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Discussion: Universités et Recherche : le déclin

  1. #1
    Fulcanelli Guest

    Par défaut Universités et Recherche : le déclin

    Bonjour,

    Voici un rebond écrit par Claude Allègre dans le Libé de ce jour. Soumis à vos commentaires. Cela dit, ne pas oublier qu'il s'agit d'un politicien et que son analyse porte sur le souci des gouvernants face au système des savoirs. Moi qui connais bien ce système, je pourrais faire une critique interne afin d'établir les responsabilités locales, notamment celle des gestionnaires, bureaucrates et fonctionnaires du savoir qui jugent des recrutements.


    L'Europe, la mondialisation, l'insécurité, le chômage, le déficit budgétaire, chacun s'interroge avec inquiétude sur notre avenir. Et aucune réponse ne vient de ceux qui sont censés les donner, à savoir la classe politique. La droite pilote à vue, la gauche semble incapable de réagir. On traite les problèmes au jour le jour, de crise en crise. L'exemple le plus frappant de cette myopie de la politique actuelle est la situation catastrophique dans laquelle on laisse s'enfoncer notre université (et nos grandes écoles que, dans mon esprit, je ne distingue pas) et ce qui la sous-tend, notre recherche. Quel est le moteur de l'Amérique aujourd'hui ? L'origine et la cause première de tous ses succès économiques : ses universités et sa recherche, dont les inventions ont bouleversé l'économie mondiale avec les ordinateurs, les technologies de la communication et de l'information, y compris les satellites, les nouveaux matériaux et maintenant tous les produits dérivés de la révolution de l'ingénierie biologique, du médicament aux aliments en passant par les produits pharmaceutiques de «confort».

    Dans le même temps, ses universités éduquent et forment les élites du monde entier : Chine, Inde, Russie, Afrique, et maintenant de plus en plus l'Europe... et la France. Elle garde ensuite les meilleurs et renvoie les autres dans leur pays pour porter la bonne parole proaméricaine. A la suite d'une interview dans Libération, un responsable américain de l'éducation d'origine française m'a écrit : «Pourquoi essayez-vous de développer des universités de qualité en France ? Envoyez en Amérique vos 5 000 meilleurs étudiants chaque année. Ce sera plus profitable.»

    Que fait l'Europe pour réagir ? Pas grand-chose. Empêtrée dans sa politique agricole commune dont on est si fier et qui, sous prétexte de rentabilité, a détruit nos campagnes et absorbe encore la majorité des ressources communautaires, elle est incapable de mettre sur pied une politique de recherche commune et le réseau d'universités d'excellence capable de résister à la formidable offensive américaine sur le plan de l'éducation.

    Que fait la France ? Moins que rien. Elle néglige les universités, stoppant net l'effort de rénovation patiemment entrepris. Elle pense compenser par une loi le manque de moyens et de considération. Elle massacre sa recherche qui ne sera bientôt présente que dans les discours des responsables politiques (sait-on que les laboratoires français n'ont touché qu'un tiers de leurs crédits, et que le CNRS ne pourra peut-être pas payer les salaires en janvier ?).

    Mais personne ne bouge. Le microcosme médiatico-politique est entièrement accaparé par des guerres picrocholines de personnes et la préparation d'élections prochaines. Le gouvernement donne la priorité à l'armée, à la police, à la réduction d'impôts au profit des riches. Faute de proposer quoi que ce soit de solide, il se donne en spectacle à la moindre alerte climatique, qui devient une crise. Mais en attendant, où va la France ?

    Tous les discours nous disent que l'économie du XXIe siècle sera dominée par la compétition de l'intelligence et de l'innovation, que la compétition économique sera entièrement dominée par le savoir, la créativité, l'esprit d'entreprise.

    Où serons-nous dans ce siècle qui, du coup, devient très inquiétant pour nous ?

    La France veut jouer un rôle sur la scène internationale et elle vient d'en jouer un, je crois utile, mais comment pourrait-elle continuer à le faire lorsqu'on s'apercevra que ce qui a fait son prestige, sa richesse et son rayonnement n'existe plus? Le roi est nu ! D'autant plus que sur le marché du savoir et de l'intelligence apparaissent à l'horizon de solides clients qui ont pour nom la Chine, l'Inde, en attendant le Brésil, la Corée et la Russie renaissante.

