3) Mallarmé: Brise marine,(1865) explication
1) La mise en scène :
En apparence une veillée en famille.
Mallarmé assis à son bureau devant une feuille blanche ("que la blancheur défend")
Non loin: sa femme et sa toute petite fille.
2) De quoi il s'agit: du désir Le désir de se réaliser, en s'arrachant aux contraintes sociales du métier (les copies à corriger, le "chahut" dans les classes d'anglais) et aux contraintes de l'amour (sa femme et sa toute petite fille), est magnifiquement manifesté par ce poème.
Pourquoi la page est-elle blanche? Parce que les contraintes à assumer l'ont épuisé.
La sécheresse le désespère; ici n'est pas la vraie vie du poète, la vraie vie est ailleurs! "Là bas"
La solution va lui apparaître brusquement.
2) Ce qu'il ne faut jamais oublier:
Vous devez expliquer le texte.
Conséquence : vous avez droit à une explication de texte .
L'explication exige une participation de tous: A vous , grâce aux questions de l'enseignant et les votres, de trouver l'explication.
Evidemment , vous devez participer : Platon dit à celui qui l'interroge "c'est toi qui le diras".
3)
Au cas où il y aurait encore encore des explications dictées à toute vitesse, je vais m'efforcer de déplier le texte, avec infiniment de respect pour Mallarmé.
A très bientôt
Joseph
Il était une fois Mallarmé....Le LIVRE. Deux pages sur sa vie par joseph Llapasset
Il était une fois:
1) Enfance, adolescence: http://www.philagora.net/mallarme/mallarm.php
2) Sa vie,comme celle d'un albatros: http://www.philagora.net/mallarme/mallarm1.php
L'essentiel de l'oeuvre de Mallarmé est d'avoir créé des "fragments" qu'il n'a pu "relier": dans chaque fragment le sens est en mouvement perpétuel au point qu'au moment même où il jaillit, il se dérobe et qu'au moment même où il se dérobe il jaillit, comme le regard qui, s'évadant par la fenêtre, du même mouvement, rentre dans la chambre, tel le mouvement de la Vie qui ne peut échapper à lui même .
En reliant tout cela il espérait créer une sorte de Bible poétique:
LE LIVRE
C'est donc le tout du poème que le sens anime, partout et nulle part, comme l'insaisissable Vie dont l'insolence nous désespère. N'ayons pas peur de le dire, Mallarmé a voulu être Dieu, l'auteur du texte universel, dont la faille serait de n'en avoir pas, l'auteur du Livre. Il est mort, étouffé, de l'absence du lien, de l'impossibilité de prononcer la parole à laquelle rien n'aurait manqué.
- L'échec ne doit pas masquer les fragments de réussite, ses poèmes en vers ou en prose qui font du lecteur, lui aussi, le démiurge du sens et le désespèrent au sein de l'abondance: "c'est toi qui le diras" parce que, ce qui coule devant toi dans l'oeuvre, partielle certes, mais divine, exige la multiplication des chemins d'approche et des manifestations fulgurantes qui, loin d'exclure les autres perspectives, les appellent, chacune participant au sens. Mallarmé est donc le maître exemplaire, l'initiateur, l'animateur. C'est à toi d'être un Dieu, d'où l'obscurité de Mallarmé pour celui-là qui refuse d'être, lui aussi, l'auteur du texte, de participer à sa recréation nécessaire. C'est donc l'humanité que Mallarmé veut entraîner.
- Demander si les pensées et la poésie de Mallarmé sont toujours modernes c'est demander si une création peut "passer", comme si la hauteur de son oeuvre était accrochée à son époque au point de mourir avec elle, alors qu'en s'élevant au rang de créateur, Stéphane Mallarmé, accompagne le devenir de l'humanité parce qu'il a participé à sa création: comment l'oeuvre ne témoignerait -elle pas éternellement du créateur quand elle lui doit le meilleur d'elle-même?
Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui publié en 1885
Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui
Va-t-il nous déchirer avec un coup d'aile ivre
Ce lac dur oublié que hante sous le givre
Le transparent glacier des vols qui n'ont pas fui!
Un cygne d'autrefois se souvient que c'est lui
Magnifique mais qui sans espoir se délivre
Pour n'avoir pas chanté la région où vivre
Quand du stérile hiver a resplendi l'ennui.
Tout son col secouera cette blanche agonie
Par l'espace infligée à l'oiseau qui le nie,
Mais non l'horreur du sol où le plumage est pris.
