La diffusion de la connaissance et l'esprit moderne.
"Nous avons eu déjà plus d'une d'une occasion de dire ce que nous pensons des tendances modernes à la "propagande" et à la "vulgarisation", et de l'incompréhension qu'elles impliquent à l'égard de la véritable connaissance; aussi n'avons-nous pas l'intention de revenir encore une fois sur les inconvénients multiples que présente, d'une façon générale, la diffusion inconsidérée d'une "instruction" qu'on prétend distribuer également à tous, sous des formes et par des méthodes identiques, ce qui ne peut aboutir qu'à une sorte de nivellement par le bas: là comme partout à notre époque, la qualité est sacrifiée à la quantité.
Encore cette façon d'agir peut-elle trouver une excuse, au moins relative, dans le caractère même de l'instruction profane dont il s'agit, qui ne représente en somme aucune connaissance au vrai sens de ce mot, et qui ne contient absolument rien d'un ordre tant soit peu profond; ce qui la rend néfaste, c'est surtout qu'elle se fait prendre pour ce qu'elle n'est pas, qu'elle tend à nier tout ce qui la dépasse, et qu'ainsi elle étouffe toutes les possibilités se rapportant à un domaine plus élevé.
Mais ce qui est peut-être plus grave encore, et ce sur quoi nous voulons plus particulièrement appeler ici l'attention, c'est que certains croient pouvoir exposer des doctrines traditionnelles en prenant en quelque sorte modèle sur cette même instruction profane, et en leur appliquant des considérations qui ne tiennent aucun compte de la nature même de ces doctrines et des différences essentielles qui existent entre elles et tout ce qui est désigné aujourd'hui sous les noms de "science" et de "philosophie"; il y a là une pénétration de l'esprit moderne jusque dans ce à quoi il s'oppose radicalement par définition même, et il n'est pas difficile de comprendre quelles peuvent en être les conséquences dissolvantes, même à l'insu de ceux qui se font, souvent de bonne foi et sans intention définie, les instruments d'une semblable pénétration.
René Guénon - Extrait du ch. II, p. 141 - 142 - Mélanges.
De la rigueur mathématique !
Citation:
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noix
je n'ai pas tout lu, car il faut une certaine habitude...
je me contenterai de remarques, parce qu'il est tard et qu'il y a trop d'idées, et j'ai lu de travers. N'empêche, certaines questions, réflexions que j'ai faites resurgissent.
showdown fait une distinction entre entendement et raison. quelle est la définition?
je suis d'accord que la "raison" tente de trouver des principes généraux, fondamentaux comme cette seconde loi de Newton qui explique bien des choses. mais j'ai bien l'impression que c'est le fonctionnement de la raison, le fondement de notre compréhension des choses. une théorie absolue, complètement logique n'est-elle pas la seule chose que l'on soit capable de comprendre?
et enfin je ne vois pas pourquoi la psychologie resterait en dehors du domaine de la raison.
mon modèle c'est la maths, et d'ailleurs pour répondre à l'exemple de l'infini je donne celui des maths. euh.., finalement je vais parler d'ensemble non borné inclus dans l'ensemble des nombres réels. une tel ensemble est tel que QUEL QUE SOIT une réel que vous choisit, je peux trouver une élément de mon ensemble qui soit plus grand que ce réel que vous m'avez donné. bon bah, c'est l'idée, parce qu'en maths on a deux quantificateurs : "quel que soit" et "il existe"
Vous dites : "...euh.., finalement je vais parler d'ensemble non borné inclus dans l'ensemble des nombres réels..."
Un ensemble "non borné" inclus dans un autre ensemble, quel qu'il soit, est une absurdité (c'est-à-dire, une impossibilité).
Cet ensemble est forcément borné par l'autre ensemble dont il est "inclus".
De plus un ensemble "non borné" n'est plus un "ensemble"
"...l'ensemble des nombres réels..." : cet élément de phrase laisse supposer qu'il existe des "nombres non-réels" : vous pourriez développer, car cela semble fort intéressant... et innovant... quoique !!!
