Cher François, bonsoir.
Je sais qu’il n’y avait pour Averroès aucune autre raison que celle de l’unicité divine qui l’avait amené à problématiser la question de l’éternité de l’univers en la mettant face à l’éternité de Dieu, et je sais aussi que cette problématisation a principalement trait à la conscience et à la subjectivité d’Averroès. Car, tout comme pour les soufis qui, faisant état de l’ébahissement spirituel qu’ils appellent "al-hayra" face à l’impossibilité pour leur esprit d’atteindre Dieu au regard de Son unicité, arrivent au point de perdre leur conscience subjective dans leur cheminement spirituel, Averroès s’est retrouvé face au même souci d'attester l'unicité divine mais sur le terrain de la pensée rationnelle.
Comme dit le proverbe, après moi le déluge ! Je ne vois aucune autre raison qu’une obsession voire même une perversion à se soucier de l’éternité de soi ou de quelque autre chose que ce soit. Quelle qu’ait été l’intelligence d’Averroès, je suis persuadé que s’il était encore vivant il ne se serait pas permis en sa qualité de musulman de se considérer être la source de l’intelligence. Etant conscient de ce que je dis de moi-même, je ne vois aucun mal à ce que je disparaisse de l’existence, libre à quiconque de croire que la disparition de l’existence serait une anomalie voire une abomination, mais moi je n’y vois aucun problème. Quant au problème que pose [la conscience de] la mort, ça, c’est une autre question que nous pourrions évidemment discuter si le cœur t'en dit, d'ailleurs je doute que tu puisse être intéressé par ma mort personnelle, comme je doute que je puisse être intéressé par la tienne, je me demande bien de la mort de quel sujet pourrions-nous parler, je te laisse le soin de poser les premiers jalons.
Cordialement.