Enthousiasme et politique II
Les politiques succombent souvent à la tentation de faire de l'enthousiasme un instrument pour la marche vers le pouvoir.
C'est méconnaître ce que cela est l'enthousiasme et risquer des retours en forme de bâton, si ce n'est de cuisant échec.
Ce n'est pas , par exemple , l'enthousiasme qui a jeté quelque lumière sur la révolution française.
Les chouans étaient, eux aussi enthousiastes.
D'un sentiment on ne tire rien pour un concept: le concept est fermé par celui qui le déroule.
Tout ce que l'on peut affirmer c'est que l'enthousiasme marque une sensibilité à l'histoire, tel ou tel devenir dans lequel je me sens impliqué.
En conséquence plus on promet , plus on doit s'appuyer sur la raison.
Reste qu'il est permis de sourire d'un long discours , un peu ennuyeux, accompagné d'un enthousiasme continu.
Plus on s'appuie sur l'enthousiasme plus on refuse le sentiment éprouvé par la foule des militants.
On propose un programme et par là un certain nombre de choses qui seront des sacrifices.
ON peut dire que l'enthousiasme est une ouverture sur l'avenir, et donc sur la liberté. Cela signifie que
cette ouverture est ,tout au plus une aspiration au progrès sans pour cela le déterminer .
La politique gagnerait donc à ne pas instrumentaliser l'enthousiasme.
L'instrumentalisation de l'Enthousiasme. III
Kant nous prévient contre les enthousiasme théoriques.
Il me semble qu'il s'agit de sortes de monstres antinomiques. On veut instrumentaliser l'enthousiasme et lui faire dire ce que l'on veut réaliser, alors que l'enthousiasme est un sentiment et n'a aucun rapport avec tel ou tel contenu théorique.
Tout au plus peut-on le qualifier comme ce qui réveille, ce qui arrache à la monotonie du quotidien, ce qui provoque une répulsion contre le passé et ses répétitions.
On croit se débarrasser du passé en expulsant du champ politique les figures de ceux qui ont dominé le passé.
Encore faut-il que le passé ne grimace pas derrière les nouvelles figures.
Et ,certes, l'enthousiasme est une sortie de la torpeur, le surgissement d'une aspiration au "meilleur " c'est à dire à un progrès et à plus de liberté.
Mais eux qui font miroiter des lendemains qui chantent, en instrumentalisant l'enthousiasme, oublient que l'enthousiasme ne dit rien sur le contenu de l'avenir et ne peuvent que par un préjugé, assurer qu'il sera un progrès accompagné de plus de liberté.
De plus ,en excluant les acteurs du passé , non sans candeur, ils leur dénient l'humanité, la liberté de se choisir autre en choisissant une autre route en fonction d'une expérience qui devient profitable à tous.'>regret, aveu, repentir
Devant tant de vertueuses protestations on resterait perplexe dans un pays ou le "piston "régnerait.
Alors il est permis de se précipiter à ces meeting qui nous régalent de promesses , ou de performances techniques, ce qui nous fait oublier que le progrès exige une intelligence qui ajuste les moyens à une fin, et que une politique pavée de bonnes intentions mène plus à l'enfer sur la terre qu'une politique sensée qui a renoncé à l’instrumentalisation de l'enthousiasme.
Ne confondons pas les défilés dont le rythme est la négation du progrès et de la liberté, avec le pouvoir partagé à l'horizon de l'enthousiasme : saisi par l'enthousiasme qui est saisie "des commencements ", selon la pertinente formule de Hegel, mais qui ne dit rien sur la valeur du contenu de ces commencements.
Joseph