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Discussion: idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique

  1. #21
    fifi3434 Guest

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    IV) Références
    Lorsque Kant décrit les dispositions naturelles de l’homme au tout début de la 3ème proposition, il fait implicitement référence au mythe de Prométhée dans Protagoras de Platon : les dieux chargent Epiméthée et Prométhée de répartir entre les êtres vivants les qualités qui leur permettront de survivre et de se reproduire. Mais Epiméthée a oublié l’homme. Prométhée, qui a eu pitié de nous, a volé aux dieux la connaissance des Arts et celle du feu. Cela signifie que l’homme est nu, qu’il est contraint d’inventer sa propre nature, de se faire homme, alors qu’il n’y a chez l’animal que nature. L’homme est l’être qui travaille et qui est le produit de son propre travail.



    - Mais, à la différence du mythe qui fait de l’homme un être faible que la nature n’a pas rendu viable et qui a besoin d’artifices pour vivre, Kant pense que la nature a très sagement privé l’homme d’instinct et l’a mis au monde comme nu pour le contraindre à cultiver sa raison : ce qui apparaît dans le mythe raconté par Protagoras comme une imprévoyance de la nature devient ici une preuve de la Providence.



    - Kant insiste sur l’auto-production de l’homme par lui-même, thème qui sera central chez Marx. Il récuse la conception chrétienne d’une humanité heureuse au paradis mais aussi toutes les spéculations sur le bonheur des “sauvages”? C’est en terme d’obstacles qu’il faut envisager le développement de l’humanité. Les notions d’effort, de peine, de travail, de mérite, appartiennent à la tradition protestante (comme l’a montré Max Weber ) à laquelle Kant se rattache.



    - Remarquons, enfin, que le raisonnement de Kant est présenté, tout au long du texte, sur un mode hypothétique (“comme si”). Il est en effet impossible de prêter des intentions et des buts à la nature, si l’on reste sur le terrain objectif de l’observation et de l’expérimentation. Il s’agit, en réalité, de la part de Kant, d’une adhésion au système providentialiste dont il sait qu’il ne peut en aucun cas être prouvé.

  2. #22
    fifi3434 Guest

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    QUATRIEME PROPOSITION

    a) Pourquoi, selon Kant, le mal est-il la cause positive du développement de la raison humaine ?

    b) En quoi l’inertie est-elle un plus grand mal que la discorde ?

    I)Présentation des propositions 4 à 8

    Les trois premières propositions mettent en évidence le fait que l’on échappe à l’absurdité , au niveau de l’histoire, par la considération de l’avenir et du devenir de l’espèce humaine. La finalité exprime un besoin d’intelligibilité qui représente le point de vue de la totalité du développement possible de l’humanité. Dans les propositions qui vont suivre, il s’agira de cerner l’orientation de la destination finale de l’humanité dans les progrès du droit.



    - Les propositions 4 à 8 analysent la dimension juridico-politique de l’histoire. Elles permettent d’aborder les notions au programme suivantes : la société, l’Etat, le pouvoir (TL), la violence (TL), le droit. Elles permettent de réfléchir sur la politique en général.

    III) Présentation de la quatrième proposition
    - Kant va développer, dans la 4ème proposition, une réflexion sur le rapport entre la civilisation et les passions. Il montre que, de même que les individus encore sauvages ont dû se contraindre à accepter une situation sociale et politique commune, de la même façon il est permis d’envisager que la civilisation puisse conduire à une liberté morale. La nature se sert ainsi des passions humaines, pour mener à bien son dessein, qui est de développer entièrement leurs dispositions. La nature tire en quelque sorte parti de notre méchanceté qu’elle n’a pas produite, mais seulement prévue, pour nous donner les moyens de nous en débarrasser nous-mêmes.

    - 4 idées-clés :



    1) - L’homme ne peut réaliser toutes ses dispositions naturelles qu’en vivant en société. Mais il existe chez l’homme deux penchants contradictoires (“l’insociable sociabilité”) : s’associer avec ses semblables, mais aussi s’opposer à eux, tenter par tous les moyens d’obtenir une satisfaction égoïste. Les hommes sont donc habités par des mobiles contradictoires à l’égard de leur socialisation puisque c’est une “insociable sociabilité” qui les meut. Elle désigne, en chacun, cette lutte entre la liberté naturelle (qui est sauvage et sans loi) et l’intérêt susceptible d’être acquis (en s’associant pour la sécurité).



    2) - Quels sont les effets de ces antagonismes ? Kant explique que ceux-ci sont autant d’obstacles que l’individu doit surmonter en mettant en oeuvre toutes ses facultés. S’il ne rencontrait aucun obstacle, l’homme resterait proche de la bête brute. C’est la contrainte qui lui permet de développer son humanité. Le moteur effectif et constant du développement humain est donc l’insatisfaction, issue de la contradiction des passions entre elles. Ainsi s’explique le progrès de la civilisation qui se situe entre deux extrêmes : l’état de grossièreté originaire (état dans lequel l’homme est sans culture) et celui d’une totalité morale (état dans lequel l’homme pourrait se conduire d’après des principes pratiques et non d’après des inclinations naturelles). Le premier état est celui de la dispersion, de la liberté sauvage des individus; le dernier, s’il est réalisé, sera celui de l’unité volontaire des hommes moralisés.



