Bonjour.
J'ai écrit un petit texte qui peut vous aider à faire le rapport avec La croyance
Diderot, Lettre sur les aveugles.
Diderot semble bien s'attaquer à certaines formes de croyances morales et métaphysiques. Il le fait au nom du matérialisme et de l'expérience qui doit avoir le dernier mot. Les réponses de l'aveugle né qu'il a interrogé à Puisaux et le dialogue qu'il a avec Saunderson, un savant anglais aveugle lui semblent établir d'une part que nos idées les plus purement intellectuelles tiennent fortement à la conformation du corps; autant dire qu'il n'y a pas d'idées innées dans l'homme, si nos conceptions dépendent tellement de l'état de nos organes. Et d'autre part, selon Saunderson que l'ordre naturel ne peut frapper que les voyants et que le fait qu'il y ait des monstres (des aveugles ...) contredit cet ordre.
Cela revient à montrer la vanité des croyances morales et métaphysiques issues d'un a priori (= indépendant de l'expérience) ou d'une révélation (la religion).
Quand Diderot fait parler Saunderson et lui fait dire "Si vous voulez que je crois en Dieu, il faut que vous me le fassiez toucher" , il fait tomber la croyance du ciel sur la terre d'autant plus qu'on peut toujours poser la question: la croyance en un Dieu intelligent était-elle bien nécessaire pour expliquer le mécanisme de l'animal qui n'a rien d'intelligent puisqu'il y a des monstres et, que dans les premiers temps on peut croire qu'il y en avait beaucoup plus.
Le problème c'est que le lecteur peut croire de manière hâtive que l'idée de Dieu (et ses conséquences) est évacuée définitivement par un matérialisme athée. Si on suit jusqu'au bout le dernier discours de Saunderson, il se termine par une invocation au Dieu de Newton, par une croyance. Ainsi Diderot termine par une croyance et l'affirmation de cette croyance malgré les doutes comme si la foi se nourrissait de doutes. Si Diderot n'a jamais rompu avec le déisme cela peut se comprendre en analysant le rapport entre le déisme et les lumières.
L'hypothèse selon laquelle la matière s'est débrouillée toute seule dans une série de tentatives, les monstres disparaissant et ce qui était mieux organisé se perpétuant est une ancienne croyance sur laquelle s'appuie Diderot.
Peut-être faut-il bien distinguer dans la croyance la crédulité, l'affirmation provisoire qu'est toute hypothèse et la foi. De toute manière vous l'entrevoyez peut-être maintenant, la Lettre sur les aveugles (Lire aussi la Lettre sur les sourds muets) permet de bien cerner la croyance et de voir que le matérialisme est une croyance et que, le plus souvent, une croyance remplace une autre croyance.
Reste à savoir si la destruction de la croyance morale et métaphysique n'a pas pour prix la disparition de la morale et de la métaphysique dans la confusion de ce qui est et de ce qui doit être.
En Août 1749, Diderot sera arrêté pour avoir écrit et imprimé Pour le déisme et contre les moeurs. Ce qui montre que les contemporains ne s'y sont pas trompés.
Joseph Llapasset http://www.philagora.net/ph-prepa/croyance/index.php
Sur un entretien aves Monsieur Besnier , dans la prestigieuse revue, Sciences et Avenir