Provient du message de GWF
Je vous soumets un étonnement :
Imaginons une machine très sophistiquée et capable de reproduire l'exacte identique l'oeuvre d'un grand peintre. Il ne s'agirait pas d'une photocopie de bonne qualité, mais bien d'un tableau avec ses aplats de couleurs, sa toile, son relief... On peut même imaginer que la machine puisse vieillir artificiellement les teintes, de telle sorte que les deux tableaux soient absolument identiques.
Et pourtant, personne n'acceptera de payer le même prix pour les deux, personne ne dira que la seconde est un chef d'oeuvre.
Réponse à une première objection évidente :
On dire que c'est parce que la machine imite, recopie, mais n'invente pas.
Certes, mais l'on peut très bien imaginer une machine encore plus performante qui invente des milliards de tableaux, dont l'un soit, par hasard, plus tard, identiquement reproduit par un peintre de génie.
Or, là encore, on tiendra l'oeuvre humaine pour artistique, et pas la première...
Pourquoi ?
J'attrappe la discussion en route, quelques uns ont laissé entendre qu'elle tournait en rond, aussi j'espère que l'on ne me tiendra pas rigueur d'accomplir le cercle et de repartir du commencement...
En fait il me semble que l'impasse à laquelle vous êtes arrivés tient à ce que les prémisses étaient un peu faussées. Elle n'était pas mauvaise votre objection, GWF, qui arguait de l'invention contre la reproduction pour définir la part d'art de l'oeuvre. J'ai survolé un peu l'ensemble des messages et constaté que vous en veniez à poser la question de l'essence de l'oeuvre d'art, à savoir : qu'est ce qui différencie l'oeuvre d'une chose. Tendance à croire que c'est justement son arrachement, son irréductibilité à du déjà donné, à ce qu'elle réprésente, et à une technique quelconque. Ce que peut-être, approximativement, pour faire vite, l'on peut rassembler sous ce mot d'invention.
Si l'on reprend votre première hypothèse, l'on comprend que la copie de l'oeuvre humaine, si parfaite soit-elle, par la machine, ne fasse pas oeuvre, puisqu'elle ne serait que du déjà donné (du fait même de cette perfection, de cette identité rigoureuse posée comme hypothèse entre l'oeuvre humaine et la machinale).
Que maintenant l'on envisage la contre-objection que vous portez à votre objection première. C'est ici qu'il y a fourvoiement. Je ne crois pas que, dans les nouvelles conditions que vous indiquez, cette "oeuvre humaine" reproduction parfaite de quelqu'une des machinales puisse jamais être reçue comme oeuvre d'art. Comme cela a été dit, toute production humaine ne fait pas oeuvre ! Celle ci ne le pourrait certes pas, puisque, en tant que reproduction parfaite, l'argument est le même que pour au dessus, on ne retrouve pas cette condition de possibilité de l'oeuvre qu'est l'irréductibilité à du déjà donné. L'hypothétique artiste ne serait plus "de génie", il ne ferait que prendre la place qu'occupait la merveilleuse machine de la première hypothèse...(l'on pourrait mettre en avant les talents de copistes...mais la mimesis n'a jamais fait le génie, et c'est encore plus manifeste à l' "ère de la reproductibilité technique", ère dans laquelle votre hypothèse nous place nécéssairement.)
Reste les créations de la machine. Quand même celle ci inventerait des milliards de tableaux différents, ceux ci, en tant que résultats d'un processus machinal, et donc réductibles à un procès, à une technique ne sauraient présenter d'autre valeur que celle d'une production à la chaîne.
(Hum, pardon pour la tartine...)