    3) - L’homme n’est pas pacifique par nature. Sans quoi rien ne distinguerait l’humanité d’un quelconque troupeau domestiqué.



    4) - Il termine en faisant remarquer que ce caractère d’insociabilité peut être tenu pour un bienfait de la nature puisqu’il stimule constamment l’homme. La sagesse de la nature vient de ce qu’elle fait que nos passions doivent contribuer au progrès général de notre espèce. La nature utilise l’insociable sociabilité des hommes pour socialiser et faire progresser l’espèce.

    V) Commentaire


    - La violence inhérente aux sociétés humaines est un des objets majeurs de la réflexion en philosophie politique. Penser la violence, c’est avant tout saisir sa provenance (travail descriptif) de façon à la contenir, voire à la supprimer (travail prescriptif).



    - Kant reprend de Rousseau l’idée selon laquelle la société est le système qui a pour fonction de transformer des hommes mus par des passions génératrices de désordre en acteurs de leur propre développement. Cf, Rousseau, Contrat social, livre I, chap. 8 : “ le passage de l’état de nature à l’état civil, produit dans l’homme un changement très remarquable en substituant dans sa conduite, la justice à l’instinct et donnant à ses actions la moralité qui leur manquait auparavant “. Rousseau dénonce la société comme génératrice d’une violence qui ne relève pas de la nature humaine et que seul un contrat repensé peut supprimer.



    - La notion d’insociable sociabilité renvoie à la philosophie de Locke et de Hobbes : pour Locke, en effet, l’homme est un être sociable par nature et par suite l’Etat a pour seul rôle d’organiser ce qui dépasse la compétence individuelle (notion de sociabilité naturelle que Locke doit lui-même à Aristote : l’homme est un animal politique). Pour Hobbes, au contraire, l’homme est un loup pour l’homme, l’état de nature se caractérise par un état de guerre de tous contre tous; l’Etat a alors pour fonction de réduire par tous les moyens cette insociabilité afin de faire régner la sécurité, bien suprême. Le fondement de l’Etat est donc à chercher dans la nécessité de limiter la violence que les hommes s’infligent et qui relève de leur propre nature.



    - L’originalité de Kant, au regard de ces deux thèses, est d’admettre simultanément ces deux penchants et d’affirmer que c’est précisément le jeu des antagonismes entre les hommes qui permet le progrès des sociétés vers la liberté. Kant repense le problème de la violence en lui faisant quitter le terrain de la politique (synchronique) pour l’histoire (diachronique). Il ne s’agit plus de penser la maîtrise de la violence, mais sa fonction. Le cadre est celui d’une téléologie naturelle : si la violence existe, elle a un sens et c’est ce sens qu’il faut comprendre.



    - La proposition 4 de “l’histoire universelle au point de vue cosmopolitique” va s’attacher à définir la thèse suivante : la violence sociale - qu’elle soit larvée (concurrence, lutte pour le pouvoir) ou manifeste (criminalité, séditions, guerres) - est bien un problème politique qu’il faudra résoudre politiquement, mais c’est en même temps le moteur de l’histoire. Il y a une nécessité propre à la violence



    eux-mêmes qu’ils sont en conflit entre eux. Les contradictions que les hommes connaissent constituent d’abord une contradiction dans la nature humaine même. Il caractérise cette nature par le concept contradictoire d’insociable sociabilité. Et c’est l’insociable sociabilité qui est le moyen assurant le développement de la raison. Mais qu’est-ce que l’insociable sociabilité ?



    -L’insociable sociabilité est la cause anthropologique de la violence dans les sociétés humaine. L’homme veut et ne veut pas la compagnie des autres. Il en veut les avantages et pas les inconvénients.



    1) Il est sociable : grâce aux autres “il se sent plus qu’homme”. L’humanité ne peut se rabattre sur le seul individu. Ce que je suis (langage, culture, développement de la raison), je le suis par les autres. C’est par eux que je suis homme. Mais je me sens en même temps plus qu’homme parce que je m’identifie au groupe lui-même : je suis aussi un nous. Cette sociabilité n’est pas un calcul de la raison : c’est un “penchant”, une “disposition”, une “tendance”. Elle relève d’une spontanéité de la nature humaine.



    2) Il est insociable : si mon désir a besoin d’autrui, il a aussi autrui comme entrave. Si ma liberté s’arrête à celle des autres, c’est d’abord parce qu’ils constituent un obstacle de fait avant d’être une limite de droit. L’égoïsme n’est pas encore ici un défaut moral: c’est un penchant lié à la nature du désir qui recherche sa satisfaction. La nature humaine n’est à ce stade ni rationnelle ni raisonnable (la raison n’est qu’en puissance) : elle est ce donné pathologique (ces penchants sont subis) qui est source du pire (la violence) mais qui engendrera le meilleur (l’état de droit).