Fantôme qu'à ce lieu son pur éclat assigne,
Il s'immobilise au songe froid de mépris
Que vêt parmi l'exil inutile le Cygne.
A suivre
Mallarmé et Platon: Art poétique
L'objet de l'art: Mallarmé disciple de Platon, à la suite de Poe, Hoffmann, de Maistre, Fourrier, Swedenborg.
Le Traité du Verbe de René Ghil paraît en 1886 avec pour préface une page de Mallarmé qui considéra cet "AVANT - DIRE" comme exprimant à la perfection son art poétique puisqu'il le reprend successivement en 1891, 1893, 1896, en l'insérant dans ses propres œuvres. On considèrera ici cette expression réitérée comme le texte de référence, signalé par l'auteur lui-même.
"A quoi bon la merveille de transposer un fait de nature
en sa presque disparition vibratoire selon le jeu de la parole,
cependant, si ce n'est pour qu'en émane, sans la gêne d'un proche
ou concret rappel, la notion pure?" ...
Le sensible -la fleur au calice "sus" (= bien connus), parce que vue et revue, reflète son modèle antérieur parce que éternel dans son impuissance même à réaliser l'Idée, son archétype.
C'est donc ce rapport que la parole (le Dire) doit mettre en lumière.
Le sensible par sa pauvreté, et sa proximité qui offusque l'esprit ne mérite, aux yeux de la foule, que le concept qui prend ensemble le sensible par le même mot, le même sens source d'un universel reportage. Aux yeux du poète, c'est un tremplin, une occasion de se souvenir, un "faire signe" vers la plénitude de l'idée à laquelle, par sa pauvreté même, il renvoie comme ce à quoi il aspire: ainsi la terre craquelée fait rêver à l'eau vive qui l'a jadis fécondée et dont elle témoigne.
"Je dis: une fleur! et, hors de l'oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quelque chose d'autre que les calice sus, musicalement se lève, idée même et suave, l'absente de tous bouquets."
Si le sensible n'est que le reflet, la copie, mieux vaut le modèle que la copie, l'Idée, absente de tous bouquets visibles en ce monde, parce que située dans un ciel antérieur.
La poésie sera donc divine: l'effort pour s'élever vers le modèle, l'acte de réminiscence qui témoigne d'une vie antérieure et d'une native illumination: elle se détourne du simplement utile pour s'élever au vraiment utile, à l'essentiel. (voir la caverne de PLaton: lien en bas de la page). Il s'agit de séparer "le baiser de feu" de la "cendre" du quotidien; L'usage essentiel de la parole (le Dire qui suggère) de la vulgarité (vulgus = foule) qui exile le charme ou pour mieux dire le chant.
"Au contraire d'une fonction de numéraire facile et représentatif, comme le traite d'abord la foule, le Dire, avant tout rêve et chant, retrouve chez le poète, par nécessité constitutive d'un art consacré aux fictions, sa virtualité". (Extraits de l'AVANT-DIRE, Pléiade pages 857 et 858)
La poésie sera l'art de suggérer la notion pure, l'Idée de la chose, sa forme intellectuelle: l'objet de l'art c'est donc les fictions, ici l'ensemble des Idées.
L'obscurité de Mallarmé devient alors une nécessité, un élément constituant de sa démarche: dans la mesure où il se détourne de l'immédiat le Dire exige, pour être saisi dans ses possibilités évocatrices, que l'amateur suive le même mouvement.
Loin d'être le résultat d'un parti pris méprisant du poète, l'obscurité naît de la condition humaine, de l'impossibilité de contempler directement les Formes. Cette impuissance est aussi la justification de l'art qui seul peut évoquer musicalement par des symboles, des allusions, des silences, l'essentiel -la beauté antérieure- vers quoi l'objet sensible nous tourne sans jamais pouvoir nous le donner parce qu'il ne la réalise jamais.
Participation, conversion, réminiscence, maïeutique, autant de piliers platoniciens sur lesquels Mallarmé ancre son esthétique.
1) Joachim Du BELLAY, Heureux qui comme Ulysse....Les Regrets,1558
Heureux qui,comme Ulysse a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné ,plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge!
Quand reverrai-je ,hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée,et en quelle saison,
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province ,et beaucoup davantage?
Plus me plaît le séjour qu'on bâti mes aïeux,
Que de palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine:
Plus mon Loire Gaulois que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré que le mont Palatin
Et plus que l'air marin la douceur Angevine.
Du BELLAY, Les Regrets,Sonnet, 1558.