Le fou, le sage


La période était bleue, la solitude immense,
Lumineuse, la nuit de Montmartre était une parenthèse
Quand, plus haut que les fumées et les rires, Pablo,
Tu inventas l’Espagne, dans les feux du Chat-Noir.

Tu naviguais, peuplé de rêves ovales et roses,
Formes aux contours abrupts du jour naissant, masques
Rudes, tourmentés par le froid pénétrant, tes escales
Immobiles encore, bateau-lavoir sans eau courante…

Que me disent tes demoiselles, la puissance brute de
L’émotion intacte, et tes visages, miettes de soleil
De ta vision aiguë, et ta face-profil
Posant une énigme moderne…

La période était grise, le désespoir hurlant
Obscur, le ciel de Guernica était comme un linceul
Quand, plus fort que les pleurs et les femmes en deuil, Pablo
Tu créas un espace, dans nos mémoires figées.

Le fou ? Le sage ?
Qu’importe…
Tu dessines à jamais, nos paysages intérieurs.