    -L’homme est condamné non pas à inhiber sa violence, mais à la sublimer. En termes freudiens, c’est le principe de réalité qui va forcer l’homme à différer la satisfaction de son principe de plaisir. Et c’est cette différence qui assure le développement de la raison. Ainsi la violence n’est-elle pas inhérente aux sociétés humaines : elle est inhérente à la nature humaine. Et c’est la société qui contraint l’homme à se dénaturer, c’est-à-dire à s’humaniser et à progresser vers la culture.



    - L’homme est donc arraché à sa propre nature par sa propre nature. La contradiction qu’il abrite est dynamique. Point n’est besoin d’une force extérieure (l’Etat de Hobbes) pour arrêter sa violence. Le problème de la violence trouve sa solution de façon interne à la société par le développement de la raison. Cette raison à laquelle Hobbes faisait déjà appelle pour le contrat, mais qu’il ne concevait pas historiquement.



    - L’histoire est faite de violence (insociabilité). Et c’est grâce à cette violence que la raison est appelée à se développer. Car la violence est insupportable : il faudra donc trouver des moyens pour la limiter. Et ces moyens devront être rationnels : ce sera la lente élaboration du concept rationnel de réciprocité. Comprendre la réciprocité, c’est être capable de distance à l’égard de ses propres pulsions pour se mettre à la place de l’autre. Mais c’est aussi être capable de maîtrise de sa propre insociabilité. La raison théorique doit donc également être raison pratique (morale).



    - Toutefois, de la nécessité de la raison à la réalité d’une société rationnelle, il y a le temps de l’histoire. Le fil conducteur de cette histoire est le droit. Ce sont d’abord les moeurs, puis le droit coutumier et enfin le droit écrit qui constituent la lente histoire de la régulation de la société contre la violence que les hommes s’infligent (état de nature). Il y aurait donc une fin de l’histoire : ce moment où l’homme est en mesure de faire que son rapport à l’autre n’est plus rapport de violence et que l’intériorisation de la rationalité le conduise à être moral. La société de fait doit devenir un état de droit, et ceci non par moralité, mais par calcul. Mais est-ce vraiment un stade moral ?

  3. #23
    fifi3434 Guest

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    VI) Intérêt philosophique

    1. Réflexion sur la violence et l’histoire



    - Le problème qui se pose est alors le suivant : comment est-ce que l’insociable sociabilité peut produire “un tout moral”, alors que la rationalité du rapport à l’autre s’obtient par calcul et non grâce à une intention morale ?



    -L’anthropologie kantienne n’est donc pas remise en cause. Ce n’est pas la violence qui produit la morale par une sorte d’obscur renversement dialectique : la violence contraint l’homme au droit. Kant revient donc ici à la leçon de Hobbes et de Rousseau. La violence est insupportable et oblige l’homme à inventer la société civile (contrat). Il ne s’agit donc plus à proprement parler d’une légitimation de la violence : la violence s’explique, mais c’est parce qu’elle est illégitime qu’il faudra légaliser sa suppression.



    -L’anthropologie contemporaine nous a montrer qu’il existe des sociétés sans histoire: sociétés aux mutations si lentes qu’elles n’en ont pas eu à faire la chronique (sociétés froides). Ces sociétés sont soit des sociétés pacifiées ou bien des sociétés où la violence interne est fortement canalisée pour prévenir toute auto-destruction. Kant a bien repéré le rapport intime entre violence et histoire. Les sociétés historiques sont des sociétés instables et cette instabilité est paradoxalement source de progrès. Le progrès n’est pas l’harmonie : il suppose la destruction de l’ordre ancien. Kant en fait la loi de l’histoire dont il croit trouver le fondement dans la nature humaine.



    - Mais la fin des sociétés historiques (sociétés chaudes) est, au bout du compte, la même que celle des sociétés sans histoire : la maîtrise interne de l’insociabilité humaine, c’est-à-dire de la violence.

  4. #24
    philator1 Guest

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    MERCI , CA TA PRIS UN TPS FOU, NON

    T EN TERMINALE, D'OU TIENS TTE CETTE SCIENCE TU M'EPATES

  5. #25
    fifi3434 Guest

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    Attends c pas fini, c le cours d'un pote sur disquette: y avait qu'à demander .

    2. Réflexion sur les passions et la moralité


    - Si les passions sont condamnables sur le plan individuel en ce qu’elles constituent des “maladies de l’âme”, elles sont positives sur le plan de l’espèce : par le jeu des passions, la nature elle-même nous discipline; elle nous rend capables de nous gouverner nous-mêmes. Si l’égoïsme des hommes les amène à se donner des lois et à s’y soumettre, cet accord, dit Kant, est “pathologiquement extorqué”, il est l’oeuvre de la nature et non librement consenti. En clair, cet accord résulte non de notre libre activité, mais du fait que nous sommes soumis à nos inclinations. Si les passions sont essentielles au développement historique, c’est qu’elles sont appelées à mobiliser les forces humaines par leurs contradictions.