    Les étudiants, dans une prescience confuse mais juste, ont senti cet abandon de notre université et de notre ambition intellectuelle et culturelle nationale. C'est ce sentiment collectif ressenti plus que réfléchi qui est la cause profonde du sérieux mouvement d'humeur étudiant, même si les cibles étaient mal choisies.

    L'université est le coeur de l'avenir et de notre indépendance intellectuelle. Elle est, depuis le Moyen Age, le lieu où se crée le savoir, où le savoir est dispensé aux étudiants qui l'utiliseront dans leur métier. Si elle ne crée pas le savoir, c'est-à-dire si sa recherche est sacrifiée, elle enseignera le savoir créé ailleurs (en Amérique), elle se vassalisera, l'exception culturelle deviendra la soumission intellectuelle. Mais l'université d'aujourd'hui est aussi le centre d'un espace où se montent des entreprises innovantes (comme les start up), coeur de l'innovation technologique, les grandes entreprises assurant ensuite le développement. Mais en plus, il faut qu'elle évolue avec son temps. Elle doit diffuser son savoir à travers l'Internet, c'est-à-dire s'affranchir de la notion de lieu, ouvrir ses portes aux seniors et retraités. Ce faisant, elle sera un facteur essentiel d'intégration sociale, et donc de santé, comme le montrent clairement les expériences scandinaves qui ouvrent la voie à l'éducation tout au long de la vie. Tout cela a été mis en chantier, mais les chantiers sont arrêtés, en panne !

    On ne peut faire tout cela sans argent. Les moyens des universités et de leur recherche sont inférieurs de moitié à nos principaux concurrents. Va-t-on les pourvoir en gelant les crédits comme on le fait sans le dire, ce qui met les universités au bord de la rupture ?

    Nos meilleurs élèves, après leur thèse de doctorat, émigrent désormais par milliers, aux Etats-Unis, au Québec, et même en Angleterre. Le nombre d'étudiants en sciences a décru de plus de 30 % en trois ans. Les bourses qu'on avait relancées, et notamment celles données au mérite ou pour la mobilité européenne, sont en régression. Pendant ce temps, en France, on étrangle tout progrès scientifique. Les recherches sur les OGM sont devenues presque clandestines. Le clonage thérapeutique est interdit, les cultures embryonnaires aussi, et une forte pression s'exerce pour abandonner le nucléaire. Et pour compléter le tout, il n'y aura bientôt plus de chirurgiens, de cardiologues et d'anesthésistes.

    Cette France que nous aimons, qui a donné au monde tant d'écrivains, de peintres, de savants et d'ingénieurs, vit dans la peur de la science et du savoir. Le pacte qui liait sciences et république est rompu, la France vit sous la dictature d'un stupide principe de précaution, devenu l'équivalent du risque zéro : on libère ceux qui saccagent les champs d'OGM, on poursuit ceux qui pratiquent une juste euthanasie, les sectes, les diseurs de bonne aventure prospèrent... Où va-t-on ? L'irrationnel s'installe dans les esprits.

    Face à cette situation, que fait l'opposition ? Rien ou presque. Inconsciente du problème. Là comme ailleurs, elle refuse d'assumer l'héritage Jospin, qui est pourtant plus riche qu'ailleurs et qui différencie positivement la gauche de la droite. Elle pense que l'économie, ce sont des raisonnements arithmétiques savants, sans chair ni âme, avec des solutions clefs en main, automatiques, de la macroéconomie abstraite et mécanique. L'économie, chers amis, c'est de la chair, des hommes, des entreprises, des idées, des initiatives, des risques et des états d'esprit. Ce ne sont ni des calculs, ni des astuces. L'économie de demain, c'est d'abord l'université et la recherche. Et c'est plus important que la Bourse.

