeunes années
Vos godillots percés, sur le trottoir s’animent
De pas imaginés dans l’ombre du ruisseau…

Qui sont les longs passants qui parcourent la ville
Au crépuscule, en parenthèses, dans l’éclat des néons ?
Sans espoir de retour et de mots murmurés
De longs impers chargés de pluie et de remords.