
Posté par
jankrisb
C'est bien beau d'intégrer Dieu à l'amour. Ca permet en effet d'obtenir de chouettes définitions de l'amour, de lui attribuer une majuscule, de le sacraliser et de le détacher noblement de la soit disant sordide activité sexuelle.
Sauf que... l'existence de dieu demeure ultra hypothétique. Plus encore, en matière de production d'hypothèses, celle de l'existence de dieu fait partie de celles qui sont les plus audacieuses, les plus fantasmagoriques et donc... des moins rigoureuses. Ajoutons qu'aucune démarche rationnelle ne permet de la valider. Gardons nous donc d'appuyer quoi que ce soit sur une telle hypothèse, du moins si nous voulons être un peu rigoureux, et même si certains trouveront que l'amour y perd un peu de sa superbe.
Allons plus loin : si l'amour n'a rien de divin, alors on peut revenir vers le sexe sans peur de se salir les mains. La dissociation soigneuse qu'opèrent certains entre amour et sexe me sidère un peu, surtout quand elle fait mine de s'appuyer sur le texte de Platon. Evidemment, la position idéaliste nous pousse à imaginer Platon éloigné des turpitudes hormonales et du remplissage de corps caverneux. Pour autant, affirmer que l'amour est aspiré par son propre idéal ne dispense pas l'amoureux de décoller depuis un pas de lancement. Sans sexe, pas d'amour. La dialectique platonicienne nous le montre aussi bien que les théories de la sublimation chez Freud. Séparer ainsi le sexe de l'amour lui enlèverait son moteur premier : le plaisir. J'aime quelqu'un quand je sens que les moments passés avec cette personne sont des moments de plaisir, voire de bonheur (mais lier bonheur et amour de maniere indissoluble condamne sans doute l'amour vécu à être irrémédiablement insatisfaisant et incomplet). De la même manière qu'en arrivant dans une nouvelle classe d'école on sentait que tel autre enfant allait nous accompagner de manière plaisante pendant l'année scolaire, nous sentons que telle ou telle personne va nous accompagner de manière plaisante dans cette vie. Et ce plaisir comprend le sexe, même si des siècles de judéo-christianisme nous ont habitués à trouver cette source de plaisir un peu louche. Il n'y a là rien de louche, le sexe est encore la meilleure manière de tisser des liens entre les gens et de constituer des communautés, (n'en déplaise à ceux qui se demandent toujours sur quoi peut bien se fonder la communauté gay). Le sexe ne suffit pas, bien sûr, parce qu'il ne constitue pas la totalité de la réalité humaine, ni individuelle, ni universelle. Mais retirer le sexe de l'amour c'est amputer celui-ci de son membre moteur, si j'ose dire, et le rendre infirme.
Revenons un peu à cette phrase centrale dans le Banquet : "Le désir et la poursuite de tout s'appelle l'amour". L'amour ne supporte donc aucune soustraction, pas même celle du sexe. Il ne supporterait sans doute pas non plus qu'on gonfle ce "tout" jusqu'à ce qu'il devienne "l'universel", il semble donc difficile de vouloir faire entrer un concept tel que celui de "dieu" au sein même de l'amour, sous peine de voir celui ci devenir impossible, et exploser.