    La France que nous voulons, que nous devons construire, c'est la France de l'innovation, de la culture, du savoir, de la technologie. Tout se tient. L'innovation d'aujourd'hui créera les emplois de demain. Avec la baisse du chômage, la sécurité deviendra un peu plus facile à maintenir, surtout si l'éducation secondaire fait son travail, c'est-à-dire enseigne le métier de citoyen et reconnaît le mérite. Et la France recommencera à rayonner, surtout si elle décide d'être le moteur d'une Europe des universités, de la recherche, de la culture, ces valeurs étant un ciment essentiel de notre vieux continent.

    Cette Europe pourra jouer un rôle modérateur dans le monde, défendre nos intérêts économiques, technologiques et culturels face aux autres géants du monde. Une Europe qui devra donner au monde l'exemple d'un style de vie équilibré et harmonieux, où les droits de l'homme et l'égalité des sexes sont strictement respectés, où le travail et le loisir s'équilibrent, où la laïcité, donc la tolérance, est la règle, où le savoir, l'intelligence et la créativité sont reconnus comme les principales vertus de l'Homme. Oui, il y a un rêve européen. Oui, il y a une autre idée de la France !

    Comme disait Victor Hugo en d'autres temps : «Vous avez cru faire des économies d'argent, vous avez fait des économies de gloire». Et j'ajoute, de prospérité future.


    Claude ALLEGRE

  2. #2
    enricomino Guest

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    Bonjour fulcanelli,
    Cette année ,à Bordeaux, nous passions aux masters qui remplacent les deux ans de maitrise et DEA. En physique, ils ont profité de cette réforme pour faire fusionner trois filières: Physique, Physique et applications ,et sciences physique. Résultat: Baisse générale des programmes en physique théorique! Par contre ils nous ont rajouté des TP: j'ai passé de nombreuses heures devant un appareil à relever la température d'un système: génial!
    Là maintenant je suis vraiment dégouté, donc je vais faire ce que j'ai dit cet été, je vais essayer d'avoir l'agreg et puis comme j'aurais du temps libre je pourrais me faire plaisir en étudiant la théorie quantique des champs et la métaphysique sans avoir de compte à rendre à tous ces blaireaux.

  3. #3
    Fulcanelli Guest

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    Bonjour cher voisin

    Il y a quelque chose que je ne pige pas. Si tu passes l'agreg tu as la maîtrise, donc tu es cette année en DEA et en DEA, on ne fait pas de TP il me semble.

    Pour le reste, je pense qu'effectivement, la baisse de l'"enseignement théorique est dommageable, pour autant que cette info se confirme, ce qui signifie qu'il y a la place pour monter une nouvelle école sans condition (il me semble avoir mis un fil ici). J'y songe, et les bonnes volontés sont appréciées.

  4. #4
    enricomino Guest

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    Cette année je suis en 1er année de master (équivalent maitrise), c'est l'année prochaine que je passe l'agreg
    Pour la baisse du niveau théorique à bordeaux:
    Par rapport à l'année dernière:
    Ils ont supprimé l'équation maitresse en physique statistique, la théorie de la diffusion par un potentielle en physique quantique, ils ont mis le programme de phy nucléaire de licence en maitrise(ce qui fait que pour moi qui suit dans la transition de la réforme, j'ai eu l'impression de redoubler mon module) alors qu'avant on parlait de l'isospin et d'autres choses théoriques interessantes mais le problème était que les élèves ne comprenaient rien: moyenne générale 6/20 pour le module de physique nucléaire, cette année il y aura surement 15/20 et tout le monde sera content et personne n'aura rien appris.
    Et le pire c'est qu'ils nous maintiennent à la fac avec des TD, des TP : j'ai 30h de cours par semaine, alors ce que je disais: "je suis d'accord que vous baissiez les programmes, mais laissez travailler ce qui ont envie" réponse:
    non parce que en France les profs d'université doivent faire un certain nombres d'heures et comme il y a beaucoup de profs d'université il faut absolument qu'on rajoute des heures alors qu'ils savent très bien que le mieux serait de responsabiliser les élèves, et ce sont les premiers à dire qu'après leurs thésards sont des assistés. Bref ce qu'ils devraient faire c'est prendre beaucoup plus de chercheurs CNRS au lieu de prendre tant de profs

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