« SERVITUDE ET SOUMISSION » Construisons une grille de lecture
« servitude et soumission »
Le thème met dans l'espace ce qui ne se compte pas. "et" juxtapose pour nous faire voir la différence et l ' adjonction
D'après le post précédent nous pouvons répondre à la question: qu'est-ce qui manque à la servitude pour que le tyran puisse compter sur elle?
La servitude est un esclavage contraint par le regard du maître. La liberté explose dans le for intérieur et lorsque la contrainte disparaît. Ce qui manque à la servitude c'est la continuité dans le temps. Quand le chat n'est pas là, les souris dansent.
Qu'apporte la soumission? C'est la continuité car, étant volontaire,son origine n'est autre que la volonté.Elle demeure en l'absence du tyran. Étonnant paradoxe , la liberté peut se nier elle-même! Comment cela peut-il être?
Nous pouvons maintenant lire les trois o euvres sans pour cela perdre jamais de vue « SERVITUDE ET SOUMISSION »
A suivre
Une maison de poupée? Lisons ensemble
Comparons deux passages:
1) Au début
Citation:
Nora: Mon Dieu! Quelle joie que d'y penser tranquille: tranquille, pouvoir être tranquille, tout à fait tranquille! Jouer avec les enfants, bien arranger la maison, avec goût , comme Torwald peut le désirer. Puis viendra le printemps, le beau et ciel bleu. Peut-être alors pourrons-nous un peu voyager . Retourner voir la mer! Oh!Quelle chose adorable de vivre et d'être heureuse!
Acte 1, scène 4
Acte 1, scène 4
2) Bien plus tard
Citation:
Nora: Mon Dieu ! tu l'as très bien dit. C'est pour moi une tâche hors de portée. Il en est une
autre dont je dois m'acquitter d'abord. Je veux songer avant tout à m'élever moi-même. Tu n'es
pas homme à me faciliter cette tâche. Elle ne relève que de moi. Voilà pourquoi je vais te quitter.
De la passivité à l'acte. De la soumission à la liberté, la création de soi par soi: la vraie vie.
Utilisons notre grille:
Ressemblances:
même locuteur: Nora
Même début: Mon Dieu!
Il s'agit de " tâches", voulues par son mari, à réaliser. Servitude et soumission.
Il s'agit de joie, d'être heureuse(tranquille) mais à quel prix?
Différences:
Nora suivait les désirs de Torwald, maintenant elle suit son désir, passer de la puissance à l'acte!
Il s'agit de tâches accomplies par une épouse soumise par la passion:"comme le veut Torwald" ,= suite de tâches passives, à attendre le changement qui vient de la nature .Le retour du même. Tout au plus Nora n'ajoute que des formes nouvelles à l'ancien. (" avec goût")
Style, et sentiments.
au début: le co eur, le sentiment, l'art qui voile la vérité, la contemplation...
Vers la fin de la pièce: La rigueur d'une démonstration imparable et implacable.
Ce qu'elle accorde : Torwald pris aux mots. Le travail quotidien sera aussi bien fait par une personne quelconque. => ce qu'est la tâche qui lui est propre => Son mari n'est pas du genre à la lui faciliter=> car la tâche ne relève que d'elle=> C'est pourquoi elle va le quitter. Cela claque comme une porte qui se referme.
alors que ,vers la fin de la pièce, la tâche vient d'elle et a pour objet Nora elle même: "s'élever". Une tâche propédeutique à toutes les autres. Choisir et de ce fait se choisir. S'élever signifie, à la fois, grandir, devenir autonome, mettre en acte la liberté restée en puissance sous la triple tutelle de la société, du mari et de la langue.
Rapport
De la soumission volontaire à la liberté.
De la puissance à l'acte.
Du sommeil de la raison à son éveil
Citation:
"On appelle liberté le rapport du moi concret à l'acte qu'il accomplit" (Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience p.165).
A suivre
Lettres Persanes: lisons ensemble.
Le roi de France est le plus puissant prince de l'Europe. Il n'a point de mines d'or comme le roi d'Espagne son voisin; mais il a plus de richesses que lui, parce qu'il les tire de la vanité de ses sujets, plus inépuisable que les mines. On lui a vu entreprendre ou soutenir de grandes guerres, n'ayant d'autres fonds que des titres d'honneur à vendre; et, par un prodige de l'orgueil humain, ses troupes se trouvaient payées, ses places munies, et ses flottes équipées.
D'ailleurs ce roi est un grand magicien : il exerce son empire sur l'esprit même de ses sujets; il les fait penser comme il veut. S'il n'a qu'un million d'écus dans son trésor et qu'il en ait besoin de deux, il n'a qu'à leur persuader qu'un écu en vaut deux, et il le croient. S'il a une guerre difficile à soutenir, et qu'il n'ait point d'argent, il n'a qu'à leur mettre dans la tête qu'un morceau de papier est de l'argent, et ils en sont aussitôt convaincus. Il va même jusqu'à leur faire croire qu'il les guérit de toutes sortes de maux en les touchant, tant est grande la force et la puissance qu'il a sur les esprits.
Ce que je dis de ce prince ne doit pas t'étonner : il y a un autre magicien plus fort que lui, qui n'est pas moins maître de son esprit qu'il l'est lui-même de celui des autres. Ce magicien s'appelle le pape : tantôt il lui fait croire que trois ne sont qu'un; que le pain qu'on mange n'est pas du pain, ou que le vin qu'on boit n'est pas du vin, et mille autres choses de cette espèce. (lettre 24.)