    - Idée préhégélienne d’une “ruse de la nature”, terme qui évoque, tout en s’en distinguant, la thèse hégélienne de la “ruse de la raison” : la nature exploite, à l’insu des individus, les passions qui les agitent pour les convertir en vecteurs de l’histoire. Ce n’est pas au niveau de l’individu, mais au niveau du genre humain tout entier qu’il faut se placer pour reconnaître aux passions une fonction productive dans l’histoire. Idée que l’individu est dépassé par l’histoire.



    - Idée que les hommes sont méchants et que leur grandeur même est liée à leur méchanceté. Par la perte de son innocence naturelle, l’homme a gagné la possibilité d’user de sa raison et de donner un sens à la création tout entière. Sans l’homme, la création serait un vide, un néant. Le mal qui nous désespérait devient un mal providentiel. Mais les hommes sont seuls responsables de leur méchanceté. Kant exclut l’idée d’un péché originel : un homme méchant qui aurait reçu ses vices de la nature ou de Dieu serait à plaindre, non à condamner. La nature vient à notre secours, elle a mis en nous tout ce qui est nécessaire pour nous sauver. Elle n’a pas voulu que nous soyons méchants mais a seulement prévu qu’au cas où nous le serions, le choc des passions remplirait tant bien que mal l’office de la raison et de la volonté.

  6. #26
    fifi3434 Guest

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    3. Réflexion sur le travail et le bonheur



    - La raison suppose le travail et la peine qui nous permettent de vaincre notre paresse naturelle et notre animalité par la discipline qu’il nous impose et qui est essentielle à notre formation.



    - Kant ne fait ni l’apologie de la spontanéité naturelle, ni celle des bienfaits de la civilisation. Il montre que ces derniers se situent, paradoxalement, dans les épreuves qu’elle nous impose et dans le bonheur qu’elle ne nous donne pas spontanément. La civilisation fait non seulement disparaître, dans les individus, le bonheur naturel, mais aussi l’aspiration à un tel bonheur. Kant veut dire que l’appétit du bonheur se trouve civilisé et la perte de la paresse naturelle ouvre un nouvel âge de l’humanité, qui est l’âge du mérite. La nécessité de se rendre digne du bonheur justifie, sur le plan de l’histoire, l’entrée dans une morale du mérite. La peine et l’effort ne sont pas insensées; ils forment le mérite humain, ils sont la vertu propre à la civilisation. Le fait que le bonheur soit reporté à une échéance ultérieure (celle qu’auront préparée les effort actuels) signifie que les hommes doivent travailler à l’avènement du droit et que la peine est devenue la condition de la félicité. Dès lors, si le bonheur n’est pas la fin naturelle de l’espèce humaine, c’est la culture qui constitue la destination des hommes. Cette dernière est précisément de dépasser la nature

  7. #27
    fifi3434 Guest

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    Bon comme je veux que tu réussisse voila la cinquième proposition et la suite pour tous ceux dont les profs ont été en grève.

    CINQUIEME PROPOSITION
    a) En quoi l’établissement d’une constitution civile pose-t-il un problème ?

    b) Pourquoi la solution de ce problème est-elle la tâche suprême de la nature ?

    c) Quelle est la fonction de l’image des arbres dans la forêt et que vaut-elle ?

    Sixième proposition
    d) Le maître peut-il exister ?

    e) Dans quelle mesure doit-on reconnaître dans l’établissement du droit une impossibilité et une tâche ?

    I) Présentation
    Après avoir montré, dans la 4ème proposition, que la nature contradictoire du progrès historique se manifeste par l’insociable sociabilité de l’homme, la nature utilisant cet antagonisme pour faire progresser l’espèce, Kant établit, dans la 5ème proposition, que l’équilibre des actions et des réactions entre les hommes ne s’obtient que par un système complexe de contraintes. La société est, certes, le produit de la nature qui a contraint les hommes à s’unir pour ne pas se détruire ; mais la fin de l’existence sociale des hommes est, dit Kant, “l’établissement d’une société civile administrant le droit universellement”. La 5ème proposition apparaît comme la conclusion vers laquelle tendent les quatre premières propositions. Puisque le développement des dispositions naturelles de l’humanité exige le travail des générations successives, et puisque le travail des hommes n’est suscité que par l’insociable sociabilité, la tâche suprême de la nature est l’institution d’une société gouvernée par le droit.



    - Si la fin que la nature poursuit dans l’histoire est la production d’une constitution civile parfaite, on peut dire que Kant fait du droit et de l’accomplissement du droit la mesure de la valeur et du sens de l’histoire. Cette constitution civile est une idée que la raison peut concevoir et exiger. La finalité suprême de l’existence sociale est une organisation juste de cette société. La justice, comme idéal du droit, reste le fil directeur qui permet de juger l’histoire.



    - 4 idées importantes : le problème de l'établissement d'une société civile universelle comme problème fondamental imposé à l'homme par la nature; l'antagonisme social et l'ordre légal qui s'ensuit comme facteurs de développement des dispositions humaines; précision de la tâche suprême de l'espèce humaine : trouver un système de lois extérieures contraignantes parfaitement justes; explication par l'image de la forêt du rôle de l'antagonisme social dans l'institution progressive du droit.