Quant au prétendu "infini mathématique", ce n'est et ne peut être en réalité que l' "indéfini"; et il ne faudrait pas croire que cette confusion de l'infini et de l'indéfini se réduit à une simple question de mots.
Ce que les mathématiciens représentent par le signe (un "huit" horizontal) ne peut en aucune façon être l'Infini entendu dans son vrai sens; ce signe ("huit" horizontal) lui-même est une figure fermée, donc visiblement finie, tout aussi bien que le cercle dont certains ont voulu faire un symbole de l'éternité, tandis qu'il ne peut être qu'une figuration d'un cycle temporel, Indéfini seulement dans son ordre, c'est-à-dire de ce qui s'appelle proprement la perpétuité; et il est facile de voir que cette confusion de l'éternité et de la perpétuité s'apparente étroitement à celle de l'infini et de l'indéfini.
En fait, l'indéfini n'est qu'un développement du fini ; mais de celui-ci on ne peut faire sortir l'Infini, qui d'ailleurs ne saurait être quantitatif, pas plus qu'il ne saurait être quoi que ce soit de déterminé, car la quantité, n'étant qu'un mode spécial de réalité, est essentiellement limitée par là même.
D'autre part, l'idée d'un nombre infini, c'est-à-dire suivant la définition qu'en donnent les mathématiciens, d'un nombre qui serait plus grand que tout autre nombre, est une idée contradictoire en elle-même, car, si grand que soit un nombre N, le nombre N + 1 sera toujours plus grand, en vertu de la loi même de formation de la série indéfinie des nombres ; et de cette contradiction en découlent beaucoup d'autres, comme l'ont d'ailleurs remarqué certains philosophes qui pourtant n'ont pas toujours bien vu la véritable portée de cette argumentation, car il en est qui ont cru pouvoir appliquer à l'Infini métaphysique même ce qui ne porte que contre le faux infini mathématique, commettant encore ainsi, bien qu'en sens contraire, la même confusion que leurs adversaires.
Il est évidemment absurde de vouloir définir l'Infini, car toute définition est nécessairement une limitation, comme les mots mêmes le disent assez clairement, et l'Infini est ce qui n'a pas de limites ; chercher à le faire entrer dans une formule, c'est-à-dire en somme à le revêtir d'une forme, c'est s'efforcer de faire entrer le Tout universel dans un des éléments les plus infimes qui sont compris en lui, ce qui est manifestement impossible ; enfin, concevoir l'Infini comme une quantité, ce n'est pas seulement le borner comme nous venons de le dire, mais c'est encore, par surcroît, le concevoir comme susceptible d'augmentation ou de diminution, ce qui n'est pas moins absurde.
Avec de semblables considérations, on en arrive vite à envisager plusieurs infinis qui coexistent sans se confondre ni s'exclure, des infinis qui sont plus grands ou plus petits que d'autres infinis, et même, l'infini ne suffisant plus, on invente le "transfini", c'est-à-dire le domaine des nombres plus grands que l'infini : autant de mots, autant d'absurdités, même au regard de la simple logique élémentaire.
C'est à dessein que nous parlons ici d' "invention", car, si les réalités de l'ordre mathématique ne peuvent, comme toutes les autres réalités, qu'être découvertes et non pas inventées, il est clair qu'il n'en est plus de même quand on se laisse entraîner, par le fait d'un "jeu" de notation, dans le domaine de la fantaisie pure ; mais comment pourrait-on espérer faire comprendre cette différence à des mathématiciens qui s'imagine volontiers que toute science n'est et ne doit être rien d'autre qu'une "construction de l'esprit humain", ce qui, assurément, la réduirait, si on devait les en croire, à n'être que bien peu de chose en réalité ?
Puisque vous semblez vous intéressez aux mathématiques, l'ouvrage "Les Principes du calcul infinitésimal" de René Guénon, pourra vous être d'un grand secours.
Lephenix