Tout le problème vient des LOIS
Laplace: "nous devons envisager l'état présent de l'univers comme l'effet de son état antérieur et comme la cause de ce qui va suivre".
Je pense en grand spinoziste que la Nature ne possède pas une finalité en soi, mais n'est qu'un enchaînement de causes et d'effets, nécessaires en ce que ce qui est n'aurait pas pu ne pas être.
Je pense l'avoir signalé dans un autre topic, l'idée de "lois de la Nature" me chagrine un peu...
Parler de lois transcendantes de la Nature, c'est effectivement dire que quelque chose de supérieur les a écrites. Or, la loi (nomos) est une initiative de l'Homme, et s'oppose par là à toute spontanéité de la nature (phusis).
En tant qu'athée, tu as sûrement de nombreux arguments qui réfutent l'existence d'un quelconque Dieu créateur et calculateur, et en tant que scientifique, il faut que tu relativises un peu l'idée de la "découverte".
La découverte scientifique n'est pas pour moi le fait de trouver ici et là des "lois" pré-écrites du fonctionnement de l'univers. Par "découverte", je pense qu'il faut comprendre le fait d'interpréter des phénomènes en théorisant leur observation. C'est le principe de toute science empirique ou nomologico-déductive. Un épistémologue te dira que ces sicences, qui créent des principes auxquels elles se plient elles-mêmes pour expliquer leurs théories, ne "découvrent" pas les lois de la Nature, elles les font. Et ce qu'elles fabriquent, ce que nous appeleons vulgairement "lois" de la nature, je préfère l'appeler "modèle".
Grâce au peu de cours d'épistémologie que j'ai suivis, et à mes lectures personnelles, je me permets de m'expliquer sur les "modèles"
Le modèle, je pense, est un recours pour représenter schématiquement une structure théorique (on a par exemple le modèle newtonnien de la chute des corps, ou tout simplement le modèle d'une équation chimique). Il s'agit selon moi d'une simplification délibérée (les forces sont représentées par des flèches, les molécules par des boules,...) qui doit pouvoir être confrontée à des situations empirique. Il est valable quand le résultat de cette mise à l'épreuve correspond à ses prédictions (les théories).
Les science nomologico-déductives (physique, chimie,...) sont expérimentales: elles procèdent à des observations pour fonder leur modèle théorique.
Pour procéder à ces observations, elles utilisent des instruments de mesures. Mais à partir de quoi consruit-on ces instruments?
Le terme "instrument" désigne d'abord l'objet concret (ex: le manomètre), qui a une existence matérielle. Il désigne aussi l'objet conçu, c'est à dire le modèle théorique du fonctionnement de l'appareil.
Par exemple, dans La théorie physique, son objet, sa structure, Pierre Duhem décrit les expériences du manomètre de Regnauld ainsi:
-il y a la chose singulière et concrète, à savoir une série de tubes de verre reliés entre eux et remplis de mercure.
-il y a le modèle théorique: une colone remplie d'un fluide caractérisé par une certaine densité et une certaine pression.
Pour fabriquer un tel modèle qui puisse donner lieu à cet instrument, Regnauld est parti d'une loi qu'il a inventée: la pression d'un gaz est inversement proportionnelle au volume qui le contient: quand la pression de l'air baisse (donc l'air prend plus de place dans le tube), le mercure diminue, et vice-versa.
Regnauld a fabriqué un modèle basé sur cette loi inventée pour mettre à l'epreuve cette même loi.
Cet exemple démontre l'idée que ce que nous appelons "lois de la nature" sont en fait les interprétations humaines d'une série de phénomènes observés et théorisés.
Ainsi, j'estime cette que sensation que l'on éprouve lorsque l'on fait de la science qu'il y a des lois transcendantes de la Nature, et donc la déduction qui suit qu'un être supérieur doué de raison ait écrit ces lois, sont trompeuses.
S'il y a une raison dans la Nature, c'est uniquement celle de l'Homme qui a conscience du monde qui l'entoure et qu'il cherche à comprendre.
Il faut se comporter en positiviste, et plutôt que de chercher une impossible finalité ultime à l'existence de l'univers et des phénomènes, se concentrer sur la réalité des causes antérieures de ces mêmes phénomènes.
Newton a été le premier à abandonner la question du "pourquoi" (c-à-d "dans quel but") pour préferer le "comment". La comète s'écrase-t-elle sur Terre pour détruire la planète? Difficile, voire impossible de répondre. Comment la trajectoire de cette comète dans l'espace l'a-t-elle menée à s'écraser sur la Terre? Voilà une question scientifique débarassée de tout finalisme déiste.
Tu peux certainement comprendre cette démarche, en tant qu'athée...
PS: attention au fatalisme dans lequel tu risques de tomber si tu continues à concevoir l'évènement futur comme prédéterminé.
Liebniz appelle le raisonnement fataliste le "sophisme paresseux": faire venir un médecin si je suis malade ne changera rien du tout: soit je guérirai, soit je ne guérirai pas.
Imagine des fatalistes face au raisonnement climatique: à quoi bon s'agiter s'angoisser, ou se priver de ce que nous avons (carburant, vaches qui pètent, tout ça...) puisque ce qui doit arriver arrivera?
En tout cas, si tu veux te faire une idée d'un fatalisme qui soit positif, intéresse toi aux stoïciens: il y a une raison clairvoyante qui organise l'univers de la meilleur façon possible.
Lis quand même Voltaire, pour garder les deux pieds sur Terre... hihi!