    II) Les idées principales
    1) Le problème de l'établissement d'une société civile universelle comme problème fondamental imposé à l'homme par la nature.



    - Kant énonce d’abord le problème essentiel que l’humanité doit réaliser malgré elle : la réalisation d’une société libérale , juste, réglée par le droit - c’est dans cette société de liberté que l’espèce humaine peut trouver son épanouissement. L'établissement d'une telle société pose problème : d'un côté, l'instauration du droit est la condition d'un rapport de l'homme à l'homme favorable au développement culturel des dispositions naturelles de l'espèce; le droit est la limitation des libertés individuelles selon un principe de coexistence. En même temps, l'antagonisme social, c'est-à-dire l'affrontement et la concurrence des libertés pour la reconnaissance, est la cause positive de ce développement (cf. Proposition IV).



    - Le problème posé par l'établissement d'une constitution civile est donc d'abord celui de la compatibilité entre la nécessité de l'institution d'un ordre contraignant visant à restreindre ou à empêcher la libre expansion des volontés de puissance individuelles et, d'autre part, la nécessité de garantir cette libre expansion. Il faut ainsi que chacun soit à la fois intégralement soumis à la contrainte et totalement libre d'oeuvrer à la réalisation de son désir. L'inégalité des talents ne doit pas être contraire à l'égalité politique. Problème donc de la synthèse entre un libéralisme socio-économique et un absolutisme juridico-politique.



    2) Rappel de la quatrième proposition : l'antagonisme social et l'ordre légal qui s'ensuit comme facteurs de développement des dispositions humaines.



    - La cinquième proposition est la conclusion vers laquelle tendent les quatre premières propositions; les propositions ultérieures ne feront que l'approfondir. Pour que l’antagonisme entre les passions puisse jouer son rôle bénéfique et que les libertés puissent coexister, pour que le corps social ne se dissolve pas, la société doit être réglée par un système de contrainte - les lois - que personne ne puisse renverser. Il faut, autrement dit, qu’il y ait une force publique.



    - La tâche suprême de la nature, qui a pour dessein la plus grande perfection de l'espèce, est l'institution d'une société gouvernée par le droit : instauration d'un état civil dans lequel tout le bénéfice de l'insociabilité pourra être garanti, et chacun étant libre de travailler à son bonheur oeuvrera sans le savoir pour la perfection de l'espèce.



    - Ainsi, selon Kant, les passions elles-mêmes poussent les hommes à accepter une règle de vie commune qui limite leur liberté (les passions exacerbées jettent les hommes dans un état de détresse) . Contraints et forcés, les hommes s’unissent et se soumettent à la contrainte des lois ; à l’intérieur de ces limites, ils peuvent assouvir leurs ambitions, se discipliner et se cultiver.



    3) Précision de la tâche suprême de l'espèce humaine : trouver un système de lois extérieures contraignantes parfaitement justes.

    - La solution de ce problème est la tâche suprême de la nature : l'instauration d'une société civile, en garantissant la liberté du travail individuel et l'épanouissement des talents, est le moyen pour la nature d'assurer le progrès historique de l'humanité. Le but du droit est la liberté individuelle, c'est-à-dire le travail. C'est l'atteinte à la liberté du travail, et au talent qui s'y rattache, que la puissance contraignante du droit a pour but de réprimer : le travail est le principe de l'autoconstruction personnelle et le moteur de l'histoire.

    - Reconnaissance de la primauté du droit au travail, critique implicite du travail aliéné qui s'ensuit. Thème libéral, au coeur également de la tradition socialiste et anticapitaliste.

    - L'exécution de cette tâche – la constitution civile -, dont la fin est la culture ou la moralité, est confiée à l'homme lui-même : il doit pouvoir mériter son bonheur; cette tâche est infinie, vu qu'elle est confiée à l'histoire comme progrès infini. La réalisation de la constitution civile parfaite est une Idée vers laquelle l'histoire de l'humanité tend par un effort constant : principe d'un perpétuel dépassement de soi.

  8. #28
    fifi3434 Guest

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    4) Explication par l'image de la forêt du rôle de l'antagonisme social dans l'institution progressive du droit



    - La métaphore de l’arbre et de la forêt permet d’expliquer par quel mécanisme la nature produit les progrès de la culture et du droit. Cette image soustrait l'avènement du droit à la bonne volonté pour le confier à l'histoire. L'égoïsme ne saurait faire obstacle au processus historique de réalisation progressive du droit puisqu'il en est le ressort. Cette image permet de penser une solution du problème juridico-politique. Représentation libérale de la communauté politique : ce n'est que dans une société fondée sur le libre jeu des égoïsmes antagonistes que peut s'enclencher le mécanisme par lequel les comportements se redressent.



    - De même que les arbres, lorsqu’ils sont côte à côte, sont mécaniquement amenés à s’élever, de la même façon, les hommes isolés ne peuvent développer leurs dispositions naturelles, la vie en société impose les règles du droit, elle discipline les hommes, comme la forêt permet le développement des arbres auxquels elle donne leur rectitude. Kant se représente le progrès du droit comme l’effet d’un mécanisme naturel qui, par un jeu d’un équilibre des forces, règle la vie commune des hommes. Il parle des “lois extérieures” pour signifier que ces lois n’exigent pas, comme pour les lois morales, une obéissance intérieure de notre conscience. Il veut dire que même si les hommes ne sont pas encore effectivement raisonnables, ils peuvent créer une société réglée par des lois, un Etat, qui peut nous éduquer moralement. En somme, la nature réalise sans nous une société où elle nous prépare à la liberté.



    - L'image de la forêt tend à atténuer le rôle de la contrainte dans la réalisation des conditions juridiques et politiques de la liberté : le règne de l'intérêt général ne semble pas devoir être obtenu par l'exercice d'une quelconque violence sur les intérêts particuliers.

    III) Références
    - Ici, Kant pense la relation étroite entre les passions et le droit, la nature et la liberté.



    - D’abord, l’idée que la nature se sert des passions humaines pour réaliser la liberté peut être rapprochée de la philosophie de Hume dans le livre III du Traité de la nature humaine : selon lui, ce sont les passions, et notamment celle qui produit la partialité (la préférence de chacun pour ses proches), qui vont conduire à l’instauration de la justice ou au respect d’une règle commune. La partialité ne fait d’abord qu’attiser la rivalité entre les individus et les familles, mais elle peut faire place au sens de la justice dès lors qu’elle est satisfaite par d’autres moyens que ceux de l’égoïsme. Dès que les individus perçoivent, dans la société, le moyen de leur assurer une satisfaction durable, celle de la préservation de leurs possessions, ils prennent conscience que l’intérêt de tous est aussi une forme de l’intérêt de chacun. La passion ici, on le voit, a un rôle actif et constructif.



    - D’autre part, la métaphore qu’utilise Kant pour décrire les bienfaits de la société (celle des arbres condamnés à coexister dans l’enclos d’une même forêt et contraints, de ce fait, à pousser “beaux et droits”), et pour montrer que la rivalité à laquelle condamne l’existence commune se convertit en une émulation profitable au développement des dispositions naturelles, est également à rapprocher d’une autre métaphore : celle “de la main invisible” qui sert à Adam Smith à figurer la productivité et l’égal intérêt du marché pour chaque individu, dans un contexte économique. Selon lui, du libre jeu des intérêts dans l’échange marchand, émerge, par le mécanisme régulateur des prix, une situation globale d’équilibre qui se réalise naturellement, sans qu’elle soit jamais voulue par les agents économiques ou l’Etat. Il y a ainsi une régulation naturelle du marché, par l’effet d’une “main invisible”. Il s’agit donc de mettre en valeur la fonction régulatrice de l’intérêt égoïste dans le cadre de l’échange des biens, de répondre au problème de l’ordre social en réduisant au minimum le rôle de l’Etat et la contrainte de la loi, sans toutefois faire appel à la vertu et au souci désintéressé du bien commun.



    - Par ce rapprochement entre Adam Smith et Kant, la thèse d’un développement inconscient de l’intérêt de tous par le moyens de l’appétit personnel de possession ou par la cupidité individuelle correspondrait à une version libérale de la conception kantienne du progrès.



    - Or, Kant ne confie pas à une unique passion (le goût de la possession et l’intérêt du gain) le soin de produire l’intelligence du bien commun par la satisfaction qu’il procure. Sa thèse n’est pas libérale en un sens strictement économique si l’on considère qu’elle n’est pas dominée par le concept de propriété. D’autre part, la société ne supprime pas les rivalités qui ont donné lieu à son existence, ni la détresse première des hommes ; elle crée, au contraire, de nouveaux conflits, de nouvelles sources de souffrance. Le conflit des passions conduit au maintien de la tension des forces et non à la satisfaction des passions.



    - Kant insiste donc sur l’idée que l’histoire se fait avec des moyens naturels, avec les passions et la lutte, selon des dispositions qui se développent par la contrainte. Mais Kant ne fait pas l’éloge des passions et de l’égoïsme. C’est plutôt ce qui contrarie la passion et l’égoïsme qui est reconnu comme moteur du développement humain. C’est le travail qui est fécond, l’effort ou le labeur parce qu’avec eux, l’acte de se développer contredit l’inclination à la paresse. Dans la proposition 4, Kant vantait le talent qui transforme la passion en goût affiné et en connaissance.



    - On pourrait, enfin, faire remarquer que la 5ème proposition, et celles qui vont suivre, esquissent une conception du droit et de la liberté qui renvoie à la philosophie politique du 18ème siècle. Il existe deux définitions de la liberté : tantôt liberté signifie faculté d’accomplir ou de ne pas accomplir certaines actions quand on n’est pas empêché par d’autres, ou par la société ou par l’Etat ; être libre signifie alors jouir d’une sphère d’action plus ou moins large non contrôlée par les organes du pouvoir (thèse représentée par Locke) ; tantôt liberté veut dire pouvoir de n’obéir qu’à la seule loi que je me suis imposée, obéir seulement à lui édictée par la volonté générale. Kant se rallie au premier sens. Dans la doctrine du droit , il écrit, en effet : “le droit est l’ensemble des conditions moyennant lesquelles la volonté arbitraire de l’un peut s’accorder avec celle d’un autre selon une loi universelle de liberté. La liberté est la faculté d’agir sans être empêché par d’autres”.



    - En conclusion, rôle charnière de cette cinquième proposition. L'établissement du droit demeure une tâche. La nature contraint l'homme de trouver une solution au problème politique de l'autorité juste. Ce problème a sa source dans l'exigence mécanique de trouver un équilibre entre le déploiement illimité de l'agir individuel et la limitation ce même agir en vue de la coexistence des puissances.

  9. #29
    fifi3434 Guest

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    SIXIEME PROPOSITION
    I) Introduction
    La 6ème proposition énonce un paradoxe : Kant a montré, dans la proposition précédente, que la finalité de l’existence sociale est une constitution juridique parfaite; il soutient en même temps, dans la 6ème proposition, que l’homme est un animal qui a besoin d’un maître. N’y a - t - il pas une contradiction entre la volonté juridique de traiter l’homme selon sa majorité et la volonté politique de le considérer comme un sujet de l’Etat ou comme un éternel mineur ? Quel est alors, dans ce texte, le fondement de l’usage de la contrainte ? Comment, dans la société, passer de l’emprise des passions jusqu’à la sphère du droit universel ? La difficulté ne provient-elle pas du fait que le gouvernant est lui-même un être fini, accédant avec le plus grand mal à l’Universel ? La contrainte n’est - elle pas un moyen nécessaire pour accéder à un ordre politique juste ? Kant va montrer que le problème de la justice publique est très difficile parce que les dirigeants sont des hommes égoïstes, soumis à des penchants individuels et, de ce fait, ne prenant pas en compte l’universel de la loi.



    - Le texte se divise en trois parties : dans la première (“ce problème…humaine”), Kant énonce sa sixième proposition, ayant trait à la difficulté de résoudre le problème de la justice publique. Dans la deuxième (“la difficulté…être libre”), il souligne qu’un maître est nécessaire pour élever l’homme, animal égoïste, à l’universalité. Dans la troisième (“mais…des lois”), il montre que l’établissement de la justice publique représente une tâche difficile car le maître a lui-même besoin d’un maître.

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    II) Explication
    1) 1ère partie (“ce…espèce humaine”)



    - Enoncé d’une aporie théorique et pratique qui a trait au destin de l’humanité. Le démonstratif “ce” de la première ligne renvoie à la 5ème proposition : il s’agit du problème de l’établissement d’un ordre politique juste, administrant le droit de façon universelle.



    2) 2ème partie (“la difficulté…être libre”)



    a) (“la difficulté…maître”)



    - La nécessité d’un maître, médiateur entre la nature et la culture, et d’une contrainte.



    - La difficulté d’une édification politique juste vient de ce que l’homme est un animal, un être vivant appartenant au règne de la nature et recherchant son intérêt propre, qui requiert un maître, c’est-à-dire une personne exerçant une domination, selon un mode non arbitraire, ayant pour but de conduire le gouverné, le disciple ou l’élève dans la voie de la culture ou de la formation universelle. La première fonction du maître est donc de faire accéder notre nature animale à la sphère de la culture et de la coexistence.



    b) (“car…lui-même”)



    - Mais pourquoi l’homme a - t - il besoin d’un maître ? La raison profonde du recours à la contrainte tient à la dualité humaine, à l’opposition des deux règnes, celui de la nature et celui de la loi, auxquels se rattache l’homme. Les individus n’obéissent pas spontanément à la raison, la liberté de chacun se présente d’abord comme négation de celle d’autrui. La liberté désigne, en premier lieu, la faculté d’agir sans contrainte, aveugle à la personne d’autrui. Kant parle ici d’un penchant animal à l’égoïsme, attachement excessif à soi-même tel que l’on recherche exclusivement son intérêt personnel. Cet égoïsme omniprésent procède de notre existence naturelle et “biologique” et s’enracine dans nos besoins vitaux. Dès lors, l’homme aspire à l’universel de la loi, mais comme être vivant recherchant son intérêt propre, il demeure enfoncé dans la particularité de ses besoins. Seule une loi commune peut contraindre les égoïsmes à coexister et à se régler selon une norme valable pour tous.*



    c) (“il lui faut donc… être libre”)



    - La conclusion que tire Kant est que la contrainte est nécessaire : le maître doit forcer l’homme à obéir à la loi. Il a pour fonction de soumettre la particularité des besoins à l’universel de la loi. Il force les sujets à obéir. Cette contrainte permet, en même temps , à chacun d’être libre, d’accéder à une existence raisonnable et soumise à l’Universel. Etre libre, ce n’est donc pas agir selon son bon plaisir, mais se soumettre à la loi valable pour tous. Il s’agit d’une faculté d’agir d’après des règles s’appliquant à tout être raisonnable. Par là, nous passons de la nature à la culture.



    3) 3ème partie (“mais…des lois”)



    - Kant souligne une nouvelle difficulté : le maître a lui-même besoin d’un maître. Le maître dont l’homme a besoin est un “chef” qui “soit lui-même juste” et cependant un homme. Mais le maître idéal qui pourrait introduire la justice dans l’Etat est introuvable puisque lui-même ne sera jamais qu’un homme qui a également besoin d’un maître.



    a) “mais…espèce humaine”



    - Kant nous rappelle ici la naturalité du maître qui fait lui-même partie de l’espèce humaine et donc de la nature.



    b) “or…des lois”



    - L’exercice de la justice est le plus difficile des problèmes politiques : le maître est lui-même un animal soumis au particulier et qui requiert lui-même un maître pour accéder à l’universel. Si la justice publique est l’état juridique où les hommes, au sein de l’Etat, jouissent de leurs droits, ce règne du droit devrait requérir un chef capable de se référer directement à la loi, sans nul rapport aux intérêts égoïstes. Un maître véritable, authentique, devrait être un Dieu, un saint. Or, il ne peut l’être. Donc sans instance représentant la loi universelle, les gouvernants porteront atteinte aux droits d’autrui.



    - Le problème central de la politique, mais aussi de l’éducation, apparaît alors clairement : comment faire régner le droit, si le gouvernant n’est , lui aussi, qu’un vivant égoïste ?



    III) Intérêt philosophique
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    - C’est d’abord la définition kantienne du maître qui est intéressante. Le maître, médiateur entre la nature et la culture, brise les particularités et l’arbitraire des volontés individuelles. Il conduit vers le respect de la loi, tout en étant lui-même soumis à des penchants égoïstes. Kant nous permet de saisir la difficulté centrale du problème politique : quand un maître ou un chef doit établir la justice, il tend à oublier l’intérêt universel, il veut toujours plus de pouvoir.



    - La vraie nature de la difficulté soulevée par Kant est celle du bon gouvernement, c’est-à-dire celle de la relation entre la morale et la politique, si la détention du pouvoir est toujours en mesure de corrompre les intentions que l’on se donne. Selon Kant, si le détenteur du pouvoir ne peut pas être un saint, cela signifie que la politique ne peut pas être confondue avec la morale. A la fin de la 6ème proposition, Kant envisage une moralisation continue des hommes : “le bois dont l’homme est fait est si noueux qu’on ne peut y tailler des poutres bien droites”. La moralisation de l’homme doit être repoussée dans l’avenir et faire l’objet d’une espérance, car le bois tordu dont est faite la nature humaine situe au-delà des forces et des prétentions humaines l’accès à la moralité.



    - C’est dire qu’aucun individu ne saurait atteindre la destination complète de l’homme, qui ne peut être atteinte qu’au niveau de l’espèce. L’impossibilité qu’existe un tel individu, dont l’existence est la condition de la réalisation du droit, ne doit cependant pas nous faire désespérer que l’espèce humaine atteigne un jour sa destination. Le problème de la réalisation du droit ouvre sur la foi : la représentation d’un maître idéal doit être ordonnée à notre espérance et, comme telle, avoir une efficacité pratique et sociale, être l’instrument, en somme, de la réalisation progressive de ce qui n’a pas encore, pour nous de réalité effective.



    - De même, l’exhortation selon laquelle il faut seulement se rapprocher de la moralité peut s’entendre aussi comme un plaidoyer contre le despotisme, comme un avertissement aux souverains : celui de ne pas prétendre à la moralisation forcée des individus (vouloir rendre, par force, les hommes bons ou meilleurs). Il faut aller, dit Kant, de la politique à la morale, et non le contraire.



    - Par ailleurs, il semble que ce texte nous incite à renoncer à un quelconque projet démiurgique concernant la création politique de l’homme par l’homme. C’est la nature qui fixe l’ordre des espérances permises : d’abord l’anarchie naturelle, puis la socialisation forcée qui rend l’homme civilisé; la civilisation elle-même doit être comprise comme une éducation à la moralité. La politique ne détient donc pas la norme de la moralité, elle demeure un instrument de civilisation.



    - Les solutions proposées à la finitude du politique, à l’aporie signalée avec force dans le texte, apparaissent à la fin de la 6ème proposition . Premièrement, dit Kant, il faut une philosophie du droit; le philosophe n’est pas un conseiller du prince; il doit dénoncer publiquement toutes les formes d’action despotiques; il doit défendre, contre l’histoire telle que le politicien professionnel veut la voir dans son propre intérêt, une histoire qui soit celle de la finalité de l’homme. Kant mentionne également l’utilité des voyages qui exprimerait une disposition favorable à un cosmopolitisme intellectuel, à une manière d’être un citoyen du monde. A la philosophie du droit l’histoire apporte la connaissance des hommes et des institutions du passé, et les voyages la connaissance des hommes contemporains. Il faut, enfin, attendre des hommes une volonté bonne (une volonté qui veuille universellement) : il faut les supposer capables d’être vertueux; l’histoire peut certes préparer l’humanité à la liberté, mais la liberté ne peut venir que de l’homme lui-même et de ses efforts.

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